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Mise en examen pour association de malfaiteurs : la folle obsession de la justice pour Nicolas Sarkozy
©MARTIN BUREAU / AFP

Acharnement ?

Nicolas Sarkozy est poursuivi pour la quatrième fois dans le cadre de l'affaire du financement présumé de sa campagne présidentielle de 2007 par la Libye. Il a été mis en examen ce vendredi par le Parquet national financier (PNF).

Régis de Castelnau

Régis de Castelnau

Avocat depuis 1972, Régis de Castelnau a fondé son cabinet, en se spécialisant en droit social et économie sociale.

Membre fondateur du Syndicat des Avocats de France, il a développé une importante activité au plan international. Président de l’ONG « France Amérique latine », Il a également occupé le poste de Secrétaire Général Adjoint de l’Association Internationale des Juristes Démocrates, organisation ayant statut consultatif auprès de l’ONU.

Régis de Castelnau est président de l’Institut Droit et Gestion Locale organisme de réflexion, de recherche et de formation dédié aux rapports entre l’Action Publique et le Droit.

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Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy vient d'être mis en examen une nouvelle fois, cette fois ci pour association de malfaiteurs, sur quoi reposent ces charges ?

Régis de Castelnau : A priori, et sauf événement extraordinaire au cours de l’instruction au cours des trois jours d’audition de Nicolas Sarkozy qui vienne de s’écouler, sur pas grand-chose.

C’est une histoire qui remonte à huit ans portant sur des faits qui se seraient déroulés il y a 13 ans ! Le 12 mars et le 28 avril 2012, Mediapart publiait des documents laissant supposer l’existence d’un versement de 50 millions d'euros à des fins de financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 de la part du régime libyen de Mouammar Kadhafi. Immédiatement et comme d’habitude, une information judiciaire fut ouverte et Serge Tournaire nommé pour l’instruire. Ce dossier complètement emberlificoté, repose sur une construction brinquebalante, à base de documents venus d’on ne sait où, de témoignages changeants et émanant de personnages interlopes, et au bout de six ans, le juge d’instruction n’était toujours pas parvenu à construire quelque chose de solide permettant de mettre en cause l’ancien chef de l’État. Tous les observateurs considérant que malgré son acharnement le dossier était complètement dans l’impasse. Voilà ce que disait le Point il y a deux ans : « Le juge, qui ne veut pas discréditer son enquête, manque cependant toujours de preuves concrètes qui viendraient corroborer les témoignages dont il dispose, parfois contradictoires. Pour avancer, il a donc demandé des pièces issues des archives du temps de Kadhafi au parquet de Tripoli. Prétendument détruites, selon d'anciens dignitaires du régime, des archives sont pourtant toujours consignées au ministère des Affaires étrangères. Problème : il n'y a toujours aucune preuve d'un quelconque financement. »

Chose extraordinaire on apprit même que Serge Tournaire se serait permis des privautés avec la loi et l’impartialité en proposant des « deals » à base d’immunité judiciaire à des témoins en échange de témoignages à charge contre Sarkozy. Il faut lire ce que rapportait toujours le journal le Point le 12 août 2019.

« Le beau-frère de Kadhafi Monsieur Senoussi a été interrogé en février dernier, à Tripoli, par le juge Serge Tournaire. « Le conseil de Senoussi insiste sur le fait que son client n'est pas impliqué [dans les] actes reprochés à M. Sarkozy et M. le juge d'instruction de lui expliquer que les autorités françaises n'ont aucun lien avec les actes de M. Senoussi et que celui-ci n'aura pas de comptes à rendre à ce propos ». Une promesse qui lui permet donc de ne pas être inquiété alors qu'il s'est lui-même accusé du transfert de 7 millions d'euros pour la campagne de Nicolas Sarkozy ». Cette information stupéfiante d’une démarche relevant de ce qui ressemble à de la subornation de témoin n’a jamais été démentie, et n’a eu absolument aucune conséquence, ni judiciaire, ni disciplinaire, ce qui en dit long sur l’acceptation de méthodes inadmissibles dès lors qu’il s’agit de Nicolas Sarkozy. Malgré le vide de son dossier comme l’exposait clairement le Journal du Dimanche, et devant quitter le Pôle financier quelques mois plus tard, Serge Tournaire gratifia Nicolas Sarkozy d’une nouvelle garde à vue inutile de 36 heures et d’une mise en examen pour corruption en forme de cadeau de départ. Aude Buresi co-désignée dans ce dossier continue donc à l’instruire dans le même esprit. Et cette nouvelle mise en examen n’apporte rien sur le fond, mais semble bien constituer une nouvelle opération de communication.

