Loi climat : après la mascarade du comité citoyen, la loi va tourner au fiasco... <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron et la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, assistent à une réunion avec des membres de la Convention citoyenne sur le climat.
Le président Emmanuel Macron et la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, assistent à une réunion avec des membres de la Convention citoyenne sur le climat.
©Thibault Camus / POOL / AFP

Atlantico Business

La loi climat, qui vient d’arriver en discussion à l’Assemblée, a ouvert un débat d’une violence et d’une confusion telles qu’elle démontre l’hypocrisie et l’inutilité de la Convention citoyenne qui devait préparer un texte responsable et démocratiquement acceptable.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le projet de loi sur le climat est aussi énorme que confus. Une commission spéciale de députés doit, pendant deux semaines, examiner 79 articles de loi, répartis en six titres et commencer à lister plus de 5000 amendements qui seront, eux, discutés en Assemblée. Inutile de dire que l‘Assemblée nationale ouvre là un de ses chantiers les plus violents du quinquennat, parce que dès l’ouverture des débats, on a compris que le texte, qui devait porter un consensus, ne plait finalement à personne. Pour les uns, il n’est pas assez vert, pour d’autres il l’est beaucoup trop. Chaque député, qu’il soit de droite ou de gauche, veut y laisser sa marque. Et dans tous les domaines de la vie économique et sociale.

Tous les sujets peuvent avoir une composante ou un impact écologique : la rénovation thermique, la restauration des bâtiments et notamment des logements, la publicité trop ou pas assez convaincante,  la fiscalité du gazole trop ou pas assez punitive ou incitative, les entrepôts de e-commerce trop grands… .

Le gouvernement voulait préserver l’équilibre entre les radicaux de l’écologie, ceux qui plaident pour un changement de modèle de production et de consommation et ceux qui, beaucoup plus pragmatiques, souhaitent que l’évolution soit régulée dans le temps afin de ne pas provoquer des ruptures sociales ou financières trop violentes. Le résultat est que personne ne s’avère satisfait alors qu‘au départ, le président de la République espérait un texte rassembleur avec un consensus démocratique qui aurait permis de réformer sans crise.

Mais la loi Climat et résilience avait une autre ambition... Elle devait aussi répondre à une demande démocratique de transparence et de changement dans les processus de fabrication de la loi. D’où l’idée de faire précéder le travail parlementaire et de préparer la loi par le travail d’un comité de citoyens. En bref, 149 Français comme les autres, mais tirés au sort et représentatifs de la population ont débattu pendant plusieurs semaines...

Ce comité de citoyens sensés porte les projets et les convictions de la population a donc travaillé d ’arrache-pied pour accoucher d’idées et de projets. Pour les avocats de cette formule qui avait convaincu le président de la République de le mettre en œuvre, ce comité devait être l’outil nec-plus-ultra de l’expression démocratique.

On s’aperçoit aujourd’hui que ce travail a tourné à la mascarade, pour ne pas dire au fiasco. La plupart des propositions n’ont pas été retenues parce qu’elles étaient inapplicables, utopiques ou irréalisables. Du coup, la majorité des membres du comité en sont ressortis frustrés et certains même furieux. Du coup, chaque parlementaire voulant amortir le choc a tenu à présenter un ou plusieurs amendements pour ne pas paraître étouffer l’expression de leurs électeurs.

Enfin, la discussion parlementaire va se fourvoyer dans un débat sans fin et stérile.

Cette expérience, qui va laisser des traces politiques profondes, devrait cette fois entrainer le procès de ces comités citoyens qui se sont multipliés pendant ce quinquennat et qui ont été pour la plupart contreproductifs pour l’équilibre de la démocratie.

Parce qu‘au-delà de ces comités citoyens ou de ces conventions populaires, la France d’Emmanuel Macron a usé et abusé de comités Théodule et de foires d'empoigne qui sont censées donner la parole aux vrais gens, mais qui en réalité ne débouchent sur rien.

Pour calmer la colère des gilets jaunes, le président de la République a organisé dans les régions des grands débats pour que chacun puisse s’exprimer. La parole s’est un peu libérée. Au final, les responsables politiques ont entendu la grogne et la rogne de la province, mais n’ont guère su répondre à la demande précise et probable des gilets jaunes, sauf de signer un chèque de 50 millions pour noyer le poisson et enfoncer les portes ouvertes.

