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Mutuelles, hôpitaux publics, assurances... Ces réformes structurelles dont notre système de santé a (désespérément) besoin
©Reuters

Vivre ou survivre

En cette période d'élection présidentielle, la santé est l'un des sujets central de la campagne. Si les différents candidats sont bien évidemment en désaccord, le système français à sans aucuns doutes besoin de réformes profondes.

Agnès  Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est "Ce que doit faire le (prochain) président", paru aux éditions Albin Michel en janvier 2017.

 

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La France est très en retard dans l’utilisation des données de santé. Mais aussi pour la chirurgie ambulatoire, la télémédecine, le dossier médical informatisé, le suivi des malades chroniques et dans de nombreux autres domaines. Notre système de santé souffre de nombreux dysfonctionnements qui pénalisent toutes les parties prenantes : désorganisation des services aux malades, mécontentement des professions médicales, retards dans l’organisation des soins, évaluation insuffisante de la qualité des soins, coût élevé et déficit récurrent de l’assurance maladie obligatoire. Une rigidité d’autant plus inquiétante que les évolutions en cours sont plus radicales et plus rapides que jamais : génomique, robotisation, intervention à distance, vieillissement de la population, etc. Une certitude : sans réforme structurelle de notre système de santé, les coûts vont continuer d’augmenter et la qualité des soins de baisser. Des pays étrangers comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, partis d’une situation similaire à la nôtre, ont restructuré avec succès leur système de santé.

Alors que l’État devrait être le régulateur impartial du système, c’est lui qui est à la source des blocages avec le monopole État/Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie) qui est 1) empêtré dans ses trois rôles contradictoires, 2) en conflit avec des concurrents qu’il est censé réguler et 3) un goulot d’étranglement qui freine les initiatives.

La Cnam (190 milliards de remboursements annuels) de son côté, dirigée par l’État et gérée par les syndicats au bénéfice de ses salariés, reste focalisée sur son rôle de payeur aveugle, et n’est pas en position de dynamiser le système de santé. Malgré leur dispersion et leur champ d’action limitée par la loi, ce sont les complémentaires santé, mutuelles en grande majorité et assureurs privés (28 milliards de remboursements annuels), qui se montrent les plus dynamiques pour innover ; certainement grâce à leur proximité avec leurs clients et à l’émulation entre elles.

Les acteurs de la santé - hôpitaux publics, hôpitaux privés, cliniques privées, médecine libérale, assurés, malades, assureurs - sont conscients des dysfonctionnements actuels et des bouleversements à venir, et constatent qu’entre les problèmes et les solutions, l’État/Cnam constitue un goulot d’étranglement qui freine considérablement les évolutions nécessaires. En situation de monopole et empêchés par leur taille, l’État et la Cnam n’ont ni la motivation ni l’agilité nécessaire pour tirer parti des vagues de changements. Le cas de la chirurgie ambulatoire est un exemple typique de cette inertie structurelle.

La bureaucratie, c’est la méthode de gestion actuelle où les acteurs des hôpitaux et de la médecine libérale se plaignent de recevoir chaque matin des liasses de nouvelles instructions en provenance des divers organismes du ministère. Les hôpitaux français sont malades des 35 heures. Désorganisation du travail, explosion des RTT et de l’absentéisme, départ de nos meilleurs spécialistes pour exercer à l’étranger, les signaux d’alerte sont nombreux et les appels à changer la gestion hospitalière se multiplient. Les gouvernements successifs engagent les hôpitaux par les décisions hors sol qu’ils prennent : suppression du jour de carence, augmentation du point d’indice, aucun soutien à ceux qui veulent faire évoluer le temps de travail à l’hôpital voire même des bâtons dans les roues de la part du ministère. Le manager de l’hôpital en France est seul et a très peu de pouvoirs. Il va falloir changer cela.

Du côté de l’hôpital public, les réformes à mener sont les suivantes : suppression du statut public pour les nouveaux entrants, passage du temps de travail à 1 750 heures annuelles grâce à la suppression des RTT et la remise en place de trois jours de carence. Cela passe par une plus grande autonomie donnée aux managers des hôpitaux et à la possibilité de mieux rémunérer les agents les plus dévoués. Cela passe aussi par la possibilité, comme dans la plupart des pays d’Europe, de confier la gestion des hôpitaux publics à des gestionnaires privés et de rémunérer les médecins hospitaliers à l’activité, ce que refusent les syndicats hospitaliers mais qui incite les meilleurs à partir soigner dans d’autres pays dans des hôpitaux où ils sont rémunérés à leur juste valeur avec le risque de voir la qualité des soins baisser dans les prochaines années.

Du côté de l’organisation de l’assurance maladie, l’urgence sera de revenir sur le double étage Assurance maladie obligatoire géré par la CNAM et assurance complémentaire car nous  dépensons aujourd’hui 13,7 milliards d'euros de frais administratifs ce qui en fait l'un des systèmes les plus dépensiers au monde. Encore une fois, la France est en retard quand l’Allemagne a fait le choix d’ouvrir ses caisses à la concurrence dès les années 1990 pour pouvoir amortir le coût de la réunification. Chaque assuré choisi sa caisse en Allemagne entre plusieurs caisses publiques. Il peut même s’assurer auprès d’une caisse privée si ses revenus sont suffisants. Les assurés Allemands sont guidés dans le système de soins grâce à des réseaux de soins. Résultat, depuis 2004, l’assurance maladie en Allemagne est excédentaire.

Pour mener cette réforme, il faudra mettre fin dans la loi à la distinction entre l’assurance maladie de base et les complémentaires en fusionnant les deux étages. La loi mettra en concurrence au premier euro les CPAM et les assureurs privés.  Pour chaque résident, l'affiliation à une caisse, publique ou privée, sera obligatoire mais le choix de l’assureur sera libre (notons d’ailleurs que la MGEN, la mutuelle des enseignants a déjà la délégation de gestion de l’assurance maladie de base…). Pour les assureurs comme pour les caisses, il ne pourra pas y avoir de sélection des risques. A terme, une économie de l’ordre d’au moins 3 milliards sur les coûts de gestion est atteignable.

Cette concurrence entre les caisses et les assureurs permettrait enfin une meilleure transparence sur les données de santé, (d’éviter peut-être que ne se réitèrent des affaires comme celle du médiator où visiblement la CNAM n’a pas étudié les données de santé pour détecter le problème), une meilleure prévention (la France dépense 3 milliards d’euros par an de moins que l’Allemagne pour la prévention), de rééquilibrer les moyens entre médecine de ville (6 milliards de moins par rapport à l’Allemagne) et hospitalier (11 milliards de plus par rapport à l’Allemagne), surtout si on veut de l’ambulatoire et de la médecine de proximité. Enfin, cette saine émulation entre assureurs permettra de mieux guider le patient dans le parcours de soin. Où se faire bien soigner ? Qui consulter ? Sont des questions que se posent en permanence les français et auxquelles les Caisses primaires d’assurance maladie n’apportent pas (beaucoup) de réponses.

Agnès Verdier-Molinié

Directrice de la Fondation iFRAP, auteur de Ce que DOIT faire le (prochain) président aux éditions Albin Michel

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