Mais pourquoi la productivité de tant de secteurs de l’économie française est-elle en chute libre ?!<!-- --> | Atlantico.fr
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La productivité est mesurée comme la valeur ajoutée brute en termes réels divisée par la quantité d’heures travaillées.
La productivité est mesurée comme la valeur ajoutée brute en termes réels divisée par la quantité d’heures travaillées.
©JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Vers la catastrophe ?

La France se distingue par une forte baisse de la productivité du travail depuis quelques années.

Eric Dor

Eric Dor

Eric Dor est directeur des études économiques à l'IESEG.

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La France se distingue par une forte baisse de la productivité du travail depuis quelques années. Les données Eurostat montrent qu’entre le 2ème trimestre 2019 et le 2ème trimestre 2023, la productivité par heure travaillée aurait baissé en France de 3,9%, ce qui est la moins bonne performance de toute l’union européenne. En effet, au cours de cette période, la productivité par heure travaillée a augmenté pour presque tous les pays de l’Union Européenne, sauf au Danemark et en Estonie où la baisse est toutefois très inférieure à la diminution en France.

La productivité est mesurée comme la valeur ajoutée brute en termes réels divisée par la quantité d’heures travaillées. Si la France a eu la moins bonne dynamique de productivité de l’union européenne entre le 2ème trimestre 2019 et le 2ème trimestre 2023, c’est parce que, d’après Eurostat, l’augmentation de la valeur ajoutée de 1,5% y a été une des moins fortes de l’union européenne, et qu’en même temps la croissance des heures travaillées de 5,5% y a été une des meilleures.

Plusieurs explications potentielles de la baisse récente de la productivité du travail en France ont déjà été avancées, comme :

-        la régularisation de travailleurs autrefois utilisés sans être déclarés, pour pouvoir recevoir des aides publiques

-        la moindre possibilité de recours des entreprises à des travailleurs détachés et leur remplacement par des locaux moins expérimentés et productifs

-        le maintien d’entreprises peu productives, à cause des aides publiques

-        la rétention de travailleurs de la part des entreprises, même quand la production se réduit, à cause des craintes de difficultés ultérieures de recrutement dues aux pénuries de spécialistes qualifiés

-        la forte augmentation de la rotation des travailleurs.

Mais ces mêmes facteurs ont certainement affecté aussi les autres pays d’Europe, et ils peuvent donc difficilement expliquer pourquoi la productivité a fortement baissé en France, contrairement au reste de de l’Europe.

Certaines autres explications sont toutefois spécifiques à la France.

D’abord il y a la forte augmentation de l’effectif des apprentis depuis 2019. Ils sont moins productifs. Ils réduisent aussi la productivité des expérimentés qui doivent les former.

Ensuite il y a la forte augmentation du taux d’absentéisme au travail en France, liée à de moins bonnes conditions de travail ressenties, comparées à d’autres pays.

Une partie du surcroît de baisse de productivité du travail en France, comparée au reste de l’Europe, peut donc être expliquée par des facteurs nationaux spécifiques. Mais cette diminution si forte en France reste encore partiellement à expliquer. Pour mieux comprendre, il est donc utile d’examiner la dynamique récente de la productivité en France par secteurs.

Les données publiées par l’INSEE permettent une répartition sectorielle assez fine. Certaines différences de méthodologie statistique expliquent des différences de mesure de l’évolution de la productivité entre l’INSEE et Eurostat, pour l’agrégat de l’ensemble des branches. Toutefois, qualitativement, les données de l’INSEE et d’Eurostat conduisent aux mêmes résultats. La productivité de l’ensemble des branches a bien diminué entre le deuxième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2023, à cause d’une croissance des heures travaillées qui a été supérieure à la hausse de la valeur ajoutée brute en termes réels.

C’est le secteur de la fabrication des matériels de transport qui a subi la plus forte réduction de la productivité du travail en France entre le deuxième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2023, suivi par les services immobiliers, la construction, l’industrie agroalimentaire, le commerce, le transport, l’hébergement restauration, et la plupart des autres branches industrielles.

La productivité a toutefois continué à augmenter au cours de cette période pour l’agriculture, les services d’information et communication, l’industrie des biens d’équipement, les services hors de la sphère marchande et très légèrement les services financiers.

Pour l’industrie agroalimentaire, la valeur ajoutée brute s’est légèrement réduite mais les heures de travail ont fortement augmenté. Pour certains secteurs comme les matériels de transport, la valeur ajoutée brute en termes réels a fortement diminué mais les heures de travail se sont moins réduites, ce qui a diminué la productivité. Pour d’autres secteurs comme le commerce, l’hébergement restauration, la construction, ou les services de transport, l’augmentation des heures travaillées a largement excédé la hausse de la valeur ajoutée brute en termes réels.

Croissance de la productivité du travail par heure travaillée entre le deuxième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2023

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