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MTV a développé l'esthétique du "je-suis-bien-dans-mon-corps" !
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Money for nothing & girls for free

L'ancien rédacteur en chef de Rapido et des enfants du Rock, se souvient de l'arrivée de MTV en France : il attribue à la chaîne, une esthétique de libération du corps et du look, l'évolution du rapport homme-femme qui a sans doute mené aux Printemps arabes...

Yves Bigot

Yves Bigot

Yves Bigot est directeur des programmes de la radio RTL.

Ce passionné de musique a notamment été journaliste et animateur sur Europe 1, rédacteur-en-chef de Rapido, et directeur des Victoires de la musique.

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Atlantico : En août 1981, vous êtiez encore avec Antoine de Caunes aux “Enfants du rock”, comment avez-vous perçu l’arrivée de MTV en France ?

Yves Bigot : Dans un premier temps, la grosse critique adressée à MTV était que c’était une chaîne purement blanche. C’est le succès de Michael Jackson et de Prince qui l’a obligée à devenir pluriéthnique pour quitter le 100% rock FM américain. C’est amusant quand on regarde aujourd’hui la place prédominante que le rap a prise sur MTV, qui lui a même consacré des chaînes thématiques.


Mais votre émission n’était pas non plus très colorée ?

Si ! Il y avait Sex machine où on diffusait beaucoup de James Brown, de Prince, etc. Médiatiquement, la France a toujours été plus équilibrée que les USA. Au début, MTV c’était surtout la génération du clip. C’est un robinet à clips qui, petit à petit, s’est éditorialisé grâce à MTV News. Quand j’étais rédacteur-en-chef de Rapido, ils nous achetaient des sujets de temps en temps.


Justement, quel est l’impact de cette pluie de clips ?

Ils ont provoqué beaucoup de changements dans la relation homme-femme. Moins que le porno... mais pas mal malgré tout. MTV fut un des vecteurs du girl-power, le “pouvoir du vagin”, que ce soit à travers les Spice Girls, tous les groupes de filles, Madonna ou le Grunge. D’un autre côté, on a découvert l’imagerie super macho et super sexiste (parfois non dénuée d’humour) de toutes les “bitches” dans les clips de rap et de metal. D’autant plus que dans le metal, vous voyez beaucoup d’artistes aux cheveux longs que l’on prend pour des filles et qui n’en sont pas. On le voit d’autant mieux qu’ils portent des jeans “moule-burnes” ! C’est précisément à ce moment-là qu’on voit qu’il y a un truc qui n’est pas pareil...


MTV a contribué à la pornographisation de la société ?

Oui. Au sens premier de la pornographie : “tout montrer”, et pas au sens sexuel seulement. MTV a aussi été un gros accélérateur de la libération totale du look. On véhicule l’idée du “je-suis-bien-dans-mon-corps” - même si esthétiquement on peut parfois le regretter ! “Je suis gros, je suis moche, j’ai le pantalon qui tombe sur les genoux, je montre mon nombril, etc.” : tous ces phénomènes où l’on assume son corps avec ses défauts -parfois exagérés- vient de l’’esthétique des clips de MTV. Les marques et les stylistes ont bien sûr suivi la tendance.


Pensez-vous que cela ait aussi accéléré l’américanisation de la France et du monde ?

C’est clair ! Au même titre que les séries américaines, d’ailleurs. Cela va du suicide de FX (l’un des candidats de Secret Story 3) aux révolutions arabes en cours. Autrement, je ne vois pas comment les gens en Tunisie, en Egypte ou dans les Emirats Arabes Unis pourraient voir MTV - ou ses avatars - et penser qu’il est normal que les femmes restent enfermées ou voilées, par exemple. N’oublions pas les séries de prime time comme Desperate Housewives, The L World ou Sex and the City qui sont les “petites filles” de MTV.

Les artistes français ont-ils été influencés par MTV ?

Oui, tous les rappeurs et toute la génération du R&B comme Amel Bent, par exemple. On voit bien que les BB Brunes font des déclinaisons des clips de Nirvana. MTV a américanisé le monde. En France, nous avons une culture, une tradition et un arsenal législatif qui permet heureusement d’y survivre ! Ce qui n’a pas été nécessairement le cas dans de plus petits pays comme la Hollande, riche, multiculturelle mais sans grande culture locale et où tout le monde parle anglais surtout... La plus belle riposte de la France a été la création de M6, la France s’est dit qu’il lui fallait son propre MTV, avec ses propres artistes et ses propres quotas.


MTV est-elle encore une chaîne branchée ?

Elle est beaucoup moins leader car il y a de nombreuses concurrentes musicales comme VH1, y compris des chaînes de country à Nashville, et des chaînes nationales en Europe. En Allemagne, Viva, l’un de ces clones est très puissante...


Donc le bilan est plutôt positif ?

Oui, même si c’est aussi MTV qui a dopé le développement de la télé-réalité en lançant notamment The Real World, un concept de jeunes dans un loft à New York avant même Loft Strory en France. On peut féliciter MTV d’avoir lancé Unplugged, (une émission où les groupes interprêtent leurs titres en live, NDLR). MTV a réinventé un marché en forçant les gens à faire du live à nouveau et parfois, du live acoustique. On se souvient des succès faramineux de Clapton, unplegged, celui de Nirvana ou Jimmy Page et Robert Plant avec Unledded.

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