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Nombre de morts, manque de moyens, soupçons d’euthanasie : ce qui se passe vraiment dans les Ehpad ?
©LOIC VENANCE / AFP

Abandon

Depuis le début de l'épidémie, 2.417 personnes sont mortes dans les Ehpad, selon le dernier bilan communiqué par le ministre de la Santé, Olivier Véran. Les établissements pour personnes âgées sont durement touchés par la crise du coronavirus.

Atlantico.fr : Vous vous montrez plutôt sceptique sur les chiffres communiqués par le gouvernement sur le nombre de morts dans les EPHAD, pourquoi ?  

Jean-Yves Le Goff : En effet, ce soir 6 avril 2020, 2417 décès sont annoncés ce qui est déjà un chiffre colossal, mais qui ne rend pas compte malheureusement d’une triste réalité encore plus sombre pour plusieurs raisons :

7500 EHPAD (établissement d’hébergements pour personnes âgées dépendantes) sont recensés en France, où séjournent 605 000 personnes et où travaillent 400 000 personnels affectés. Mais à côté de ces EHPAD, il existe beaucoup d’autres établissements sociaux : unités de soins longue durée (USLD), maisons de soins de suite et réadaptation (SSR), foyers logements, services de gériatrie médicalisée, maisons de retraite …

Dans tous ces établissements les problématiques de contagion, contamination du coronavirus concernant des personnes vulnérables souffrant de maladies associées avec le plus souvent une baisse importante de l’immunité se conjuguent et amplifient les complications et la mortalité liée au COVID-19.

Il est donc patent que la mortalité sera au final, malheureusement, beaucoup plus importante que le nombre de décès annoncé ce jour. Ce qui pour ma part est inadmissible du fait de l’absence d’anticipation de l’épidémie et du manque de moyens de protection (masques, kits de protection, tests, et traitement des formes symptomatiques et positives, malades confinés avec circuit d’aération intérieur, très peu d’aération extérieure …)

En effet revenons sur les déclarations de décès (sources pompes funèbres françaises) : elles se font soit par informatique, soit par certificats papiers :

En région parisienne, 30 % se font par informatique, les seules comptabilisées s’agissant de la remontée de la mortalité pour les EHPADS et apparentés. Les 70% transmis par voie de déclaration papier étant beaucoup plus longs à analyser car transmis à l’INSEE (soit un décalage dans la prise en compte s’étalant sur plusieurs semaines voire plusieurs mois).

En province, 15 à 20% des déclarations de décès se font par informatique, seules celles-ci sont comptabilisées et annoncées par la Direction Générale de la Santé excluant ainsi en temps réel les 80 à 85% par déclarations papiers.  

On conçoit aisément que les chiffres de mortalité pour nos aînés, nos anciens, dans ces structures pour personnes âgées dépendantes sont actuellement complètement sous évalués et dès que l’on pourra les comptabiliser exactement, la mortalité définitive va exploser, et confirmera l’ampleur de la tragédie insupportable et inadmissible qui est en train de se dérouler sous nos yeux…

Tous nos efforts présents et à venir doivent être tendus vers la nécessité absolue de prévenir et réduire au maximum la mortalité de nos aînés par des mesures urgentissimes et par la fourniture du matériel de protection (QS) aux personnels et aux pensionnaires de ces établissements que nous allons développer dans la deuxième partie.

De tous côtés montent les cris d'alarme du personnel soignant et des dirigeants sur l'état d'abandon dans lequel se trouvent les établissements pour personnes âgées. Alors que la crise avance et malgré la désorganisation initiale, est-ce que les choses évoluent ? 

Les cris d’alarme du personnel soignant, des dirigeants et de beaucoup de familles de résidents de ces EHPADS et autres établissements médicaux-sociaux retentissent et s’amplifient considérablement et à juste titre, et ceci à plusieurs niveaux.

Ils appellent à l’aide et au secours débordés par l’ampleur des problèmes et de la tragédie devant la pandémie, s’ajoutant à l’état précaire préexistant. 

