MidTerms : les électeurs américains plus attachés à la démocratie que leurs élites, républicaines comme démocrates ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une personne vote lors des élections de mi-mandat aux États-Unis, au Dinosaur Journey Musuem à Fruita, dans le Colorado, le 8 novembre 2022.
Une personne vote lors des élections de mi-mandat aux États-Unis, au Dinosaur Journey Musuem à Fruita, dans le Colorado, le 8 novembre 2022.
©JASON CONNOLLY / AFP

Vie démocratique

La question de la défense de la démocratie, soulevée par Joe Biden lors de la campagne des MidTerms, a-t-elle eu une influence réelle sur le score des démocrates et des républicains ?

André Kaspi

André Kaspi

André Kaspi, est agrégé d'histoire, spécialiste de l'histoire des États-Unis. Il a été professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA). Il a présidé notamment le comité pour l'histoire du CNRS.

 

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Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : Que vous inspirent les résultats de ces midterms ?

André Kaspi : On s’attendait à une vague républicaine et c’est une très légère vaguelette. Aucun des deux camps n’a vraiment gagné. Ce qui me semble assez clair, c’est que les Etats-Unis sont entrés dans la campagne de 2024. Nous ne savons pas si Joe Biden sera candidat, à priori non, ou si Donald Trump le sera, a priori oui, mais les Républicains le laisseront-ils faire ? Il  y a une forte incertitude. Et la seule certitude que l’on ait c’est que les Américains sont profondément divisés, entre deux camps Républicain et Démocrate et que ces deux camps s’affrontent sur nombre d’enjeux.

Gérald Olivier : C’est une défaite pour les Républicains parce qu’on n’a pas assisté à la vague rouge qui était annoncée. À l’arrivée, les Républicains ont gagné le contrôle de la Chambre des Représentants. C’est extrêmement important car cela leur permet de bloquer l’agenda Biden. Au sénat, il est possible qu’ils perdent un siège -peut-être plus- alors qu’ils espéraient en gagner deux et peut-être plus. Pour eux c’est une déception.

Il faut maintenant analyser ces résultats décevants. Le Président Biden n’a pas été sanctionné malgré un mandat désastreux qui a rendu le quotidien des Américains très difficile. Pourquoi cette absence de sanction. Cela va à l’encontre de la logique politique habituelle. Une explication est de penser que les candidats de l’opposition n’ont pas convaincu. Or ces candidats étaient majoritairement soutenus par Donald Trump. Le grand perdant de la soirée électorale  c’est donc Donald Trump – même si lui ne l’admettra jamais.

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Qu’est-ce qui explique que la vague n’ait pas eu lieu ?

André Kaspi : D’abord, les sondeurs se sont trompés. On a surestimé la puissance de conviction de Donald Trump et l’impopularité de Joe Biden. Finalement, ressort le sentiment que le premier n’est pas un sauveur et que le second fait ce qu’il peut. Nous sommes dans un brouillard ou aucun leader ne peut dépasser les limites de son propre camp. Deux Amériques s’affrontent et n’ont visiblement pas du tout envie de composer pour vivre ensemble. Ce n’est pas la guerre civile, mais il n’empêche que ce qui faisait consensus dans la société américaine a sauté, rendant les accords difficiles. C’est vrai sur l’avortement, c’est vrai sur l’immigration illégale – un problème que Biden n’a pas réglé -. L’un des rares sujets qui n’a pas fait débat, c’est la guerre en Ukraine. Hormis quelques voix discordantes soulignant qu’on dépensait trop, cela n’a pas fait débat. Le sujet principal a été l’inflation qui a sans doute déterminé le vote d’un certain nombre, mais pas au point de bouleverser l’échiquier politique.

Gérald Olivier : Je pense que les « Trumpistes » , le socle du parti Républicain au jourd’hui, n’ont pas réussi à rassembler au-delà de leurs propres rangs, ce qui en politique et surtout aux Etats-Unsi est rédibitoire.Le système américain est basé sur le bipartisme, Républicains contre Démocrates, mais entre les deux il y a aussi les Indépendants, les électeurs qui ne se reconnaissent dans aucun parti et dont le vote va de l’un à l’autre. Parce que les électeurs votent en fonction de leur portefeuille, notamment aux élections intermédiaires, et parce que l’économie américaine est en difficultés, ces indépendants auraient dû sanctionner les élus et l’administration. Ils ne l’ont pas fait. Peut-être parce qu’ils n’ont pas voulu s’associer à certaines thèses ou personnalités jugées trop extrêmes … Il y a toujours aux Etats-Unis une certaine crainte à voter pour le candidat « trumpiste ».

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La question de la défense de la démocratie, beaucoup mobilisée par Joe Biden a-t-elle pu jouer ?

