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Mondialisation, pauvreté et inégalités : les effets socialement indésirables de l’ouverture commerciale
©HOANG DINH NAM / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Marc Siroën publie "Mondialisation à la dérive. Europe sans boussole". Montée du protectionnisme, Brexit, tensions politiques, l'Europe et l’économie mondiale sont plongées dans un nouveau cycle dont personne ne peut anticiper l'aboutissement. Cet essai prend position en faveur d’un multilatéralisme rénové qui ne peut s’affranchir de l’Europe. Extrait 1/2.

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

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La théorie économique n'a pas oublié d'étudier les effets de l'ouverture commerciale sur la pauvreté et les inégalités. En effet, le quasi-consensus des économistes - la « pensée dominante » -, porte sur les effets bénéfiques de l'ouverture commerciale sur le revenu des pays. Mais il n'a jamais prétendu que tous les citoyens d'un pays donné y gagnaient. Le jeu est gagnant-gagnant entre les pays mais à l'intérieur, il peut être gagnant-perdant.  

Ainsi, dès 1941, les économistes Wolfgang Stolper et Paul Samuelson démontraient que dans les pays riches à hauts salaires, les importations des pays plus développés en provenance de pays à bas salaires abaisseraient le pouvoir d'achat des travailleurs tout en augmentant celui des détenteurs de capital et des travailleurs qualifiés. Ce théorème compliqué, enseigné dans toutes les universités, repose pourtant sur une intuition simple : les pays riches délaisseront les activités qui exigent plus de travail peu qualifié au profit de celles plus exigeantes en capitaux et en travail qualifié. L'ouverture commerciale exercera alors une pression à la baisse sur les salaires des premiers. Si celle-ci ne se réalise pas du fait de rigidités, comme l'existence d'un salaire minimum, le chômage pourrait s'accroître. Les économies seraient alors confrontées au choix suivant : soit plus de pauvreté et d'inégalité, soit plus de chômage (et donc de pauvreté aussi). Mais à l'inverse, le capital et le travail qualifié seront davantage demandés pour satisfaire les besoins de l'industrie exportatrice, et leurs revenus augmenteront. Les inégalités s'accroissent donc et pire encore, les travailleurs moins qualifiés verront leur pouvoir d’achat diminuer. La théorie peut trouver des variantes. Si le travail est imparfaitement mobile entre les secteurs, les grands perdants seront les salariés du secteur importateur. Ceux qui ont la chance de travailler dans les secteurs exportateurs pourraient même parfois se ranger du côté des gagnants.  

La théorie économique aime la symétrie. Les pays à bas salaires se spécialiseront dans des activités qui exigent davantage de travail peu qualifié. Les salaires augmenteront pour eux, mais baisseront pour les travailleurs plus qualifiés ou pour les détenteurs de capital. C'est donc une réduction de la pauvreté et des inégalités qui est attendue dans ces pays.  

De fait, on a bien constaté les effets attendus dans les pays « riches », mais pas toujours dans les pays développement qui ont certes constaté une régression de la pauvreté, mais aussi, pour beaucoup (dont la Chine) une croissance des inégalités. 

Les secteurs devenus de grands importateurs sont souvent concentrés sur certains territoires « perdants » quand des territoires « gagnants » s'épanouissaient dans la mondialisation. C'est, grosso modo la « banane » bleue européenne qui s'étire de Londres à Milan après avoir traversé le Nord européen sans pour autant éviter de se faire grignoter sur ses contours par le déclin des industries traditionnelles. 

Aucun économiste universitaire, aussi orthodoxe et libéral soit-il, n'a donc vraiment contesté les effets socialement indésirables de l'ouverture au commerce dès lors que personne, ou presque, ne remettait en cause le tabou des gains « nets » de l'échange pour un pays. Les gains des uns l'emportent toujours sur les pertes des autres. Et cela suffit.

Extrait du livre de Jean-Marc Siroën, "Mondialisation à la dérive. Europe sans boussole"

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