Edouard Husson : Ces charges ne reposent sur rien. On est frappé de voir la vacuité du dossier et l’acharnement des magistrats. Je pense même qu’on en est arrivé à un point où ce qui compte, c’est la possibilité d’utiliser des catégories juridiques (« association de malfaiteurs ») qui permettent à certains juges d’assouvir une haine imprescriptible contre Nicolas Sarkozy. Le péché originel de Nicolas Sarkozy est d’être de droite. La circonstance aggravante est d’avoir voulu réformer la justice quand il était président. J’espère qu’un jour un journaliste fera son métier et remontera le fil des motivations et des réseaux sur cette affaire, en faisant la lumière sur le comportement de Médiapart en particulier.

Cette cinquième mise en examen de l'ancien président témoigne-t-elle d'un acharnement de la justice sur Nicolas Sarkozy ? Sur quoi avaient abouti les précédentes ?

Régis de Castelnau : L’acharnement judiciaire contre Nicolas Sarkozy est une évidence. Il y a plusieurs raisons à cette situation particulière, mais la principale est bien la haine qu’il suscite dans une partie de l’opinion publique et particulièrement dans la magistrature. Qui n’a jamais oublié le qualificatif de « petits pois sans saveur » utilisée par l’ancien chef de l’État pour les qualifier. Nicolas Sarkozy n’aime pas la magistrature et celle-ci le lui rend bien.

Jusqu’à présent Nicolas Sarkozy a bénéficié de deux non-lieux, le premier dans la fameuse affaire Bettencourt où le magistrat instructeur de gros efforts pour le mettre en examen, mais dû rendre une ordonnance de non-lieu face aux évidences judiciaires. Il y a eu ensuite l’affaire du règlement de l’amende pour le dépassement des comptes de campagne réglée directement par l’UMP avec l’argent du Sarkothon, mises en examen et nouvelle ordonnance de non-lieu signée par Renaud Van Ruymbeke. Il y a ensuite la fameuse affaire Bygmalion. Il faut savoir que Nicolas Sarkozy n’est mis en cause que sur un petit aspect adjacent. Rappelons que le Conseil constitutionnel a pris, le 4 juillet 2012, une décision entérinant l’invalidation de son compte de campagne présidentielle et prononcé une amende – depuis réglée – à l’encontre du candidat. Le compte avait été invalidé pour un dépassement de 400 000 € par rapport au plafond de dépenses autorisées de 23 millions d’euros. Dans le dossier Bygmalion Nicolas Sarkozy n’est poursuivi que pour ce dépassement d’ailleurs déjà sanctionné. Concernant celui-ci aucune preuve n’a pu être rapportée que le Président de la République en exercice à l’époque, engagé dans une campagne harassante, avait lui-même décidé de certaines dépenses et donné l’ordre de les inscrire comme telles dans les comptes. Mais qu’à cela ne tienne, quand il s’agit de Nicolas Sarkozy, certains pensent que la fin justifie les moyens. Il a donc été renvoyé en correctionnelle et le bon sens voudrait qu’il soit relaxé. Il y a ensuite l’affaire « Paul Bismuth », où il est accusé à la suite d’une écoute téléphonique, d’avoir voulu corrompre un magistrat pour une intervention que celui-ci n’avait pas le pouvoir d’effectuer en échange d’une nomination à un poste déjà pourvu, nomination sur laquelle Nicolas n’avait aucun pouvoir… Il faudra suivre attentivement l’audience pour y voir un peu plus clair.

Dans un ouvrage paru au printemps 2017 (Bienvenue place Beauvau) des journalistes du Canard enchaîné avait décrit les méthodes de François Hollande pour intervenir dans les dossiers judiciaires avec cette phrase « le Château est passé maître dans l’art de pousser ou ralentir le feu sous les casseroles judiciaires ». François Hollande parti, concernant Nicolas Sarkozy les mêmes habitudes ont semble-t-il bien perduré. Instruction de l’affaire « Karachi » a pris 25 ans, le « financement libyen » prendrait-il le même chemin ?

Edouard Husson : On assiste: 1. A une surenchère de la justice au fur et à mesure que les prétendues preuves apparaissent sans substance. 2. A la relance régulière de l’affaire par l’introduction de nouveaux éléments aussi fragiles que les premiers mais qui permettent de maintenir une pression - en fait politique - sur l’ancien président. Et 3. tous les appels de Nicolas Sarkozy sont rejetés. Il faut insister sur la disproportion entre le comportement des juges et la nature des « preuves »: une affirmation d’un ancien ministre libyen emprisonné; les affirmations de tel prétendu intermédiaire qui pour se sortir de ses propres démêlés avec la justice botte en touche en affirmant qu’il en sait beaucoup sur l’affaire. Le carnet opportunément retrouvé de tel potentiel protagoniste de cette affaire inexistante, quatre ans après sa mort.

Cette mise en examen doit-elle être interprétée comme la preuve d'une politisation croissante de la justice ?

