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Mise en examen du juge arbitre Estoup pour escroquerie en bande organisée ou pas, pourquoi Bernard Tapie ne rendra pas un centime
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Au tapis

Alors que le juge Estoup vient d'être mis en examen pour escroquerie en bande organisée, le ministère de l'Economie a confirmé que l'Etat va se constituer partie civile dans l'affaire Tapie pour «usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit». Pourtant, il est peu probable que Bernard Tapie rembourse un centime à la France.

Cyril Bourayne

Cyril Bourayne

Cyril Bouyrayne est avocat, associé fondateur de la SCP DIZIER & BOURAYNE et président de l'association LA JUSTICE DANS LA CITE

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Atlantico : Alors que le juge Estoup vient d'être mis en examen pour "escroquerie en bande organisée", le ministère de l'Economie a confirmé que l'Etat va se constituer partie civile dans l'affaire Tapie pour «usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit». Quel est le but de cette manœuvre ?

Cyril Bourayne : La constitution de partie civile permet à la victime, dès lors qu’elle est recevable, d’avoir accès au dossier pénal. C’est donc en premier lieu un accès à l’information et la possibilité, si le dossier débouche sur un renvoi de prévenus devant le tribunal correctionnel, de formuler des demandes indemnitaires à leur encontre. Cela étant, au cas d’espèce, il est évident que des considérations purement politiques entrent en jeu.

Si le conflit d'intérêt était établi entre l'avocat de Bernard Tapie Me Maurice Lantourne et le juge arbitre Pierre Estoup, qui a été mis en examen, ce dernier pourrait-il être inquiété pour ce motif-là ? Quelles seraient ses conséquences sur l'affaire ? 

S’il était démontré, ce qui est loin d’être évident, qu’une véritable relation d’affaires s’était antérieurement développée entre Maître Lantourne et Monsieur Estoup, de nature à affecter son indépendance et son impartialité, cette information aurait dû être révélée par ce dernier, de manière à permettre au CDR (Crédit Lyonnais) de refuser éventuellement sa désignation. Mais rien ne dit que cette prérogative aurait été utilisée. Rien ne permet non plus de démontrer que la sentence, rendue par 3 arbitres sous la présidence de Monsieur Mazeaud, eût été différente. La mise en cause de la responsabilité civile de Monsieur Estoup, si elle est techniquement envisageable, parait donc encore assez aléatoire, tant sur le principe que sur le quantum du préjudice. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine de l’affaire, c’est le Crédit Lyonnais et la SBO qui s’étaient rendus coupables d’un certains nombres de faits extrêmement préjudiciables au groupe TAPIE.

Si la preuve d’une dissimulation volontaire d’informations était donc rapportée à l’encontre de Monsieur Estoup, qualifiable de faute lourde ou de fraude, ou que d’autres éléments graves venaient à être découverts, un recours en annulation de la sentence pourrait être tenté devant la Cour d’appel de Paris, à supposer que les délais de recours ne soient pas expirés. En l’état, la mise en examen de Monsieur Estoup pour escroquerie en bande organisée, même si elle est troublante, n’est pas la preuve de sa culpabilité. Il faut rester extrêmement prudent. On a vu tant de mises en examen médiatiques aboutir in fine à des relaxes généralisées…

De quels éléments la Justice dispose-t-elle vraiment pour l'instant ? 

Au regard des informations parues dans la presse, s’il peut y avoir un éventuel débat sur des choix de stratégie judiciaire exercés en 2008, les éléments collectés paraissent assez fragiles, tant en fait qu’en droit, ce qui explique peut-être l’absence de recours à l’encontre de la décision d’arbitrage à ce jour. Mais le dossier, totalement imprévisible, peut encore évoluer.  

Combien de temps risque de prendre la procédure ? Bernard Tapie pourra-t-il s'opposer à la future décision de la Cour d'Appel ? 

Ces multiples procédures, en cours ou potentielles, peuvent prendre des années, et seront encore peut être pendantes, si elles sont toutes entreprises, en 2017…  Si la décision d’arbitrage était annulée par la Cour d’appel de Paris, compétente pour en juger, elle serait alors tenue dans un second temps de statuer sur le fond de l’affaire, en l’absence de volonté contraire de toutes les parties. Il lui appartiendrait alors de fixer le montant des dommages et intérêts dus aux liquidateurs du groupe TAPIE et aux époux TAPIE, le principe de la responsabilité du Crédit Lyonnais et de la SBO paraissant a priori peu contestable. Si le montant finalement retenu est inférieur à celui octroyé par la sentence arbitrale, il y aura lieu à restitution du solde. L’arrêt de la Cour d’appel serait susceptible d’être par la suite contesté devant la Cour de cassation.


Avec quelles chances de réussite ? 

La principale difficulté de Bernard TAPIE serait sans doute d’obtenir devant une juridiction étatique une indemnité de 45 millions d’euros en réparation de son préjudice moral, lequel est certainement réel par ailleurs. L’indemnisation du préjudice matériel en principal et intérêts, valorisé 332 millions d’euros par les arbitres, pourrait être soit confirmée, soit revue à la baisse, soit pourquoi pas, à la hausse, dès lors que Bernard TAPIE ne manquera pas de revaloriser ses demandes.

Bernard Tapie affirme déjà avoir dépensé une partie de la somme reçue. Dans ce cas précis, l'Etat pourrait-il l'obliger à rembourser la somme ? Comment ? 

Une décision d’annulation de la sentence arbitrale par la Cour d’appel serait doublée d’une nouvelle décision de condamnation du CDR. Si les montants alloués étaient en définitive moindre, l’arrêt constituerait un titre exécutoire de restitution du trop-perçu à l’encontre des époux TAPIE, pouvant amener à la saisie et à la vente de ses biens.

                                                                                                                                                                          Propos recueillis par Juliette Mickiewicz 

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