Dans la foulée, chaque courant politique ( de l’extrême gauche ou droite ) y sont allés de leur revendication d’introduire un peu plus de démocratie directe et populaire dans notre fonctionnement politique.

Pendant la crise pandémique, on a failli tomber dans une République des médecins, mais le comble du ridicule a été atteint par le ministère de la Santé, quand il a cru bon de consulter le peuple pour savoir si « la vaccination était utile ou pas ». Dans la plus pure tradition de la démagogie, on a constaté que la majorité du « peuple » était opposée à la vaccination. Pour le gouvernement, ce résultat tombait comme une aubaine puisque la France n’avait pas de vaccins. Le problème, c’est que quand on a réussi à se procurer les premières doses de vaccins, les candidats à la vaccination se sont présentés en masse, prêts à reprocher au gouvernement de ne pas avoir anticipé cette demande.

Le comité climat a, lui, accouché d’un texte intéressant mais complètement contradictoire. La mesure la plus discréditante préconisée aura été de réclamer « le tout électrique et le zéro carbone » sans mentionner une seule fois que la seule énergie qui permettait de réaliser cette performance assez rapidement était de renforcer le potentiel nucléaire. Domaine dans lequel la France est championne du monde depuis 30 ans.

Tous ces comités citoyens sont évidemment hérités de la période révolutionnaire. Ils ont servi d’instrument de gouvernance et d’administration d’un pays qui basculait dans le chaos mais on oublie trop facilement les crimes et les exécutions arbitraires qu‘ils ont permis et justifiés. Au nom du peuple, les révolutionnaires de 1989 ont pu régner avant d’être eux même emportés par la terreur qu’ils avaient installée.

En fait, l’Histoire nous montre clairement que ces moyens d’expressions de démocratie directe ou ces délégations démocratiques sont très éloignés de facteurs de progrès. Ils ne peuvent pas porter les convictions ou les projets majoritaires. Ils ne sont que l’expression de minorités actives ou d’intérêts corporatistes.

Et quand ils prétendent refléter l’opinion populaire, ces comités de citoyens ne donnent aucun gage de refléter l’opinion du plus grand nombre.. Ils ne donnent aucun gage de qualité technique, aucun gage d’équilibre économique ou financier.

D’où, très souvent, leur caractère irréalisable ou même complètement irréaliste, sauf à imposer des coûts externes à d’autres catégories de population.

La science politique nous apprend - et Machiavel le premier - qu’une décision de pouvoir doit, pour être acceptée par le plus grand nombre, être le produit d’un compromis ou alors d’une offre politique qui est une des conditions de l’accès au pouvoir. Plus précisément, dans les systèmes démocratiques, la promesse électorale participe à l’élection et si la promesse est responsable, elle sera réalisable. Du moins en théorie dans le cadre de l’exercice intelligent du pouvoir.

La multiplication de ces conventions citoyennes et de ces comités populaires traduit trois phénomènes.

Une défaillance de la démocratie représentative avec un affaiblissement des corps intermédiaires et une absence de contrepouvoirs dans tous les domaines.

La présidence d’Emmanuel Macron coche les trois cases.

Son élection est le résultat d’une campagne personnelle parce que les partis traditionnels ont perdu pied progressivement. Les corps intermédiaires ont disparu et le pouvoir central n’a rien fait pour les renforcer. Plus grave, les contrepouvoirs politiques, syndicaux, économiques ou financiers sont assez mal organisés et peu représentatifs. D’où la tentation de radicaliser des positions. Le pouvoir syndical est aux mains de chefs syndicaux qui représentent moins de 20 % des salariés, d’où un modèle social bancal et désargenté.  Le pouvoir des actionnaires financiers est aux mains de fonds très souvent « activistes » parce que minoritaires, d’où la pouvoir des managements, le pouvoir des consommateurs tenu par des ayatollahs d’un mode de consommation qui ne correspond pas aux besoins de masse, d’où le pouvoir de la grande distribution dont le métier est justement de satisfaire cette demande.

Sur le terrain politique, les institutions françaises font que le président n’est élu que par 25% maximum des Français qui l’ont choisi au premier tour ( la majorité du deuxième tour est une majorité par défaut).

Son assise politique est donc très étroite, d‘où son obsession de vérifier en permanence si sa gouvernance et son offre correspondent à la demande. D’où les sondages quotidiens, l’écoute des réseaux sociaux et de la presse et la tendance à se référer à des comités d’experts ou des comités populaires.

La contrepartie, c’est donner le sentiment d’hésiter. 

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