Michèle Alliot-Marie : "La loi sur l'égalité de Najat Vallaud-Belkacem sera au mieux une déclaration d’intention"<!-- --> | Atlantico.fr
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Michèle Alliot-Marie.
Michèle Alliot-Marie.
©REUTERS/Gonzalo Fuentes

Bien tenté

Le projet de loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes est censé "engager notre pays sur un chemin sans retour, celui de l'égalité entre les femmes et les hommes sans laquelle il n'est pas de réelle liberté", avait dit la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, en janvier. Selon Michèle Alliot-Marie, il serait déjà bien de faire appliquer les lois existantes.

Michèle  Alliot-Marie

Michèle Alliot-Marie

Membre des gouvernements Jacques Chirac puis Édouard Balladur, elle a consécutivement la charge de quatre ministères : la Défense, l'Intérieur, la Justice et les Affaires étrangères de 2002 à 2011.

Elle est tête de liste pour la circonscription Sud-Ouest pour les élections européennes de 2014.

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Atlantico : D’après un sondage Ifop pour Femmes actuelles et RTL, 55 % des Français estiment que les hommes et les femmes font de la politique de manière différente. Selon eux, les femmes seraient plus honnêtes (89 % des personnes interrogées), plus à l'écoute des citoyens (82 %) et plus au contact des réalités (72 %) que les hommes, qui seraient plus lâches (92 % des sondés). Les femmes font-elles réellement de la politique autrement, selon-vous ?

Michèle Alliot-Marie : Les femmes ne font pas de la politique exactement dans les mêmes circonstances que les hommes. Il faut distinguer avant tout les différents niveaux de politique : selon que l’on se positionne au niveau local ou national, les choses ne sont pas perçues de la même façon par les Français. D’autre part, au plan local comme national, bien souvent les femmes ne font pas une carrière linéaire. Elles débutent généralement dans des activités professionnelles ou associatives qui n’ont rien de politique. Je pense donc que ce sondage exprime la distance que les gens ressentent parfois entre les hommes qui font de la politique nationale, et les citoyens. La loi sur le non-cumul des mandants que viennent de faire passer les socialistes va encore accentuer le phénomène. Le fait d’interdire que des députés ou des sénateurs puissent avoir un mandant de maire est une façon d’éloigner encore plus les politiques de l’électeur et de sa vie quotidienne.

Deuxièmement, au plan national les hommes sont très souvent issus de la fonction publique. Leur carrière consiste à sortir de l’ENA, entrer dans un cabinet ministériel, devenir apparatchik du parti, puis député, et peut-être ministre. Ce circuit est plus fréquent chez les hommes qu’il ne l’est chez les femmes.

Troisièmement, les femmes sont proportionnellement plus nombreuses à s’occuper d’élections locales, notamment du fait du texte sur la parité, et les sondages montrent que les Français sont moins critiques à l’égard des maires qu’ils ne le sont à l’égard des élus nationaux. Ceci explique certainement les résultats du sondage que vous citez.

La campagne des municipales à Paris oppose deux femmes. Est-elle différente dans le fond ou seul le traitement médiatique diffère-t-il ?

L’intérêt suscité par cet affrontement tient surtout au traitement qu’en font les médias. Quand on mène une campagne, on s’intéresse aux problèmes des gens, et cela ne varie pas, que l’interlocuteur soit un homme ou une femme.

Et si cette élection fascine plus que d’autres c’est parce que les médias sont très machos, et j’irais même plus loin en disant que parmi les gens qui les composent, beaucoup de femmes sont plus misogynes que les hommes. Mais notons que pour les primaires, c’est une femme qui a été préférée à un homme, et cela n’a pas suscité un battage médiatique considérable.

Vous avez déclaré avoir vous-même souffert du machisme en politique lors de votre arrivée à la tête du RPR en 1999. Les choses ont-elles profondément changé ? On se rappelle de Cécile Duflot, qui il n'y a pas si longtemps s'est faite siffler dans l’hémicycle…

Je n’ai pas souffert du machisme de la part des politiques, car ils me connaissent et savent que j’ai du répondant. En revanche, de la part de certains médias, et plus particulièrement de certaines journalistes, j’étais particulièrement frappée par le fait qu’il était d’abord question de la longueur de mes jupes, et ensuite de ce que j’étais en train de faire pour changer le RPR en profondeur pour faire en sorte de gagner les élections suivantes. Je note d’ailleurs que je suis la seule à avoir gagné, durant mes deux ans et demi à la tête du RPR, toutes les élections, ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire du parti.