En effet, ces personnels soignants et les personnels encadrants manquent cruellement de matériel de protection masques chirurgicaux FFP1, masques pour soignants rapprochés FFP2, kits de protection (surblouse, charlottes (chapeaux), lunettes, sur chaussures …)

De même, il y a nécessité à fournir des masques chirurgicaux à tous les résidents.

Ils n’ont eu par ailleurs de cesse de réclamer des tests PCR (recherche du virus) pour l’ensemble des soignants et des personnes hébergées. 

Après de multiples actions, protestations, véritables implorations pour faire des tests généralisés, il a enfin été décidé le 6 avril 2020 par le Ministre de la Santé de généraliser les tests pour le personnel soignant, administratif, les personnes vulnérables, âgées et handicapées et ceci à partir du premier cas positif en structure.

Jusqu’à maintenant, à partir de 2 cas positifs, on ne dépistait plus considérant les autres patients malades avec des symptômes évocateurs comme positifs ! Négligeant ainsi les formes asymptomatiques parmi le personnel et les patients.

Ce qui est annoncé ce soir est extrêmement dommageable, beaucoup trop tardif dans l’exécution et très inefficace pour éviter la traînée de poudre qui est allumée dans ces EHPAD ou apparentés. En effet, dépister seulement à partir du premier cas, c‘est beaucoup trop tard ! La mèche est déjà allumée dans l’établissement et va alors l’embraser comme une traînée de poudre dans toutes les chambres, les lieux en faisant exploser l’EHPAD en terme épidémique…

Gardons en tête la tragédie de l’EHPAD de Mougins : 31 décès sur 109 personnes, et cela va continuer ensuite malheureusement. Beaucoup d’autres EHPAD ont connu des décès en nombre : 20 décès sur 60 pensionnaires… On ne peut être fataliste face à de telles hécatombes. 

Pour que les choses évoluent de manière moins funeste, il faut dépister tous les personnels soignants en particuliers asymptomatiques jusqu’à 50 % des formes COVID-19 , des personnes contaminantes, dépister tous les pensionnaires et les isoler si positifs avec masques chirurgicaux , aérer les chambres  ++++, le personnel entrant doit porter des masques FFP2, (pour ne pas se contaminer et contaminer les autres)  à cause  de la charge virale régnante dans l’air due au manque d’aération pendant la nuit,  au circuit fermé, avec des kits de protection en grand nombre ….

On en revient ainsi toujours à la pénurie du matériel de base indispensable : tests, masques chirurgicaux, kits de protection.

Mais pourquoi a-t-il fallu 3 à 4 semaines pour autoriser tous les labos, publics de recherche INSERM, CNRS, vétérinaires, plus certains labos privés à pratiquer des dépistages. Ce qui aurait permis d’amplifier et d’accélérer considérablement le dépistage, avec 300 000 tests de plus par semaine pour les seuls tests vétérinaires !! 1000 par jour de plus pour un seul labo de l’INSERM et ceci généralisé à la France et ainsi de suite ! 
Pourquoi ne pas mettre toute l’industrie, en particulier textile française en ordre de marche à faire des masques, des kits de protection, tous les ingénieurs à faire des réactifs pour les tests.

Mobiliser toute l’industrie et pas seulement un consortium pour faire des respirateurs en très grand nombre, bref que tous les efforts, les ressorts de la nation soient orientés vers un seul but :  fournir le matériel qui fait cruellement défaut et ceci en extrême urgence pour sortir de ce marasme sanitaire et économique le plus rapidement possible.

Dans le même ordre d’idée, il faut instaurer un traitement selon le protocole Raoult pour tous les cas positifs, n’ayant aucun autre traitement (et ceci pour les raisons que j’ai eu l’occasion de développer le 2 avril dans vos colonnes à propos des stratégies de déconfinement) pour abréger la période contaminante et guérir plus vite les patients, et ainsi diminuer les complications et les décès. 

