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Obama : un premier bilan 
en demi-teinte
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Yes, we could

Barack Obama a annoncé sa candidature à sa propre succession la semaine passée. Retour sur son action à la tête des Etats-Unis.

Pierre Rigoulot

Pierre Rigoulot

Pierre Rigoulot est historien et directeur de l'Institut d'histoire sociale

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Le bilan de l'action d'Obama à la tête des Etats-Unis est plutôt mitigé, surtout quand on songe à l’enthousiasme qu’avait suscité son élection dans certains milieux. Beaucoup ont espéré, avec l’arrivée d’un homme de couleur à la tête des Etats-Unis, de très audacieuses politiques - intérieures comme internationales. On l’oublie, mais Barack Obama a précocement été élu prix Nobel de la paix, moins pour ce qu’il avait fait que pour ce qu’on espérait qu’il puisse faire.

Quand la crise vient doucher l'enthousiasme des débuts

En politique intérieure, reconnaissons-lui une certaine réussite avec la réforme du système de santé. On ne peut pas dire, en revanche, que sa tentative de dépasser la crise économique a réussi, mais admettons que l’économie américaine ne se porte pas plus mal qu’au début de son mandat. Le déficit public est toujours important, mais la machine à produire des emplois semble repartir si l’on en juge par les échos de la bourse. S’agit-il d’un réel redémarrage ou d’un  hoquet positif ? Difficile à dire.

Barack Obama ne déclenche plus l’enthousiasme qu’il avait suscité aux Etats-Unis, mais l’aile radicale à la marge du parti républicain n’a toujours pas réussi à le déstabiliser. Il y a une force politique très hostile à Obama, mais certains de ses excès ont pu jouer contre ce mouvement des Tea Parties. Je pense en particulier à la façon très radicale de désigner le président américain comme un communiste masqué. Je ne suis pas certain que ce soit efficace aux Etats-Unis. Je doute également de cette manière de se focaliser sur sa naissance : les Etats-Unis, pays d’immigrés par excellence, ne sont pas vraiment le lieu pour porter une telle argumentation.

La réforme du système de santé a été très longue à mettre en œuvre étant donné le poids de l’idéologie de la responsabilité individuelle. Cela étant, la loi a été votée dans une version édulcorée, ce qui reste une réussite même si certains électeurs (minoritaires) de gauche ont pu être déçus.

Il y a sans doute plus de motifs de déception quant à sa capacité à réduire les déficits économiques. Quand on a rêvé d’un président qui allait résoudre tous les problèmes (ce fut le cas lors de la campagne de 2008), il existe effectivement davantage de chances d’être déçu. On avait même l’impression qu’une partie de la presse française était derrière lui. Aujourd’hui, force est de constater que sa nouvelle candidature n’a pas suscité le même enthousiasme.

Quant à la crise,  la situation ne s’est pas aggravée, mais nous sommes loin d’en être sortis. Le nombre de chômeurs reste important, ce qui incite à la prudence dans l’analyse. Certaines statistiques demeurent inquiétantes, également. Je pense particulièrement au commerce extérieur et à l’endettement américain. Peut mieux faire, donc !

Politique extérieure : confusion et ambiguïté

Sur le plan international, mon jugement sera un peu plus sévère. Barack Obama oscille, sur ce terrain-là, entre confusion et ambiguïté. En Côte d’Ivoire, les Etats-Unis se sont proposés d’intervenir et, visiblement, on les en a dissuadés. Ils n’ont pas insisté, étrangement car ce n’est pas à cela que les Etats-Unis nous avaient habitués. Une proposition d’intervention non suivie d’effets relève au moins de la confusion. Il est possible que la France, l’Union Européenne ou même l’ONU aient considéré qu’il était inutile que les Etats-Unis interviennent.

La situation en Libye est tout aussi ambiguë. L’intervention est minimum, retenue. Je ne comprends pas très bien cette position : on intervient sans trop intervenir. L’attentisme peut bien sûr être légitime dans la mesure où il reste difficile de prévoir le devenir des révolutions arabes.

