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Mélenchon face au second tour Macron-Le Pen : la chute morale de la maison Phi
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Confusionnisme terminal

Mélenchon n’est pas certain de voter Macron dans quinze jours, en rupture avec ses engagements du 21 avril 2002. Néo-rocardisme et néo-pétainisme, ce serait du pareil au même. Les bras nous en tombent.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Parce qu’on ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir, j’avais commencé à m’engueuler préventivement, bien avant hier, avec ceux de mes amis qui parlaient de s’abstenir en cas de second tour Fillon-Le Pen. Je m’étais même sérieusement agacé d’une « une » de Libération semblant signifier que le journal irait, lui aussi, à la pêche à la ligne dans une telle éventualité.

Mon argument : Fillon n’est peut-être pas très à cheval sur les principes (je pratique l’understatement, c’est mon côté British), mais c’est un démocrate, un républicain, un « type normal », si j’ose dire. C’est la droite, OK, mais dans un pays civilisé qui respecte la liberté d’opinion, il y a des gens de droite, il y a des gens de gauche, il y a des gens qui n’ont rien à faire de ces latéralisations, et tout ce beau monde doit être capable de coexister en bonne intelligence sans s’étriper.

Le Front national, en revanche, c’est autre chose. Pas un parti fasciste au sens propre. Pas un parti nazi non plus. Mais bien une idéologie à part dans le paysage politique, un mouvement né du pétainisme ayant construit son ascension sur deux ou trois thématiques fétiches : l’immigration, le repli nationaliste et l’antisémitisme. Tous ses électeurs ne sont pas des nostalgiques de la collaboration, loin s’en faut, les plus jeunes ne savent même pas qu’il y a eu une deuxième guerre mondiale, il y a aussi pas mal de paumés qui cherchent juste des expédients à leurs malheurs, mais bon, ce n’est pas un parti comme les autres.

Mais voilà que les circonstances nous offrent un second tour Macron-Le Pen, que Fillon est renvoyé à ses chères études quelque part dans la Sarthe et que c’est entre l’extrême droite et une forme un peu atypique, sous nos latitudes, de social-libéralisme qui rassemblerait sans doute, avec quelques bémols, s’ils étaient encore en vie, Mendès-France, Rocard, Delors ou Raymond Barre, qu'il faut choisir.

On s’attendrait alors à ce que le fameux « front républicain » se forme immédiatement, les uns et les autres acceptant de remettre leurs baïonnettes dans leurs fourreaux, quitte à les ressortir, légitimement, au moment des législatives, la priorité étant de contenir le débat à la sphère démocratique et d’éviter de transformer la France en une Hongrie obèse. Et c’est d’ailleurs ce qui se passe, Fillon lui-même, mais aussi la grande majorité des leaders LR à l’exception d’une poignée de revanchards irresponsables, appelant spontanément à voter pour Macron. Pour ne rien dire du PS et des écologistes, pour qui il s’agit d’une évidence.

Mais cette évidence n’en est manifestement pas une pour Jean-Luc Mélenchon, dont le discours d’hier, dégoulinant d’amertume et de rancœur, choque bien davantage qu’une « une » de Libé : oh, il ne dit pas exactement qu’il ne votera pas, lui aussi, pour le démocrate dans quinze jours, mais plutôt qu’il s’en remet à sa base, comme s’il était lui-même incapable, en tant qu’individu cultivé et conscient des enjeux, de prendre ses responsabilités. Il y a quinze ans et pour Chirac, c'était pourtant un autre son de cloche :

"Il ne faut pas hésiter. Alors, mettez des gants si vous voulez, des pinces, ou ce que vous voulez, mais votez ! Abaissez le plus bas possible Le Pen !  Quelle conscience de gauche peut accepter de compter sur le voisin pour sauvegarder l'essentiel parce que l'effort lui paraît indigne de soi ? Ne pas faire son devoir républicain en raison de la nausée que nous donne le moyen d'action, c'est prendre un risque collectif sans commune mesure avec l'inconvénient individuel."

Quelle déception. Quel naufrage. Quelle faillite conceptuelle.

Sa base, bien sûr, fera ce qu’elle voudra et les sondages indiquent déjà que l’immense majorité des partisans de la France insoumise ne confondra pas une différence d’approche sur la manière de résoudre les problèmes de la France d’une part, et une rupture nette avec ses valeurs fondamentales de liberté et de tolérance d’autre part. Et l’homme du Phi, qui prétendait jouer les avant-gardes éclairées, n’est plus qu’un éteigneur de Lumières colérique et mesquin.

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