Marie-Noëlle Lienemann : "La seule façon de ne pas s'asseoir sur notre électorat, c'est que François Hollande propose un référendum pour le nouveau traité européen"<!-- --> | Atlantico.fr
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Marie-Noëlle Lienemann confirme qu'elle ne votera pas le traité budgétaire européen.
Marie-Noëlle Lienemann confirme qu'elle ne votera pas le traité budgétaire européen.
©Reuters

Socialiste dissidente

Selon un sondage CSA paru lundi, près des trois quarts des Français (72%) déclarent souhaiter l'organisation d'un référendum sur le traité budgétaire européen. Marie-Noëlle Lienemann, une des leaders de l'aile gauche du PS, confirme qu'elle ne votera pas le traité et appelle François Hollande à respecter ses promesses de campagne.

Marie-Noëlle Lienemann

Marie-Noëlle Lienemann

Marie-Noëlle Lienemann est une femme politique, membre du Parti socialiste et sénateur de Paris.

Elle fut notamment députée européenneministre déléguée au Logement et au Cadre de vie dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy et secrétaire d’État au Logement dans le gouvernement de Lionel Jospin.

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Atlantico : Le traité de stabilité budgétaire européen, que François Hollande souhaite faire adopter le plus vite possible par voie parlementaire, fait débat au sein du PS. Vous qui représentez l'aile gauche du parti, vous avez annoncé ne pas vouloir voter ce texte sous cette forme. Pourquoi cette décision ?

Marie-Noëlle Lienemann : Ce traité est dangereux : il ne résout en rien la crise et va nous envoyer dans le mur en accroissant le risque de démantèlement de notre modèle social et de croissance faible pendant de très nombreuses années. Il dépossède le parlement et les peuples de leur souveraineté budgétaire sans doter l'Europe d'un budget qui permettrait des transferts solidaires.

François Hollande a néanmoins obtenu un engagement de l'Europe pour relancer la croissance. N'est-ce pas suffisant ?

François Hollande, conscient de la dangerosité de ce traité, s'était engagé durant la campagne à le renégocier en insistant bien sur les deux piliers de cette renégociation : d'une part, la nécessité de le compléter, et d'autre part celle de le modifier.

Un volet croissance, modeste, a été ajouté : 120 milliards d'euros sur 5 ans. En réalité, 30 milliards étaient déjà dégagés : pour l'essentiel des crédits européens non dépensés. C'est un premier pas, mais cela ne saurait compenser le traité qui instaure l'austérité. Si François Hollande a respecté sa promesse de compléter le texte, il n'a, en revanche, toujours pas honoré celle de le renégocier.

Mais la rigueur n'est-elle pas une nécessité pour régler le problème des dettes souveraines ?

Pour régler la crise de l'Euro, il faudra modifier les missions de la banque centrale. La BCE doit pouvoir racheter les dettes souveraines et prêter directement au États plutôt que de passer par les banques. François Hollande a toujours été favorable à cela. Par ailleurs Madame Merkel a également refusé la solution des euro-bonds qui pouvait aussi être intéressante. Avec ce traité, on nous dit : "continuons comme avant : en plus rigoureux, en pire !" Pourtant, cela fait déjà plusieurs années que l'Europe connait la plus basse croissance de son histoire. Cela ne peut plus durer !

Je préconise la mise en place d'un gouvernement économique qui proposerait tous les trois ans un cadre macroéconomique pour chaque pays et pour l'Union. Ce serait un cadre commun dans lequel chaque pays s'engagerait. Tous ne seraient pas obligés de faire les mêmes efforts budgétaires. Dans certains pays, des marges de manœuvre existent, tandis que dans d'autres la rigueur est synonyme d'étranglement.

