Mexique : le dangereux mépris des "progressistes" et libertaires face à la montée du crime organisé<!-- --> | Atlantico.fr
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Des personnes tiennent une pancarte sur laquelle on peut lire "Nous demandons que les narco-politiciens soient emprisonnés" lors d'une manifestation le 18 janvier 2014.
Des personnes tiennent une pancarte sur laquelle on peut lire "Nous demandons que les narco-politiciens soient emprisonnés" lors d'une manifestation le 18 janvier 2014.
©HECTOR GUERRERO / AFP

Au Mexique, le crime organisé a quasiment rongé le pays de l'intérieur ; au point qu'à présent, l'État à-demi effondré y titube au bord du gouffre. Le dédain des politiciens, journalistes et intellectuels a largement facilité la tâche des bandits.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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D'usage, l'infosphère politiciens-médias ne sait rien du monde criminel ; pire, ce qu'elle en imagine est faux et illusoire, du pathos hugolien aux souvenirs du "Parrain" un soir à la télé. Extrême de l'idiotie pontifiante, la secte des "libertariens", calfeutrée dans de riches demeures et n'ayant jamais, même de loin, vu le moindre criminel ni l'effet d'un seul crime. Que l'incrédule lise l’ahurissant "Défendre les indéfendables : proxénètes, vendeurs d’héroïne, prostituées, maîtres chanteurs, faux-monnayeurs et autres boucs émissaires de notre société" [Walter Block, préface de Friedrich von Hayek, Les Belles Lettres, 1993], aux antipodes du phénomène criminel réel. 

Sous l'influence de tels zozos, indifférence, mépris amusé/hautain du beau monde : pourquoi perdre une minute à suivre d'anodins "faits-divers" ?

Or dans le monde réel et pour aller droit au pire, aujourd'hui au Mexique, le crime organisé (localement, les cartels) a quasiment rongé le pays de l'intérieur ; au point qu'à présent, l'État à-demi effondré y titube au bord du gouffre. Bien sûr, le dédain des politiciens, journalistes et intellectuels précités a largement facilité la tâche des bandits.

Le Mexique : 1,6 millions de km2, 108 millions d'habitants, taux d'homicides affreux : ±28/100 000 habitants ; c'était 8/100 000 en 2008 (Union européenne, 2/100 000, à présent).

Que le Mexique soit devenu une termitière criminelle éclate au grand jour à l'été 2023 ; neuf ans après le drame que voici. Septembre 2014, dans l'État du Guerrero (64 000 km2, ± 3,5 millions d'habitants, côte pacifique du Mexique) un autocar de futurs instituteurs en sortie étudiante est ciblé par les espions du cartel régional ("Guerreros Unidos"). En pleine paranoïa, ils croient que les "soldats" d'un autre cartel viennent les attaquer ; la police à leur solde rafle ces 43 innocents sans nulle activité criminelle ; tous sont massacrés. 

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Ensuite, silence de mort : mères et familles ignorent tout du sort de leurs fils. Jusqu'au jour où une source américaine publie 23 000 textos et écoutes téléphoniques. Éclate alors l'effroyable réalité : en secret, à peu près TOUT l'appareil de l'État du Guerrero, élus, fonction publique, police, justice, est aux ordres et à la solde du cartel qui en paye même la plupart au mois :

- Quand le directeur de la police de l'État parle au chef du cartel, il l'appelle "patron",

- Les espions du cartel savent en temps réel ce que font les polices régionales,

- Certains corps des étudiants assassinés sont incinérés dans le crématoire du service officiel de médecine légale.

La dictature criminelle est telle ; l'administration, si docile envers le cartel, qu'entre eux, les chefs des Guerreros Unidos l'appellent "Nos putes".

Une exception ? Non : de tels cartels (136 locaux, une quarantaine de grands, présents dans tout le pays et à l'étranger) ont investi 1 488 des 2 471 municipalités du Mexique, les 32 États fédérés et 81% du territoire national.

Insistons encore : le crime organisé est sans frein ; il ne peut ralentir ni mollir. Sa seule doctrine est celle du 100% ; aujourd'hui, des quartiers Nord de Marseille au Mexique, même logique : contrôle d'un territoire toujours accru, domination intégrale du marché illicite ; se gorger d'argent jusqu'à la mort. Des naïfs demandaient jadis pourquoi Pablo Escobar n'avait pas pris du recul pour jouir de ses milliards. Impossible : dans le crime organisé, faire un pas en arrière, voire de côté, c'est être à l'instant dévoré par la meute.

Ainsi, toujours plus de sicarios, de milliards et d'armes. À présent, les cartels mexicains font construire leurs propres tanks ("narcotanques"), camions aux flancs blindés de plaques d'acier de 10 cm., avec tourelles et mitrailleuses lourdes. Ces chars d'assaut combattent d'autres cartel ou la police. Caprice d'un caïd illuminé ? Non : dans le seul État mexicain du Tamaulipas, il en est saisi 260 du début 2019 à fin juin 2023.

Plus toute la panoplie que s'offre aisément quiconque brasse les dollars par milliards : fusils de précision calibre 50 dont les balles trouent l'acier, lance-roquettes, drone-kamikazes, mines anti-véhicules, narco-sous-marins, etc.

Ce qu'il advient sur le continent américain n'est pas une exotique étrangeté. Partout sur terre, négliger le crime organisé expose à un drame à la mexicaine. L'État tourne au bâtiment rongé jusqu'au cœur : toute porte claquée trop fort peut à l'instant l'effondrer. Plus près de nous, Naples n'en est plus très loin. Prochaine étape, Marseille ?

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