Enfin l’isolement physique et psychique dans lesquels se trouvent les pensionnaires des EHPADS doit être pris en compte car extrêmement dommageable pour leur état de santé, leur équilibre, et leurs résistances aux maladies diverses. Pour cela, le maintien des contacts avec leurs proches (famille, aidant, soignant, …), via les possibilités offertes par le numérique est plus que souhaitable et recommandé (téléconference, facetime, skype, tablettes prêtées …).

Envisager la mise en place de « lieux fabriqués » simples totalement isolés, pour communiquer avec le pensionnaire esseulé (une seule personne par famille avec masques et kits de protections…).

Un décret publié le 29 mars 2020 autorise une utilisation dérogatoire du Rivotril. Certains y voient une forme sournoise d'autorisation de l’euthanasie, qu'en pensez-vous ? 

Reprenons les termes du décret officiel du 28 mars 2020 signé par le Premier Ministre et le Ministre de la santé, que dit-il ? En résumant, il donne pour un médecin, la possibilité d’injecter du Rivotril (clonazépam classe des benzodiazépines comme le valium …) par voie intra veineuse à un patient atteint par le coronavirus pour une prise en charge palliative, pour un état asphyxique, étant établi que le patient ne peut pas être admis en réanimation et qu’une décision de limiter, voire arrêter un traitement actif, a été prise. 

Ce qui va entraîner un arrêt respiratoire, mettant fin à ses souffrances et ainsi le décès.

Et ceci peut être prescrit sur une simple ordonnance par un médecin qui va décider seul de son utilisation. De plus dans le décret, les pharmacies des EHPADS et apparentés peuvent disposer de ce médicament.

Pour ma part je comprends en tant que médecin, que lorsque plus aucun traitement n’est possible, aucune réanimation, que les souffrances et les douleurs sont telles qu’il faut essayer de soulager le patient.

Mais en aucun cas cette décision ne peut être prise par un homme ou une femme seule, sans l’avis fondamental et la décision de la famille, mais au contraire de façon collégiale médicalement et avec le personnel soignant proche.

Ce décret jette un doute insupportable sur les décisions des médecins qui pourraient être suspectés d’injecter du Rivotril pour libérer des lits à l’hôpital ou dans des EHPADS. Ou encore qu’un médecin seul ou une personne isolée (je n’ose l’imaginer) prenne la décision d’injecter du Rivotril dans un EHPAD ou apparentés, pour mettre fin à la vie d’un patient.

La teneur de ce décret officialise et pérennise ainsi d’une certaine façon l’état de pénurie de matériels, lits de réanimation, de respirateurs … dans lesquels se trouve la France. C’est très dangereux, dommageable et cela engendre une grande passivité.

Plutôt que de concevoir et publier un décret de la sorte, il vaudrait mieux mettre toute la Nation en ordre de marche, rassemblée autour d’un même but :  pallier les carences de matériel ! Pourquoi ne pas mettre toute l’industrie, en particulier l’industrie textile française en ordre de marche à faire des masques, des kits de protection, tous les ingénieurs à faire des réactifs pour les tests.

Mobiliser toute l’industrie et pas seulement un consortium pour faire des respirateurs en très grand nombre, bref que tous les efforts, les ressorts de la nation soient tournés dans un seul but fournir le matériel qui fait cruellement défaut et ceci en extrême urgence pour sortir de ce marasme sanitaire et économique le plus rapidement possible.

En effet, par manque de places dans les hôpitaux en réanimation, dans les clusters, régions hyper contaminées, des personnes d’un certain âge, avec des maladies importantes associées sont refusées en réanimation.
Est-ce admissible dans un pays civilisé ? Pour ma part non tant que tous les efforts n’ont pas été déployés pour augmenter les lits de réanimation, le nombre de respirateurs et aussi par des transferts en réanimation plus nombreux dans des zones françaises beaucoup moins touchées par l’épidémie.

Par la venue de personnel soignant d’autres hôpitaux et établissements privés en France.

Agir en ce sens est digne d’un pays développé, d’une Nation et qui respecte et prend grand soin de ses Aînés et Anciens, c’est dans cette direction et dans ces objectifs aussi que doivent porter nos efforts et nos actions d’urgence nationale. 

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