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Manifestation de policiers à Paris : "Que les connards provocateurs manipulateurs patentés arrêtent de nous conspuer"
©madameoumadame.fr

Parole de syndicaliste

Assez d’insultes et d’agressions physiques contre les forces de l’ordre lors des manifestations qui se déroulent pratiquement chaque jour dans le pays. Stop à la présence de casseurs dans les cortèges. Le secrétaire général de l’Unsa-Police, Philippe Capon, exprime, comme tous les autres syndicats de police, son ras-le-bol. Et en profite pour demander au pouvoir politique de ne plus tergiverser lors des manifestations. Et d’expulser les casseurs étrangers interpellés hors du territoire.

Philippe Capon

Philippe Capon

Philippe Capon est Secrétaire Général de l'UNSA Police.

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Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Gilles Gaetner : Depuis longtemps, les syndicats de police, unis, n’avaient pas organisé une manifestation. Elle a lieu ce mercredi 18 mai. Qu’attendez-vous de celle-ci ?

Philippe Capon : La dernière manifestation avait rassemblé l’ensemble des syndicats de police le 14 octobre 2015 place Vendôme à Paris. Unanimes, les syndicats représentatifs de la Police nationale s’y étaient réunis à la suite d’une attaque perpétrée par un repris de justice en "autorisation de sortie" à Saint-Denis (93)… qui avait failli coûter la vie à notre collègue Yann.

Notre manifestation de ce mercredi 18 mai 2016, place de la République à Paris et partout devant les commissariats de province permettra de dire notre raz-le-bol de la situation actuelle. Chaque jour, ou presque, les policiers et gendarmes sont désormais confrontés à des casseurs lors de manifestations qui dégénèrent systématiquement et au cours desquelles des membres de force de l’ordre sont blessés. Certaines de ces actions/manifestations contre les policiers sont d’ailleurs "organisées" et mises en scène par des "polémiqueurs professionnels" qui se mêlent aux casseurs avec leur matériel portable pour réaliser de soi-disant reportages.

Lors de notre rassemblement le 18 mai, nous dirons aux Français ce qu'il se passe et que les policiers embrassés par la foule le 11 janvier 2015 sont les mêmes que ceux qui sont aujourd’hui conspués par certains.

Après les attentats de janvier 2015 et novembre 2015, les gens vous embrassaient dans la rue. Depuis quelques semaines, à Paris surtout, on entend des manifestants hurler "tout le monde déteste la police". Cela doit faire très mal d’entendre cela ?

Les agressions verbales à l’encontre des policiers sont, lors de manifestations, très courantes, et sont révélatrices du peu de slogans de la part de certains manifestants, mais démontrent aussi le positionnement de ces pseudos manifestants qui viennent pour provoquer et rien d’autres. Ces agressions verbales qui ont dernièrement dépassé les bornes ont pour auteurs des personnes qui sont parfois identifiées. Elles doivent être, dès qu’elles le sont, traduites devant la justice et sévèrement condamnées…On ne peut pas laisser la police conspuée par des "connards provocateurs manipulateurs patentés" en toute impunité. On ne devient pas policier pour se faire insulter, et les insultes sont parfois aussi dures à vivre que les agressions physiques.

Ces manifestations qui se succèdent un peu partout dans l’hexagone ont donné lieu des affrontements violents. Elles pouvaient faire croire que le gouvernement se montrait un peu mou et ne parvenait pas à faire respecter l’ordre. Qu’en pensez-vous ?

Le droit de manifester est un droit, le droit de tout casser et de s’en prendre aux forces de l’ordre n’en est pas un. Je trouve que l’on tergiverse beaucoup en ce moment alors que l’on est en état d’urgence.