André Kaspi : De fait, Joe Biden n’a pas manqué de dire que la démocratie était menacée et que Trump était l’adversaire de la démocratie. C’est un jeu dangereux. Cette ligne a visiblement convaincu en partie, puisque Joe Biden a limité largement les dégâts. Mais il n’est pas certain que les Américains ressentent de la même manière les menaces sur la démocratie. Il y a une façon démocrate et une façon républicaine de les exprimer. Fort heureusement, hormis une très faible minorité qui veut prendre les armes, la démocratie continue de fonctionner;

Néanmoins, les outrances oratoires de Donald Trump ont certainement fâché bon nombre d’électeurs. Peut-être qu’une partie de ses propos a effrayé une partie des électeurs qui a préféré s’abstenir ou voter démocrate. Néanmoins, aux Etats-Unis, on est surtout fidèle à son parti. On vote soit Démocrate, soit Républicain, mais il y a aussi beaucoup d’indécis. Trump est un élément phare de l’explication de ces résultats. Soit on l’a suivi car on adhère au récit que les élections ont été truquées, soit on estime qu’il va trop loin et qu’il est dangereux pour le système démocratique. Les électeurs, y compris républicains, ont voté pour ou contre Trump. Si Trump n’avait pas continué dans ses excès, les démocrates auraient peut-être évolué. Trump a considérablement aggravé le fossé entre démocrates et républicains.

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Gérald Olivier : D’instinct je dirais que non. Les Américains n’y ont pas cru. C’était de l’hyperbole démocrate pour mobiliser leur camp et cela a fonctionné au sein du camp démocrate, mais par forcément au-delà. Par contre cette stratégie de diabolisation de l’adversaire peut avoir eu un effet à la marge et comme beaucoup de scrutins se sont joués sur quelques poingées d’électeurs cela a pu avoir une influence. Au passage, il faut un sacré culot, pour prétendre sauvegarder la Démocratie en mettant en garde les électeurs tentés de voter pour l’opposition. En clair allez voter, à condition que vous votiez pour nous… Il faudra étudier les enquêtes de sortie d’urne pour connaître les motivations de l’électorat, mais je pense que les candidats présentés par le parti républicain dans certains états étaient simplement trop extrémistes pour rassembler. Ce qui est sûr est que la participation a été très élevée dans les deux camps. Il n’y a pas eu de suppression de vote comme prédit par certains démocrates. La démocratie américaine est donc bien vivante.

Les électeurs américains sont-ils plus attachés à la démocratie que leurs élites ?

André Kaspi : Oui les électeurs tant républicains que démocrates sont attachés à la démocratie. Mais chacun la défend à sa manière. Quand les républicains disent qu’il y a eu des fraudes, c’est qu’ils estiment qu’il faut protéger la sincérité des scrutins. Donc c’est sur le contenu de la démocratie que le débat peut porter.

Gérald Olivier : Il est sûr que les leaders politiques, surtout à gauche et donc chez les Démocrates,  sont attachés au « pouvoir », pas à la démocratie,  et ils sont prêts à tout pour le conserver. D’ailleurs ce cycle électoral aux Etats-Unis  a battu des records en termes de dépenses. Seize milliards de dollars ont été engloutis dans la campagne.

Les électeurs, eux veulent simplement des élections libres et fiables. Pour eux, la démocratie c’est le droit de vote. C’est parce qu’ils y sont attachés qu’ils se sont déplacés en masse.

Les États-Unis sont d’abord une république comme l’expliquait Benjamin Franklin à la sortie de la convention constituante en 1787. Un régime représentatif  basé sur une division du pouvoir avec un système de « checks and balances », c’est-à-dire de vérifications et d’équilibres qui empêche l’émergence d’un tyran.  Le cœur du système américain est là et c’est à cela que les électeurs sont attachés.

Je ne pense pas que les Américains  soient suffisamment naïfs pour croire Biden ou Obama lorsqu’ils disent que les républicains vont prendre le pouvoir par les armes. D’ailleurs les républicains ont perdu et il n’y a personne dans les rues pour se plaindre des résultats. La démocratie n’a jamais été menacée par les républicains, mais bien plus par ceux qui prônent la pensée unique.

Les résultats de cette élection pourraient-ils apaiser certaines tensions ?

André Kaspi : Non, car cette élection est un avant-propos de l’élection présidentielle de 2024. L’incertitude demeure le casting. Après l’élection des septuagénaires en 2020, 2024 sera-t-elle celle des octogénaires si l’on reste avec Trump et Biden ? La question demeure surtout de savoir qui pourra rassembler ? Celui ou celle qui y arrivera accomplira une sorte de miracle. En politique, cela peut toujours arriver.

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