L'équilibre total est une chimère. En tant que keynésienne, je pense qu'il faut des déficits maitrisés porteurs d'investissements d'avenir pour soutenir la croissance. Par la suite, les profits de cette croissance doivent servir au désendettement. La preuve est faite maintenant que les politiques d'austérité ne règlent pas les problèmes de dettes souveraines en Europe, mais nous entraînent dans la spirale infernale de la récession. Dans les pays engagés dans une politique d'austérité, les déficits se creusent. La rigueur ne peut pas devenir le dogme fondateur de toutes les politiques européennes ad vitam aeternam. On n'est pas seulement en train de définir le cadre pour trois ans. Si nous ratifions le traité, il sera gravé dans le marbre durant de longues années.

François Hollande doit-il organiser un référendum ?

La seul façon de regagner notre électorat, qui depuis 2005 a le sentiment que les élites politiques s'assoient sur la souveraineté populaire et en particulier sur leur "non" au traité constitutionnel, c'est de proposer un référendum pour le nouveau traité. Je l'ai écrit à François Hollande avant le premier tour de l'élection présidentielle.

Le temps est venu de se poser la question : "pourquoi se précipiter pour ratifier le traité ?" On ne sait même pas quand l'Allemagne va le ratifier définitivement, puisque la cours de Karlsruhe (Cours constitutionnelle allemande) repousse tous les mois la décision finale. Tous les jours qui passent nous montrent que la politique d'austérité nous mène dans le mur et accroît encore les difficultés. Il n' y a pas d'urgence à ratifier ce traité qui ne règle pas nos problèmes et peut les amplifier. Il est temps de reprendre notre bâton de pèlerin pour essayer de le modifier.

Ne craignez-vous pas que votre position n’affaiblisse la majorité ?

La question européenne a toujours été une question importante au sein de la gauche et qui a divisé nos forces politiques. Il ne faut pas oublier que notre électorat a voté massivement "non" au référendum sur le traité constitutionnel.

Il faut aussi se souvenir qu'au premier tour, 30% de l'électorat qui a voté François Hollande a hésité avec le vote Jean-Luc Mélenchon, principalement sur la question européenne. Il ne faudrait pas les oublier car le risque est grand que ces gens là finissent par s'abstenir ou rejoignent les rangs du Front National.

Je ne divise pas, mais je tire la sonnette d'alarme afin qu'on ne paie pas, à la fin du quinquennat de François Hollande, ce désaccord sur la politique européenne. Par ailleurs, Il est normal qu'on représente cette frange majoritaire de l'électorat socialiste qui attend autre chose de l'Europe. C'est à François Hollande de l'entendre. Je l'appelle à ne pas soumettre la ratification.

Votre positionnement semble assez proche de celui de Jean-Luc Mélenchon. Pourquoi choisir de rester au PS plutôt que de rejoindre le Front de Gauche ?

On peut être contre la position des traités et rester socialiste. La majorité de l'électorat du PS a voté contre le référendum constitutionnel. Je suis en phase avec notre électorat. Lorsque j'ai parlé de l'Europe la semaine dernière à la Rochelle, j'ai reçu une ovation dix fois supérieure à celle de Manuel Valls ! Il y a un décalage entre l'élite dirigeante du parti et notre base politique.

Par ailleurs, j'ai un désaccord stratégique avec Jean-Luc Mélenchon. Contrairement à lui, je ne suis pas certaine que François Hollande va échouer. je vais tout faire pour l'aider à réussir, ce qui ne signifie pas non plus que je vais dire amen à tout ce qu'il fait.

Deuxièmement, je suis pour l'union des forces de gauche.  Il ne faut pas pousser à l'extrême la tension entre nous. Les positions ne doivent pas devenir irréconciliable pour des raisons d'appareil.

Vous vous dites persuadée que la défaite de Lionel Jospin en 2002 tient pour une part à l'acceptation du traité d'Amsterdam. Vous qui avez essayé de vous présenter à Hénin-Beaumont, pensez-vous que la position du PS sur l’Europe, proche de celle de l’UMP, favorise la montée du FN ?

J'espère que non... Mais il faut y être très attentif !

 Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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