Lutte contre le vieillissement : vers une nouvelle conception de la santé et de la longévité <!-- --> | Atlantico.fr
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L’enjeu pour la médecine de la longévité est de ralentir la sénescence et, demain, de l’inverser.
L’enjeu pour la médecine de la longévité est de ralentir la sénescence et, demain, de l’inverser.
©LOIC VENANCE / AFP

Bonnes feuilles

Christophe de Jaeger publie « Médecine de la longévité : une révolution ! » chez Guy Trédaniel éditeur. Est-ce la fin de l'obsolescence programmée de l'être humain ? Nous nous sommes habitués à considérer qu'il était normal et inéluctable de se dégrader progressivement, de tomber malade et de mourir. Or, grâce à une multitude de découvertes scientifiques, nous pouvons enfin espérer mettre fin à des millénaires de fatalité. Extrait 1/2.

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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La vie avec son corollaire indissociable, la santé, sont nos biens les plus précieux. Ni l’argent ni le pouvoir ne peuvent rivaliser. Cela paraît une évidence. Une évidence si forte, si réelle, si présente que personne ne la voit, ne la perçoit à sa juste valeur, hormis, peut-être, ceux qui la perdent. Ce qui est important, ce n’est pas d’avoir une belle voiture, une belle maison, une belle carrière, de l’argent, beaucoup d’argent, si vous passez à côté de l’essence même de la vie : la santé. Santé qu’il convient de conjuguer dans le temps long.

Mais la santé ou l’absence de maladie n’est que la partie émergée de l’iceberg. Notre santé s’appuie sur nos capacités physiologiques. Nous perdons notre santé progressivement en perdant nos capacités fonctionnelles, nous tombons malades et mourons. Imaginez conserver vos capacités physiologiques, rester dans la meilleure santé possible et ne pas tomber malade, ou très tardivement.

La condition essentielle à une longévité augmentée semble pour beaucoup être la santé dans son acception générale, qui est l’absence de maladie, mais, en fait, il s’agit de bien plus que la santé que nous devons viser, c’est l’état physiologique dans lequel nous nous trouvons qui importe : notre capital santé. Nous devons penser « capital santé » tout au long de notre vie et, idéalement, le plus tôt possible. 

Le vieillissement, ou sénescence, n’est-il pas la maladie originelle ?

Nous avons été éduqués dans l’idée que le vieillissement est une fatalité et que nous n’y échapperons jamais. La vie, la vieillesse, la mort ne sont que les étapes de la vie, et c’est ainsi depuis la nuit des temps. Alors, à quoi bon lutter et laissons-nous aller au fatalisme. Profitons du temps présent sans égard pour notre capital santé, car nous sommes impuissants.

Mais, de tout temps également, l’objectif des sciences était d’aller au-delà des apparences, de montrer que rien ne s’arrête à l’horizon. Je pourrais également dire qu’un des objectifs de la science est de sortir de son confort quotidien: il faut savoir chercher pour trouver.

Aller sur la Lune a été considéré comme impossible jusqu’au jour où, le 21 juillet 1969, Neil Armstrong est devenu le premier homme à poser un pied sur notre satellite au cours de la mission Apollo 11.

Mais ce qui a permis de dépasser les apparences confortables de l’impossibilité du voyage spatial n’était pas, dans ce cas précis, une volonté scientifique d’aller plus avant, mais un défi politique: il fallait que les Américains soient les premiers, avant l’Union soviétique. C’est cette volonté politique forte qui a permis de mobiliser l’énergie humaine, d’avancer, de trouver des solutions à ce qui paraissait jusqu’alors impossible et, enfin, de réussir ce défi. La volonté est l’élément essentiel qui doit nous animer dans cette nouvelle quête qu’est la vraie santé au long cours.