On a eu l’impression que le gouvernement américain souhaitait le départ de Ben Ali et de Moubarak, peut-être pour éviter une radicalisation au profit des islamistes, mais qu’espère t-il ? Le président égyptien était un solide allié des Etats-Unis. Provoquer sa chute est un risque important : qui sera désormais l’allié de poids des Etats-Unis dans la région ?

De George W. Bush à Barack Obama : pas de vraie rupture

La démocratisation du Moyen Orient reste demeure une volonté des Etats-Unis, que ce soit avec Bush ou Obama. La coopération avec d’autres puissances est toutefois plus accrue. Le feu vert de l’ONU est plus attendu, et respecté. Le style a changé.

La Libye n’est évidemment pas l’Irak d’Obama. Mais les appels sans engagement guerrier en Tunisie ou en Egypte manifeste la volonté de presser le mouvement pour que les pays arabes soient davantage démocratiques.

Reste l’ambiguïté liée au discours du Caire où les propos de Barack Obama avaient soulevé un grand enthousiasme. Il n’avait pas prononcé les mots « droits de l’homme », mais s’était dit partisan d’un Islam ouvert. Il était d’ailleurs étrange de prendre pour référence une religion qui n’est pas, majoritairement, celle des Occidentaux.

Multilatéralisme et mesure des interventions américaines signent une évidente rupture avec l’ère Bush, mais ce n’est pas le jour et la nuit. En Afghanistan, la guerre a été reprise et assumée par Obama. Toute intervention plus radicale supposerait d’ailleurs une deuxième guerre. L’administration américaine actuelle a compris la gravité supposée de ne pas assumer la responsabilité militaire de Bush. Rappelons tout de même que l’intervention en Irak a été une victoire militaire rapide, mais ce n’est toujours pas une victoire politique.

Les Etats-Unis face à la Chine

En Orient, il ne se dégage pas l’impression d’une politique très claire, ni une rupture avec les orientations militaires de Bush Jr. Obama continue de soutenir la politique de la Corée du Sud contre les provocations nord-coréennes. Les Etats-Unis ont, dans la région, une perception de l’avenir assez fine ; celle d’une certaine poussée chinoise.

Pékin revendique plusieurs régions (et reste notamment en conflit avec le japon) et entend devenir une grande puissance maritime régionale. La Chine construit une importante flotte de guerre, et revendique le droit d’interdire aux bateaux présents sur sa zone d’y naviguer – ce qui est contraire au droit international. Ainsi, alors que la Chine jouait le rôle d’arbitre vis-à-vis de la Corée du Nord, en votant des sanctions à l’ONU contre Pyongyang, elle soutient désormais le régime de Kim Jong-Il.

Les Etats-Unis, eux, soutiennent la Corée du Sud et entendent être plus présents dans cette zone à plus long terme en raison de la menace chinoise. Dans les premiers mois du mandat d’Obama, Hillary Clinton s’est rendue au Vietnam, comme pour exorciser la guerre passée. Il n’y a plus de naïveté à l’égard de la Chine. Les Etats-Unis tentent de minorer son importance et resserrent donc leurs liens diplomatiques avec les autres pays de la région. Il n’y a par exemple aucun recul dans les livraisons d’armes à Taïwan.

La présence américaine aux abords de la Corée du Nord (que la Chine considère quasiment comme un protectorat) vise à contrôler les entrées et les sorties de la dictature communiste. La fermeté est de mise, et elle est du domaine de Hillary Clinton.

La politique d’Obama ne représente pas un virage à 180 degrés par rapport aux positions des néo-conservateurs. Le président américain agit d’ailleurs comme s’il disposait de davantage de temps devant lui. Son attitude par rapport à Hugo Chavez, par exemple, est éloquente. Obama attend et ne réagit pas aux provocations. Il laisse cuire les amertumes dans leur jus. Cela dit, l’Amérique latine n’est pas la zone la plus stratégique pour les Etats-Unis, à la différence du Moyen Orient.

Enfin en ce qui concerne Israël, l’attitude adoptée est celle de l’attente car la situation est complexe. Après avoir condamné le principe de l’extension des colonisations, Barack Obama a ensuite insisté sur le principe de l’existence d’Israël. Il attend maintenant de voir les choses évoluer.

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