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Les traumatisés du terrorisme par écran interposé ça existe aussi : voilà comment les soigner
©Reuters

Reverbération

Des traumatismes psychiques non soignés peuvent se réveiller plusieurs années après un choc. C'est ce que le psychanalyste Michel Bruno a pu observer après les attentats du 13 novembre, qui ont réactivé chez certains de ses patients non concernés directement par les attaques de vieilles angoisses antérieures et entraîner de réelles névroses post-traumatiques.

Michel Bruno

Michel Bruno

Michel Bruno est un psychanaliste parisien spécialisé dans le stress post-traumatique.

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Atlantico : Les personnes qui n’ont pas été concernées directement pas ces attentats peuvent-elles être touchées par un vrai traumatisme psychologique ?

Michel Bruno : Si ces personnes ont déjà été traumatisées par un choc violent dans les temps qui ont précédé, il n’est pas impossible que les attentats puissent réactiver des angoisses antérieures qui n’ont pas été prises en charge.

Je pense par exemple à une de mes patientes qui avait été agressée il y a plusieurs années à son travail. Au moment des attentats, elle a souffert brusquement d'une agoraphobie importante, ne pouvant plus de sortir de chez elle, immobilisée par une angoisse massive. Les images percutantes transmises à la télévision l’ont renvoyée à son histoire, mais aussi à celle que sa famille avait traversé pendant la guerre d’Algérie. Cela peut remonter à loin.

Mais, je tiens à préciser, d'autre part et dans le sens de cet entretien, que la peur est un phénomène émotionnel tout à fait normal, et même, sain, dans bien des situations de danger réel, avoir peur peut sauver la vie, et d'ailleurs les services de police ou de l'armée se méfient des gens qui disent ne jamais avoir peur, un humain "normal" a peur et la peur permet - quand elle est reconnue et maitrisée, d'aprécier la réalité du danger à sa juste valeur, et d'y faire face si c'est possible, ou de fuir.

Par contre, c'est lorsque la peur devient diffuse, lorsqu'on se met à avoir peur de tout et de rien, d'avoir des montées d'angoisse (la définition de l'angoisse par rapport à la peur, est que l'angoisse est une peur sans objet), c'est là que la situation psychique devient rapidement insupportable et demande à être prise en charge par une psychothérapie.

Comment qualifieriez-vous cet état d’angoisse ? 

On parle souvent de stress post traumatique. Or, le stress est un processus essentiellement physiologique. Il rassemble un ensemble de réaction physico-chimiques du corps qui vous permet de vous adapter à une nouvelle situation. Il existe de bons stress, comme de mauvais. Le mot stress correspond à un événement physique. La peur, l'angoisse provoquent des réactions du corps, physiologiques et chimiques, qui vous mettent en condition de fuir ou de combattre. Normalement, lorsque le danger est passé, il n'y a plus de raisons objectives d'avoir peur. Mais il reste des traces psychologiques, qui peuvent générer une névrose post traumatique, si l'impact de la peur a été trop fort (si la personne s'est vue "mourir", ou a vu mourir quelqu'un de proche à ses côtés). Il reste une "blessure psychique" qui va maintenir actif le "stress physiologique", et créer les conditions d'une névrose post traumatique.

Lorsque cela concerne le psychique, comme c’est le cas dans cette situation, nous parlons davantage de névrose post-traumatique ou de trouble psychique post-traumatique que de stress.

Quels sont les signes qui peuvent traduire un trouble psychique post-traumatique et nous alerter ?

Il y en a beaucoup. Déjà, nous constatons une anxiété généralisée, c’est-à-dire une peur de tout. La peur se traduit alors par des manifestations physiques, despalpitations, des sueurs, des troubles digestifs. Cela peut se manifester également par des insomnies ou des cauchemars. Parfois, ces troubles peuvent aller jusqu’à des excès qui se transforment en phobie. La phobie est une peur complètement irraisonnée d'un objet, d'une situation ou d'un animal (serpent, araignée, avion, métro etc...).

