(Mé)comptes publics : les 10 milliards que François Hollande oublie pour atteindre l'objectif de 3% de déficit<!-- --> | Atlantico.fr
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Lors de son passage sur TF1, François Hollande a annoncé près de 30 milliards de hausses d'impôts.
Lors de son passage sur TF1, François Hollande a annoncé près de 30 milliards de hausses d'impôts.
©Reuters

Arithmétique gouvernementale

François Hollande a annoncé dimanche une règle simple à comprendre pour trouver 30 milliards d’euros l'an prochain... Reste qu'à croissance nulle, il sera difficile de faire stagner le train de vie de l'Etat.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Lors de son intervention télévisée de dimanche dernier, François Hollande a annoncé une mesure simple à comprendre pour trouver 30 milliards d’euros l’an prochain : 10 milliards d’impôts pour les sociétés, 10 milliards pour les plus fortunés, et 10 milliards de réduction de dépenses.

Dans le même temps, il a annoncé, côté dépenses, qu’il ne supprimerait pas globalement d’emploi public, et qu’il n’augmenterait pas d’un euro les dépenses de l’Etat.

Cet arbitrage est globalement sans surprise (voir article publié au mois d’août sur ce même site). Si l’on ajoute les efforts attendus dans le domaine de l’assurance-maladie, les annonces de François Hollande corroborent ce chiffre.

Le partage pour moitié entre entreprises et particuliers était également prévisible...

Si les hausses d’impôts sont non seulement inévitables mais certaines, le discours présidentiel apparaît un peu plus douteux pour tout ce qui touche aux diminutions de dépenses, c’est-à-dire à la baisse du train de vie de l’Etat en contrepartie des efforts faits par les citoyens pour le financer.

François Hollande nous annonce en effet que l’Etat maintiendra ses dépenses en volume et qu’il économisera 10 milliards d’euros, selon une mécanique assez étrange.

Pour bien comprendre le raisonnement qui va suivre, il faut avoir à l’esprit une mécanique simple : 1 point de PIB équivaut à 20 milliards d’euros environ. Donc 0,5 point de PIB vaut 10 milliards d’euros.

Dans la pratique, le déficit budgétaire de l’Etat en fin d’année 2012 doit se situer, selon nos engagements communautaires, à 4,5% de PIB, c’est-à-dire à 90 milliards d’euros, soit un gros quart des dépenses totales de l’Etat ! Et, toujours selon les mêmes engagements, il doit descendre à 3% du PIB fin 2013, soit 60 milliards. On retrouve bien ici les 30 milliards d’économies annoncées par le Président, équivalents à 1,5 point de PIB.

En fait, il est très probable que le gouvernement ait attendu la dernière minute pour communiquer sur le projet de budget 2013, parce qu’il était suspendu aux chiffres de la croissance. La croissance augmente mécaniquement le PIB et permet donc d’augmenter les impôts sans prendre aucune décision. Par exemple, avec 1% de PIB, la France s’enrichit d’environ 20 milliards en un an (en tout cas elle augmente son « chiffre d’affaires »). Et comme l’Etat ponctionne 56% du PIB, une croissance de 1 point amène mécaniquement près de 11 milliards de recettes nouvelles, ni vu ni connu.

Dans cette hypothèse, l’effort fiscal nouveau et réel est réduit d’autant.

Longtemps, le gouvernement a parié sur une croissance à 0,8%, grâce à laquelle, il pouvait escompter une rentrée d’environ 9 milliards d’euros. Dans l’hypothèse où, comme la Cour des Comptes le demandait en juin, le gouvernement devait récupérer 33 milliards d’euros pour tenir ses engagements communautaires, il ne lui restait plus, avec une croissance à 0,8%, qu’à trouver les 24 milliards d’euros annoncés dans ces colonnes en août.

Le problème est que la croissance sera probablement très proche de 0% en 2013, ce qui s’appelle aussi une stagnation de l’activité. Du coup, les petits calculs du début de l’été tombent à l’eau. Pour obtenir un effort de 30 milliards d’euros, le gouvernement ne pourra compter sur la seule dynamique de l’économie pour joindre les deux bouts. En plus des 20 bons milliards de prélèvements nouveaux arbitrés très tôt, il faudra trouver les 10 milliards que la croissance n’apportera pas.

Par conséquent : réduction des dépenses !

La question qui se pose à l’exécutif aujourd’hui est de savoir si une simple stabilisation des dépenses en volume suffit à économiser 10 milliards. En période de croissance, la réponse est oui : si l’Etat dépense 400 milliards chaque année, la part de cette somme dans le PIB diminue à mesure que le PIB augmente. Si le PIB stagne, 400 milliards en 2012 ont le même poids dans le PIB qu’en 2013. Autrement dit, maintenir les dépenses à niveau constant ne permettra pas de concourir à une réduction du déficit budgétaire par rapport au PIB. On peut donc penser que les déclarations présidentielles de dimanche soir ont occulté la réalité.

Comme par hasard, la presse fleurit maintenant de toutes parts de déclarations en off prêtées à des membres du gouvernement ou à des conseillers: on affiche un retour à 3% de déficit en 2013 pour complaire à l’Allemagne, mais tout le monde sait qu’en réalité l’objectif ne sera pas atteint, et que le déficit budgétaire s’élèvera à 3,5% du PIB.

Or, à quoi équivaut 0,5% de PIB ? À 10 milliards d’euros. Comme par hasard ! Autrement dit, personne ne croit vraiment que les 10 milliards de réduction de dépenses existeront.

En réalité, le gouvernement, qui a interrompu l’improductive RGPP et n’a pas du tout envie de se coller à des fonctionnaires ronchons, a d’ores et déjà arbitré, en secret, de financer l’essentiel de l’effort par l’impôt, sans réduction effective des dépenses.

C’est ainsi que, derrière le trompe-l’oeil d’un effort partagé, la principale méthode de réduction du déficit consistera à ponctionner le secteur privé. Ce qui, pour le coup, n’est pas forcément le choix de la croissance.

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