La médecine de la longévité a pour objectif de nous maintenir en bonne santé, le plus longtemps possible, en ciblant les mécanismes de la sénescence et en procédant aux dépistages des grandes pathologies chroniques. En agissant sur les grands mécanismes de la sénescence, on peut améliorer le fonctionnement général de l’organisme et reculer l’échéance des grandes pathologies qui en sont les conséquences et qui nous conduisent au décès. Elle permet d’apprendre à bien gérer son capital santé en s’appuyant sur des réalités physiologiques, et non plus sur ses perceptions, parfois loin des réalités, de son état de santé réel.

Il faut donc aujourd’hui s’intéresser aux mécanismes du vieillissement, et non plus seulement aux maladies, conséquences de la sénescence. Il est donc une évidence que simplement cibler les maladies est très insuffisant et c’est ainsi que les sciences de la longévité sont nées.

Cela fait plus de trente ans que des médecins, dont je suis, et des scientifiques du monde entier commencent à penser que la sénescence est «la maladie originelle» qui nous ronge tous. Elle nous affaiblit tout au long de la vie et favorise l’émergence des maladies qui nous tuent. Mais, comme ce phénomène touche 100% de la population humaine, il ne pouvait pas entrer dans la définition classique d’une maladie qui ne touche par définition qu’une partie de la population. Le vieillissement était donc un phénomène catalogué comme « physiologique ». Mais il s’agit là d’une vision erronée de la situation. Il est urgent de modifier notre point de vue sur la sénescence et de la considérer, enfin, comme la maladie originelle.

Nous sommes d’ailleurs de plus en plus nombreux à penser que le vieillissement négatif ou sénescence est la maladie primaire ou originelle, et cette idée est en train de gagner progressivement la communauté scientifique internationale, malgré quelques très sévères oppositions. La meilleure preuve de cette évolution est l’inscription dans la dernière version de la Classification internationale des maladies, onzième révision (CIM-11), qui est considérée comme la norme internationale pour le diagnostic des maladies, de la notion de sénescence. La révolution est en marche !

Les sciences de la longévité

La sénescence est un phénomène qui touche l’ensemble de notre population humaine. Elle semble inéluctable. Et, comme nous percevons ce phénomène comme inéluctable, nous pensons naturellement qu’il est impossible de lutter contre lui. Notre permissivité vis-à-vis de la sénescence est extraordinaire. Il est vrai, que jusqu’à une trentaine d’années, nous n’avions pas de procédures d’évaluation fiables et globales de la sénescence, pas plus que de prises en charge adaptées.

Aujourd’hui, les sciences de la longévité progressent considérablement et tout le monde se rend compte que rester en bonne santé longtemps est un enjeu personnel et sociétal primordial. Les luttes en France autour de l’âge de la retraite en sont une autre illustration. Aujourd’hui, nous avons les moyens d’intervenir. Nous pouvons immortaliser des cellules en laboratoires, nous pouvons décupler l’espérance de vie de rongeurs, nous pouvons les rajeunir, nous pouvons travailler le génome et nous pouvons optimiser la santé des êtres humains.

L’enjeu pour la médecine de la longévité est de ralentir la sénescence et, demain, de l’inverser

Les mécanismes de la sénescence sont maintenant bien connus. Nous savons l’évaluer et faire la différence entre sénescence et maladies. Agir sur la sénescence, processus primaire de dégradation physiologique, et la retarder permet en toute logique de retarder l’émergence des pathologies.

La priorité, aujourd’hui, est donc de devenir conscient des enjeux aux niveaux personnel et sociétal et de se prendre en charge. Comme nous le verrons dans un exemple dans le livre, évaluer et modifier une réalité physiologique en l’améliorant est possible. On peut inverser, améliorer certains paramètres, mais déjà les stabiliser est une grande victoire. La médecine de la longévité, à travers les avancées de la physiologie et de la médecine régénérative, permettra également, demain, de régénérer les organes devenus défectueux du fait de maladies ou d’une intervention trop tardive.

La médecine de la longévité qui vise à nous garder avec le meilleur capital santé possible, le plus longtemps possible, s’appuie sur la physiologie (science du fonctionnement normal du corps humain) et son optimisation, sur la médecine régénérative (cellules souches et thérapies géniques, principalement), qui permet une réparation des tissus endommagés, mais également sur la médecine classique afin de traiter le plus efficacement possible des pathologies qui ne font qu’accentuer la sénescence. Il s’agit donc d’une médecine globale, extrêmement personnalisée et exigeante sur le plan scientifique.

