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Libérale, salariée d’une banque et membre de conseils d’administration : Oui, vraiment, Laurence Boone mérite le goulag
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Au bûcher !

En choisissant pour conseillère une économiste de banque ayant critiqué la politique économique du gouvernement", François Hollande s'est attiré les foudres d'une partie de la gauche.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le mercredi 11 juin, L’Elysée faisait connaître le nom de la remplaçante d’Emmanuel Macron au poste de conseillère aux affaires économiques et financières auprès du Président de la République. Ce sera Laurence Boone, qui prendra ses fonctions au cours de prochaines semaines. 

Laurence Boone a plusieurs défauts : elle a critiqué François Hollande, elle est employée par une banque, elle serait « libérale », et elle est membre du conseil d’administration du groupe Kering. Sa démission à ce poste moins de 24 heures après sa nomination a cependant permis d’éviter le pire à ce sujet.

Car Aussitôt l’annonce faite, les réactions se succèdent :

Mediapart :

« L’indécent chassé-croisé entre Bank of America et le pouvoir socialiste »

Mediapart toujours :

« Hollande est plus ferme avec les cheminots qu'avec la finance »

Le Parti communiste :

« Nominations de Jacques Toubon et Laurence Boone : une mauvaise nouvelle pour la France » : « elles constituent une nouvelle provocation pour toutes celles et ceux qui ne veulent pas laisser notre pays glisser vers le pire. »

De son côté, Le Monde indique : « De la City à l'Elysée, le profil de Laurence Boone irrite la gauche » et déclare « Ainsi, les sénateurs communistes redoutent-ils que l'embauche d'"une économiste forgée du plus beau métal libéral (…) ne traduise aucunement une inflexion à gauche de la politique" du gouvernement. Au PS, certains s'émeuvent de ce choix "symbolique" ».

Laurence Boone est bien accueillie. Son premier forfait aura été de critiquer l’action du gouvernement dans une tribune datée du 26 mai dernier intitulée « Arrêtons le massacre ! » :

« L'absence totale de politique économique, qui va conduire la France dans 3 ans à mettre droite et gauche classiques au 3e rang derrière le FN. Les choix de politique économique sont quasiment inexistants. La déclaration de politique générale de Manuel Valls l'annonçait : c'est un programme qui ne vise ni à soutenir la demande à court terme, ni à élever le potentiel de croissance de long terme. (...) Les réductions de dépenses sont un énième coup de rabot synonyme de non-choix : coup de rabot sur les dépenses, gel des points d'indice des fonctionnaires et gel des prestations. Jusqu'à quand ? Jusqu'à ce que salariés de la fonction publique et bénéficiaires des prestations sociales se révoltent et descendent dans la rue ? Et là, on desserrera la corde, comme vient de le faire le gouvernement sous la pression des députés, pour resserrer deux boulons ailleurs. »

Le crime est odieux : critiquer la politique économique de François Hollande. Il n’est pourtant pas très aisé de trouver un économiste, ne serait-ce que pour quelques lignes, soutenant l’action menée par le Président de la République. L’absence de stratégie économique est suffisamment évidente pour que personne ne puisse se hasarder à un tel soutien. Il aurait été autrement plus inquiétant de voir arriver un admirateur sans faille des « pactes » et des  « chocs » de toute nature. Il n’est évidemment pas nécessaire de rappeler que les chevaliers anti-Boone n’ont pas toujours été dociles vis-à-vis de l’action du chef de l’état.

Mais ce n’est pas tout. Laurence Boone est une banquière. Il paraît même qu’elle travaille dans une banque américaine, « Bank of America » (on peut reprocher au nom de mal cacher l’origine). Et banquière c’est mal, c’est très mal. 

Ce qui sépare Valerie Rabault, députée PS et actuelle rapporteur général du budget à l’assemblée nationale, de Laurence Boone, c’est l’origine. Car Valerie Rabault officiait à la Société générale puis à la BNP, mais ces banques la sont différentes, elles sont bien de chez nous. Elles pratiquent une finance « vivre ensemble » guidée par un sens de l’intérêt général insufflé par une direction issue de l’inspection générale des finances. Le top du top en matière de la finance « sympa » proche « des vrais gens ». A l’inverse, Bank of America, c’est méchant. Laurence Boone est l’ennemie du peuple, cela ne fait aucun doute. Un membre du PS qui vient de la finance, c’est de la compétence. Par contre, être « libérale » et sortir d’une banque, cela provoque le dégout.

Car oui, il faut bien l’admettre, Laurence Boone est « forgée du plus beau métal libéral », c’est le Parti communiste qui le dit.  Elle rédige des tribunes pour le journal L’opinion, d’obédience libérale lui aussi. Si le mot suffit à discréditer la nouvelle conseillère de François Hollande auprès de la « vraie » gauche, il n’est pas suffisant pour se faire une idée de sa vision économique.

Libérale type « ordolibéral » à l’Allemande prônant l’austérité et rien d’autre ? Ou libérale type monétariste à l’anglo-saxonne, adepte de la relance monétaire ? C’est ici que le bât blesse un peu. Il n’est pas aisé de se faire une idée précise sur cette question. Car Laurence Boone a pu aussi bien défendre les politiques d’austérité que critiquer la non-action de la BCE durant la crise. Dans sa dernière tribune publiée la veille de sa nomination, l’économiste indique notamment « La BCE ne combat pas la déflation ». « La baisse de l’inflation risque de se poursuivre et les risques de déflation continuent d’augmenter. ». 

La bonne nouvelle est que Laurence Bonne devrait apporter une expertise monétaire qui fait cruellement défaut au Président. Le vide absolu des déclarations relatives à ce sujet au cours des deux dernières années en atteste. Il reste à déterminer la voie que Laurence Boone souhaitera prendre. Reste aussi à savoir si François Hollande est capable d’écouter.

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