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"Cher Thierry, tu étais le commentateur le plus populaire du sport le plus populaire..."
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Adieu Thierry

Thierry Roland, une figure médiatique incontournable du football français nous a quittés, quelques heures après le beau match de la France face à l'Ukraine. Une voix inimitable, un humour toujours décalé, un enthousiasme communicatif, un duo mythique avec Jean-Michel Larqué. Hommage à un passionné, passionnel et haut en couleurs...

Philippe David

Philippe David

Philippe David est cadre dirigeant, travaillant à l'international.

Il a écrit trois livres politiques : "Il va falloir tout reconstruire", ouvrage qui expliquait le pourquoi du 21 avril,  "Journal intime d'une année de rupture", sorti en 2009 aux éditions de l'Ixcéa, qui retrace les deux premières années de présidence Sarkozy et  "De la rupture aux impostures", Editions du Banc d'Arguin (9 avril 2012). 

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Cher Thierry,

Tous les Français fanas de football se sont couchés vendredi soir avec des étoiles dans les yeux vu le spectacle offert par les Bleus en Ukraine, match de la résurrection d’une équipe de France qu’on n’avait plus vu jouer ainsi depuis six ans.

Tous les français fanas de football se sont réveillés samedi matin avec des larmes dans les yeux en apprenant que tu avais tiré ta révérence pendant la nuit, que tu étais parti rejoindre ton alter ego du rugby, Roger Couderc, dans ces mêmes étoiles.

Je me permets de te tutoyer car je sais que tu tutoyais facilement, notamment lorsque tu avais rencontré mon père, parti brutalement lui aussi il y a peu, alors Vice-président du FC Lilas qui jouait en CFA. Après dix minutes, vous vous étiez tutoyés et aviez refait les matches de foot du passé, sans oublier les histoires grivoises que tu lui avais racontées comme tu le faisais dans l’émission « Les grosses têtes », histoires qui l’avaient beaucoup fait rire. Il m’avait dit alors : « Ce Thierry Roland est aussi sympa qu’abordable, aussi drôle que gentil ».

De plus, le tutoiement est de rigueur quand on parle à quelqu’un qui appartient à la même famille, la famille des amoureux du ballon rond.

Oui Thierry, j’ai pris une gifle en apprenant ton départ et j’ai les larmes aux yeux en écrivant cette lettre. A bientôt 46 ans, s’il y a un seul commentateur qui aura compté dans ma vie de fan de foot, ce sera toi et s’il y a un duo de commentateur qui restera, c’est celui que tu formais avec ton compère Jean-Michel Larqué. Tous les footeux attendaient la reformation du duo pour cet Euro, malheureusement nous ne l’entendrons plus. Ce dont je suis certain en tout cas c’est que le son de ta voix aura accompagné certains des plus beaux moments de ma vie, qu’il s’agisse des triomphes tricolores en 1984, 1998 et 2000 ou des deux victoires françaises en Coupe d’Europe avec l’OM et le PSG.

La première fois où ta voix m’a marqué j’avais à peine 10 ans. C’était un samedi après-midi d’octobre 1976 et un arbitre écossais dénommé Ian Foote avait volé la France comme au coin d’un bois à Sofia. Sifflant un penalty imaginaire à la dernière minute contre les Français après avoir accordé un but avec deux hors-jeu aux Bulgares et avoir refusé de siffler un penalty évident sur Platini tu avais dit, révolté : « Mr Foote, vous êtes un salaud ». A l’époque la phrase avait fait scandale, certains demandant carrément ta tête, mais le soutien populaire fut tel (et tellement justifié) que tu ne fus pas sanctionné. D’ailleurs pourquoi te sanctionner ? Au vu de l’arbitrage du match, le terme « salaud » pour Mr Foote ne relevait en aucun cas de l’injure mais tous simplement du qualificatif.

La seconde chose que je retiendrai est ta joie intense suite au troisième but de Giresse à Séville dans la demi-finale d’anthologie face à la RFA. Tu n’avais pu t’empêcher de dire : « Nous sommes en finale » et tu avais reconnu, des années après, avoir regretté cette phrase qui avait peut-être porté la scoumoune aux Bleus. Ce match, qui est l’acte de naissance de l’équipe de France dans les grandes Nations du football mondial, a pour musique le ballet des tricolores et pour paroles les commentaires du duo Roland / Larqué. On sent sur le DVD qu’à la fin vous aviez tous les deux, comme la France entière, des trémolos dans la voix.

La troisième chose qui restera est ton fameux « pétage de plombs » suite à la victoire en Coupe du Monde le 12 juillet 1998. « Vous le croyez ça l’équipe de France est championne du Monde en battant le Brésil 3-0, deux buts de Zidane, un but de Petit. Je crois qu’après avoir vu ça on peut mourir tranquille, enfin le plus tard possible mais on peut. Ah c’est superbe ! Quel pied ah quel pied ! Ah p….. ah là là là là ! ». Ce soir là, comme la France entière, tu étais ivre de joie, heureux qu’enfin la France touche le sommet qu’elle avait frôlé en 1982 et en 1986. Je n’ai pas honte de dire aujourd’hui que ce jour est, à l’exception bien évidemment des évènements de ma propre vie, le plus beau jour de ma vie.

Dans ces trois moments forts, tu étais au diapason de la France entière puisque tu étais le commentateur le plus populaire du sport le plus populaire.

Pour tout te dire, ils ont de la chance au paradis de récupérer en plein Euro le plus grand commentateur français de l’histoire, surtout avec ce que montre l’équipe de France depuis le début de la compétition. Et j’imagine si, comme dans nos rêves les plus fous,  les Bleus remportaient le trophée et empêchaient l’Espagne de réaliser un triplé historique ce que tu pourrais dire dans ton micro : « Ah là là, si on avait mis Laurent Blanc aux commandes avant, on n’aurait pas vécu ce qu’on a vécu mais quand même un troisième titre de Champion d’Europe pour les Bleus après les générations de Platini et de Zidane comme c’est bon, ah quel pied ! Oh p….., on égale les Allemands pour le nombre de victoires à l’Euro, reste plus maintenant qu’à gagner la Coupe du Monde au Maracana dans deux ans en battant les Brésiliens chez eux en finale ».

Ce serait génial en effet que les Bleus soient Champions d’Europe l’année de ton départ, ce serait le plus bel hommage qu’ils puissent te rendre.

Merci pour tous les moments magiques que tu nous as fait vivre. Adieu Thierry, tous ceux qui aiment le football en France ne t’oublieront jamais.

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