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Levées de dette records pour la France : et la seule question qui vaille... n’est pas celle que vous croyez
©CHRIS J RATCLIFFE / AFP

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Jeudi, la France a emprunté à long terme un montant de 10,139 milliards d’euros, avec un taux négatif historique pour la dette à 10 ans. Un double record.

Jézabel Couppey-Soubeyran

Jézabel Couppey-Soubeyran

Jézabel Couppey-Soubeyran est maître de conférences en économie à l'université Paris I, où elle dirige le Master 2 Professionnel "Contrôle des risques bancaires, sécurité financière et conformité". Elle est l'auteure de Blablabanque. Le discours de l'inaction. Ed. Michalon, sept. 2015.

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Atlantico : Une journée exceptionnelle a eu lieu jeudi dans l’histoire des levées de dette française. Deux records ont été battus : la France a emprunté à long terme un montant de 10,139 milliards d’euros, avec un taux négatif historique pour la dette à 10 ans.  Comment l’expliquer ?

Jézabel Couppey-Soubeyran : Ce qui peut surprendre, ce sont les montants d’emprunt, assez importants, qui s’expliquent par le niveau des taux d’intérêt et par le fait qu’aux échéances concernées, les taux sont négatifs. C’est plutôt bien pour les Etats qui bénéficient de taux très bas, de taux négatifs, de saisir l’opportunité d’emprunts qui sont contractés et qui donneront lieu à des remboursements à la somme empruntée.

Cela peut être intéressant de lever ces sommes pour parvenir à racheter certaines dettes plus anciennes contractées à des taux plus élevés. Il faut certes que les porteurs de ces dettes acceptent de les vendre, qu’ils soient vendeurs de ces emprunts plus rémunérateurs sur le marché secondaire. Evidemment ces emprunts peuvent valoir un peu cher sur le marché secondaire. Il y a une vingtaine d’années, les taux étaient sensiblement plus élevés : il n’est pas évident que les porteurs de ces titres veuillent facilement s’en dessaisir. Mais théoriquement cela peut-être l’occasion d’alléger la charge de la dette en rachetant des emprunts contractés à des taux plus élevés.

La charge de la dette s’allège donc du fait des taux négatifs, donc c’est une bonne chose. Cela permet d’envisager plus sereinement des investissements publics dont on a grandement besoin. Il faut néanmoins savoir ce que l’Etat français envisage faire de ces sommes.

Comment évaluer la pertinence de ces emprunts ? Finalement, la seule question qui vaille n'est-elle pas : sont-ils légitimes ?

On est dans une période où les taux sont tels que c’est tout à fait opportun de réaliser des investissements publics. On a besoin de ces investissements publics pour soutenir la croissance à long terme. On a besoin d’investissements publics dans le domaine de la transition énergétique, dans le domaine de l’éducation, dans le domaine de la santé : ce sont des domaines majeurs pour soutenir la croissance de long terme. Il est donc opportun d’impulser des actions budgétaires, de mener une politique budgétaire beaucoup plus active.

Si la politique monétaire de gestion de crise dans la zone euro n’a pas eu tous les effets qu’on attendait, c’est précisément parce qu’elle n’a pas été suffisamment combiné à des politiques budgétaires actives.

On a voulu suivre l’austérité allemande et puis on s’est arc-bouté sur les critères de finance publique qui avaient été définis dans le cadre du traité de Maastricht. Alors que quand on veut définir une politique de relance, on ne peut pas tout faire reposer sur la relance monétaire, surtout en zone euro, où la politique monétaire accommodante est menée pour la moyenne de la zone. Si l’on veut ajuster les cycles conjoncturels de chaque pays, il faut des politiques budgétaires nationales combinées à la politique monétaire. Il n’y a pas eu suffisamment cet effort-là. Il est tout à fait opportun d’engager des actions budgétaires.

Après il faut qu’il y ait suffisamment de coordinations. Il serait bien par exemple que l’Allemagne joue le jeu aussi, que l’Allemagne s’engage davantage dans l’action budgétaire, que l’Allemagne s’engage davantage dans les investissements publics. Il faut que l’Allemagne soutienne sa demande publique et privée. C’est important pour la croissance de la zone euro. Je pense à une croissance de long terme, plus inclusive que celle qu’on a connue avant la crise de 2008 : une croissance qui repose sur des investissements dans domaines majeurs, dans la transition écologique, dans l’éducation, dans la santé.

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