La présence de casseurs doit entraîner immédiatement la dislocation de la manifestation par les autorités, puisque malheureusement les organisateurs sont bien souvent incapables de prendre cette décision. Il n’est pas normal que l’on attende, les forces de l’ordre vivent de plus très mal ces situations d’attente…

Les personnes interpellées précédemment lors d’autres faits d’agressions doivent lors des manifestations futures être convoquées systématiquement, au commissariat ou à la gendarmerie, et assignées à résidence. Il est anormal qu’en état d’urgence on puisse assister à ce type de scène dans les rues de nos grandes villes. Les casseurs étrangers interpellés doivent être expulsés de France. L’Etat doit prendre ses responsabilités…

Justement dans cette violence, on a vu des corps-à-corps entre policiers et manifestants. Même en mai 1968, il n’y avait jamais eu de corps-à-corps. Pourquoi ce changement ?

Le maintien de l’ordre doit s’adapter mais certains choix font que nous arrivons à ces situations de corps-à-corps. La police française s’est équipée depuis plusieurs années de "canons à eau" et on sent encore beaucoup de réticences dans leur utilisation principalement sur Paris, alors que ces moyens d’intervention, même s'ils ne sont pas utilisables partout, permettent justement d’éviter le corps-à-corps. Tout le monde sait que le corps-à-corps est générateur de blessures, d’autant plus quand le casseur ne se laisse pas interpeller…

Manque-t-on de forces de police ? En raison d’une mobilisation de tous les instants - manifestations, état d’urgence, maintien de l’ordre classique, débordements à Calais -, nos policiers et nos gendarmes sont épuisés. Quelles solutions trouver pour les revoir en forme ?

Depuis les tragiques attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015, les forces de l’ordre sont énormément sollicitées, bien au-delà du raisonnable. L’arrivée prochaine de l’Euro de football ne permettra pas de revenir à une situation plus stabilisée dans l’immédiat.On paie aussi la baisse des effectifs du gouvernement précédent, effectifs qui commencent à remonter progressivement mais dont les effets sur le recrutement ne se feront pleinement sentir que fin 2017-début 2018. Pour l’UNSA Police, il est désormais important que l’on puisse planifier et répartir les tâches des forces de l’ordre, d’abord en interne, puis savoir ce qui est du domaine régalien et ce qui ne l’est pas (ou plus) pour le confier à des partenaires clairement établis, répertoriés et conventionnés de la sécurité privée.

La maison du Courbat (Indre-et-Loire), qui accueille les policiers en état de dépression, est pleine à 100%. En-dehors des problèmes d’ordre conjoncturel - donc passagers, on l’espère -, le mal-être des policiers existe vraiment. Pourquoi ? Quelles solutions ? Comment cela se passe-t-il à l’étranger ?

L’usure professionnelle, encore appelée burn out, est très présente dans la Police nationale. L’établissement du Courbat répond, grâce à ses spécificités, aux attentes et permet aux policiers de se remettre à niveau. Plusieurs facteurs expliquent ce mal-être. D’abord, c’est un métier pressant, voir oppressant, loin de la routine, métier difficile qui vous met face à toutes les difficultés de la vie dans vos interventions (suicides, différents familiaux, accidents…).

Ensuite, les cycles de travail sont inadaptés, encore qu’ils soient en cours de modification. Quand vous travaillez en cycle, vous n’avez qu’un week-end sur 6 de repos, ce qui n’est pas top pour mener une vie sociale normale et encore moins quand vous êtres divorcé avec un droit de garde tous les quinze jours que vous êtes dans l’impossibilité d’exercer…

Si votre vie personnelle devient difficile à gérer pour X raisons, il est compliqué de gérer, en parallèle, votre vie professionnelle, et c’est là que beaucoup de policiers se referment sur eux-même et se retrouvent en situation de burn out.

Un mot sur l’état d’urgence. La disposition phare - la possibilité de perquisitionner la nuit - a disparu. Etait-il vraiment nécessaire de proroger l’état d’urgence, même si dans un peu moins d’un mois débute l’Euro de football ?

A mes yeux, l’état d’urgence, du fait d’une réforme pénale encore en cours, ne pouvait qu’être maintenu dans le cadre de l’Euro de foot même si "l’affichage actuel" de l’état d’urgence avec les manifestations de casseurs est pour le moins compliqué dans la perception que peut en avoir le grand public. Mais la sensibilité de l’Euro de foot nous impose le maintien de l’état d’urgence…

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