Quant à Cécile Duflot, je peux dire à titre personnel que la première fois que j’ai monté les marches de l’Elysée, je me suis faite siffler par les photographes. Ce qui est surtout inconfortable, dans ce genre de situation, il faut bien le dire, c’est la peur de tomber ! Il ne faut pas non plus faire des fixations et jouer les féministes effarouchées comme dans certains pays, un sifflet admiratif pour une femme n’est pas nécessairement désagréable. En revanche, qu’un homme mette en doute mes compétences, c’est quelque chose que je n’apprécie pas, et il court le risque de subir une réflexion beaucoup plus dure à son égard.

Le ministère du droit des femmes est-il le symptôme d’une société encore imparfaite ? Compte tenu de l’évolution des rapports femmes-hommes, à quel horizon peut-on envisager qu’il cesse d’exister ?

Peut-être faudrait-il un ministère du droit des hommes ? Dans un certain nombre de pays nordiques, les femmes représentent jusqu’à 80 % des membres du gouvernement. Je pense plus sérieusement qu'il faudrait voir les choses beaucoup plus simplement, c'est-à-dire se concentrer uniquement sur les compétences, sans tenir compte du sexe. Toute autre attitude est scandaleuse. Et il faudrait, dans chaque ministère, veiller à ce que les règles soient appliquées.

Que ce soit au ministère de la Justice ou de l’Intérieur, j’ai veillé à ce que les femmes qui rencontraient des difficultés familiales, qui étaient battues, puissent être mieux accueillies et protégées dans les commissariats. Même si les chiffres de la délinquance en la matière augmentaient, pour moi cela signifiait que les femmes étaient de plus en plus nombreuses à oser parler. J’ai également fait en sorte d’écarter les conjoints violents, via un système de téléphone personnalisé à utiliser dès que la femme se sent menacée par lui.

Que penser du projet de loi pour l’égalité entre les hommes et les femmes porté par Najat Vallaud-Belkacem ? Celui-ci peut-il réellement être bénéfique ? Les lois peuvent-elles changer la donne ?

Mme Vallaud-Belkacem essaye d’exister et de reprendre des textes. Je pense que dans le monde politique comme dans le monde du travail, il y aura une égalité de nomination lorsque l’on ne prendra plus en compte le sexe ou le genre des personnes. Et cela, ce n’est pas une loi qui peut en décider. Aujourd'hui le texte devient au mieux une déclaration d’intention, ce qui affaiblit la force de la loi. La loi doit être un texte clair, une référence qui implique des contrôles et des sanctions.

Faut-il imposer la parité ou doit-elle s’imposer d’elle-même ?

La parité doit s’imposer d’elle-même. J’estime que les quotas ont une utilité pour le lait ou pour les vaches, mais qu’ils ne sont pas faits pour les humains. Il est scandaleux qu’une femme qui a des compétences ne soit pas nommée parce qu’elle est une femme, tout comme je trouve scandaleux que l’on nomme une femme moins compétente simplement parce que c’est une femme.

L’UMP souhaite faire passer l’égalité hommes femmes par la reconnaissance de la complémentarité des sexes tandis que la gauche s’appuie sur la théorie du genre. Ne sont-ce pas deux moyens différents, pour finalement arriver au même résultat ?

Je ne crois pas que ce soient deux moyens différents. Ce sont selon moi deux visions différentes. Quand on parle de complémentarité, cela veut dire que l’on parle de différences qui n’ont pas à avoir de conséquences sur le travail ou sur les postes. Dans l’autre cas, on se positionne dans une logique d’uniformisation générale consistant à dire que tout le monde serait exactement pareil. Je pense qu’on peut avoir accès aux mêmes postes en ayant des caractéristiques différentes.

Il faut aujourd’hui faire très attention au sens même des mots. Utiliser un mot pour un autre revient à banaliser, et finalement à faire disparaître tout ce qui est à la base des structures des institutions, et de la société en général. Cela amène forcément à un ramollissement de la pensée. Prenons l’exemple du baptême civil : le baptême est religieux, le civil fait appel à la laïcité. Il n’est pas bon de mélanger les deux. De plus en plus de mots sont utilisés les uns pour les autres, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Il est important de faire attention à cela.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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