J’ai suivi également une personne à la suite des attentats qui habitait dans le 11ème arrondissement, et, chaque fois qu’elle sortait de chez elle, elle craignait de voir une voiture arriver avec des crissements de pneu dans laquelle se trouveraient des hommes armés. Cette scène l’obsédait dès qu’elle était dans la rue. Cela lui était devenu quasiment impossible de sortir de chez elle.

Comment peut-on aider les personnes qui souffrent de troubles psychiques post-traumatique ?

La première des choses est d’en parler à quelqu’un spécialisé dans ces problématiques. Toutes les anxiétés que nous vivons peuvent se télescoper à des peurs vécues dans notre passé et qui souvent restent sans prise en charge. Elles sont comparables à des poupées russes. La plus petite poupée qu’on ne voit pas est au fond de nous : c’est nous bébé. Au fur et à mesure des âges, les autres viennent s’ajouter. Dans notre mémoire, il y a des traces de ces frayeurs enfantines qui subsistent. Nous le voyons souvent dans les cauchemars par exemple. Ajoutées aux attentats, cela fait baigner l’ensemble de ces frayeurs dans un état d’anxiété général qui souvent est incompris tant qu’il n’est pas creusé. Il faut donc détricoter cet ensemble, faire la part des choses et retrouver une stabilité émotionnelle en parlant avec un spécialiste. Parfois, cela va très vite : en une dizaine de séances, l’angoisse peut s’évaporer définitivement. Si l’angoisse est vraiment très forte, les psychiatres peuvent aider et prescrire des anxiolytiques mais à minima, pour aider ponctuellement à supporter les crises d’angoisses, car la psychothérapie est indispensable. Le médicament seul ne résoud rien.

En parler à ses amis ou sa famille n’est pas suffisant. Ces derniers voudront aller de l’avant et vous conseilleront simplement de ne plus y penser. Or l’inconscient n’oublie jamais rien. Il faut en parler à une personne qui comprend ce qu’il se passe du côté de l’inconscient et qui peut aider à détricoter les souvenirs de façon à ce qu’il n’en reste qu’une "photo en noir et blanc", sans émanation d’angoisse. D’ailleurs, les personnes qui consultent des spécialistes ne parlent que très peu de leur anxiété à leurs amis.

Par ailleurs, il faut continuer à vivre le plus normalement possible et à travailler. C 'est très important de ne pas s'isoler et de ne pas se désocialiser.

Concernant les médias, nous pensons souvent qu’en en sachant un maximum sur les attentats, en suivant toutes les dernières actualités, cela va calmer notre angoisse. Or, c’est un piège. Cela va souvent réactiver encore plus les angoisses si nous ne faisons rien à côté, et si nous ne nous sommes pas faits prendre en charge par un psychologue en parallèle. Il faut donc éviter le sujet au maximum.

Les arts martiaux (karaté, boxe, Ai ki do, Taïshi…) permettent aussi de prendre en compte l’angoisse et de la canaliser sur un très long terme. Faire du sport de manière générale est aussi un excellent moyen de diminuer le stress. Le stress est un processus chimique qui provoque des toxines dans le corps. Ces dernières vont être évacuées par la transpiration ou brûlées par l’activité musculaire.

En outre, il faut également éviter l’alcool puisque sa consommation masque l’angoisse sans la soigner, tout comme les drogues.

Quels spécialistes doit-on consulter ?

Il faut chercher un thérapeute ( psychologue) au fait même de cette problématique de stress. Normalement, un psychologue clinicien ou psychanalyste est formé à l’université à cette problématique. Certains comportementalistes assurent aussi être capables d'effectuer ces prises en charge. Une personne en recherche d’un thérapeute spécialisé doit tout simplement lui poser la question directement en lui exposant ses problèmes.

Les médecins généralistes sont moins recommandés, car ils ont moins le temps d’écouter. Ils vont souvent vous donner, faute de temps, des anxiolytiques et des anti-dépresseurs, qui sont des chimies qu'ils ne maitrisent pas vraiment. En plus, ce type de médicaments ne sont que des pansements, ils ne réparent pas.

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