Régis de Castelnau : Pour moi, c’est une évidence. Il y a une trentaine d’années, le pouvoir judiciaire a décidé de s’émanciper du pouvoir exécutif et d’acquérir une indépendance dont pour des raisons historiques il ne disposait pas. Les épisodes de l’occupation et de la guerre d’Algérie en étant la démonstration. Ce fut d’abord un combat contre les politiques dans une alliance avec la presse. Puis, cette émancipation, cette obtention de l’indépendance a de façon très paradoxale aboutie au contraire de ce que cette indépendance doit apporter. Celle-ci est en effet le levier permettant d’obtenir l’impartialité du juge du siège. Cette culture de l’impartialité est faible dans notre magistrature, comme l’a illustré la lamentable affaire du « mur des cons ». Je dirais même que la partialité est quasiment revendiquée dans certaines circonstances. Depuis une quinzaine d’années Il est difficilement contestable que le corps des magistrats penche politiquement du côté du parti socialiste d’abord puis de celui d’Emmanuel Macron.

Il ne faut pas se tromper, le nouveau président de la république n’a pas eu besoin d’instrumentaliser lui-même directement la justice à des fins politique, le corps des magistrats s’est mis spontanément à son service pour des raisons d’intérêt de classe sociale et pour des raisons de corps. Il l’a fait, d’abord en liquidant judiciairement François Fillon, favori de la présidentielle. Ensuite, une fois Emmanuel Macron installé au pouvoir, en poursuivant ses adversaires politiques, en ménageant soigneusement ses amis, et en assurant une répression de masse sans précédent contre les gilets jaunes et les autres mouvements sociaux.

Alors Emmanuel Macron aurait-il commis une erreur tactique en nommant Éric Dupond Moretti Garde des Sceaux ?

L’image de la magistrature dans l’opinion étant calamiteuse, il était peut-être nécessaire en nommant EDM de prétendre qu’on allait remettre un peu d’ordre. Mauvaise pioche, puisque cette nomination en forme de provocation s’apparentait au rappel à l’ordre que lança Hugues Capet à Adalbert de Périgord qui refusait de lever le siège de Tours : « qui t'a fait Comte ? » Ce à quoi le Comte insolent répondit : « qui t’a fait roi ? ». C’est exactement ce que la magistrature française, ulcérée de la nomination de Dupond Moretti place Vendôme, vient de faire à deux reprises à Emmanuel Macron.

Il y a d’abord eu le rodéo judiciaire géant avec les cinq perquisitions simultanées des ministres de Macron à leur domicile. La perquisition qui est un acte d’instruction particulièrement violent, était en la circonstance techniquement inutile dans ces dossiers, et n’a pu être organisée et réalisée que par la haute fonction publique judiciaire. Celle qui dirige la révolte de l’ensemble du corps des magistrats contre la nomination d’Eric Dupond Moretti et sa volonté de voir certains magistrats dévoyés rendre des comptes.

Il y a ensuite, comme nous venons de le voir, la nouvelle mise en examen de Nicolas Sarkozy dans un dossier parfaitement creux, et qui dure depuis neuf ans.

Le message est clair, la magistrature dit au pouvoir exécutif que c’est elle qui tient le manche de la violence légitime, et qu’elle n’a de compte à rendre à personne. Et qu’il a intérêt à filer doux.

La façon dont la crise qui oppose les magistrats à Eric Dupond Moretti va se résoudre sera très intéressante.

Edouard Husson : Malheureusement, la justice française est politisée depuis longtemps. Et vers la gauche. Lorsqu’elle est revenue au pouvoir, en 1986, en 1993 ou en 2002, la droite n’a absolument pas chercher à rétablir l’équilibre politique au sein de l’institution. Ce qu’on peut reprocher à Nicolas Sarkozy, ce n’est pas d’avoir fait réformer la justice, c’est de ne pas avoir accompagné sa réforme d’un certain nombre de nominations aux postes stratégiques et de recrutements au tour extérieur. L’indépendance des juges est malheureusement un mythe. Elle n’existerait que s’il y avait une véritable diversité des options politiques représentées au coeur de la magistrature. La position dominante du syndicat de la magistrature n’a jamais été sérieusement combattue par les gouvernements de droite. Ensuite, les médias jouent un rôle trouble: ils sont tenus comme les autres de respecter la présomption d’innocence. Dans l’affaire du pseudo-financement libyen, ce n’est pas du tout le cas. Rappelons-nous la célérité du parquet financier contre François Fillon, doublé d’un acharnement médiatique. Enfin, n’est-il pas évident que les intérêts politiques derrière cette affaire sont énormes? Emmanuel Macron a intérêt à ce que l’ancien président, qui est un potentiel rival pour 2022, se voir mettre régulièrement la tête sous l’eau.

Régis de Castelnau va publier "Une justice politique". Sortie le 28 octobre 2020 aux éditions de L'Artilleur

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