Il n’est pas question de prendre simplement quelques vitamines ou oligoéléments… presque au hasard des promotions sur Internet, dans les parapharmacies ou encore sur les « bons conseils » d’amis ou d’influenceurs, mais de rentrer dans une prise en charge scientifique de sa sénescence. Le hasard et l’approximation sont les ennemis de notre capital santé. Ne cédons pas à cette facilité contre-productive et qui peut même s’avérer dangereuse.

(…) 

Longévité et bonne santé

Je lie à dessein ces deux notions: longévité et bonne santé. Elles sont indissociables dans mon esprit, mais malheureusement pas dans les faits. La santé doit se conjuguer à très long terme. Vous remarquerez d’ailleurs que je n’utilise pas le terme de maladies, mais celui de santé. Il s’agit de deux notions différentes. La santé n’étant pas simplement l’absence de maladie, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a déjà clairement exprimé en 1946 dans sa déclaration constitutive2 . L’OMS a d’ailleurs complété cette définition par une phrase très importante : «La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale. » La phrase « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre » est fondamentale et montre que la santé est toujours en mouvement. Il faut se battre pour la maintenir ou la retrouver. Rien n’est automatique ou simplement dû. La santé n’est pas un droit, la santé doit être un devoir. En revanche, l’accès aux soins doit évidemment être un droit.

Lutter contre la sénescence, c’est idéalement agir avant que les maladies ne s’installent. Mais même si celles-ci sont présentes, agir sur la sénescence reste essentiel. Car l’un et l’autre s’aggravent mutuellement. Ralentir la sénescence permet raisonnablement de ralentir l’évolution de la maladie. Et il n’est jamais trop tard pour agir.

C’est la raison pour laquelle nous développons cette nouvelle branche de la médecine : la médecine de la longévité, ou médecine de la santé sans laquelle la longévité, voire la très grande longévité, n’a pas de sens réel. La médecine actuelle basée sur la recherche et le traitement des maladies est évidemment très mal à l’aise dans ce domaine qui n’est pas le sien. Les logiques de diagnostic, d’objectifs, de prises en charge sont très différentes.

Savez-vous que nous ne mourons pas de vieillesse ?

Beaucoup de nos contemporains pensent que nous finirons par mourir de vieillesse si nous n’avons pas été victimes d’une maladie, telle qu’un infarctus, un cancer ou encore un accident vasculaire cérébral. L’image classique est celle de la «bougie qui finit doucement par se consumer». L’image est belle et apaisante. Mais fausse. Nous ne mourons pas de vieillesse, mais de maladies. Mes collègues américains ont réalisé plusieurs études en autopsiant systématiquement des personnes mortes très âgées avec le diagnostic «mortes de vieillesse». La surprise fut qu’il y avait quasiment toujours une ou plusieurs maladies non diagnostiquées, et donc non traitées, à l’origine du décès. Des cancers, des phlébites et embolies pulmonaires, des accidents vasculaires cérébraux, des infarctus, des tuberculoses, etc., étaient souvent retrouvés. On ne meurt pas de vieillesse, mais de maladies. Celles-ci se développent d’autant plus que tous les systèmes physiologiques de nos seniors se dégradent de plus en plus avec l’avancée en âge, rendant les maladies quasi systématiques. Ensuite, il est vrai que passé un certain âge, les médecins ont de moins en moins tendance à être invasifs pour trouver une pathologie qui ne changera peut-être pas significativement l’avenir de la personne âgée. Celle-ci, le plus souvent, n’a d’ailleurs plus tellement envie d’être explorée et les familles s’y opposent souvent également. Le cercle est bouclé.

Extrait du livre de Christophe de Jaeger, « Médecine de la longévité : une révolution ! », publié chez Guy Trédaniel éditeur

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