Les psychopathes ne baillent pas : ces signes qui trahissent le manque d’empathie<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Insolite
Les psychopathes n'ont aucune empathie.
Les psychopathes n'ont aucune empathie.
©Reuters

Diagnostic social

Les mammifères baillent par empathie, reproduisant ainsi des comportements sociaux présents chez chaque espèce du genre. Néanmoins, certains individus ne reproduisent pas ces comportements, trahissant ainsi un trouble de l'empathie. D'après une étude menée par l'université de Baylor au Texas, cela pourrait même indiquer qu'un individu est psychopathe.

Philippe Vernier

Philippe Vernier

Philippe Vernier est Directeur de Recherche au Centre national de la recherche scientifique, et est le directeur de l’Institut des Neurosciences Paris-Saclay (CNRS Université Paris Sud).
Voir la bio »

Atlantico : Une étude menée par les chercheurs de l’université de Baylor au Texas fait état d’un constat surprenant : ne pas bailler en réaction à un bâillement traduit un trouble de l’empathie et donc, potentiellement, le fait d'être psychopathe. Quels sont les autres signes qui trahissent ce genre de trouble ?

Philippe Vernier : Ces chercheurs ont montré que dans une population « normale » certaines personnes pouvaient présenter des traits de personnalité qui sont souvent associés à des pathologies sociales, comme le fait d’être égoïste, manipulateur, dominateur ou impulsif, et avant tout le fait de manque d’empathie pour les autres. L’étude, qui a porté sur 135 étudiants de l’Université du Texas, femme et hommes, a montré que les personnes qui manquent d’empathie étaient nettement moins sujettes que les autres à la contagion du bâillement. Le fait que le bâillement soit communicatif dépend effectivement de la capacité que nous avons d’interpréter ce que les autres ressentent en fonction de ce qu’ils en montrent. L’empathie est cette capacité de ressentir ce que les personnes avec qui nous sommes en relation sont en train d’éprouver, en général des émotions comme la joie, la peur, la douleur, etc.

L’étude indique donc la possibilité accrue de croiser un psychopathe si celui ne baille pas en retour. Fondamentalement à quoi sont dus ces troubles ? Faut-il blâmer la génétique ou une certaine forme d’adaptation ?

Comme toujours dans ce genre d’étude, les résultats sont donnés de façon relative et avec une certaine validité statistique, du moins quand l’étude est bien faite. Mais il faut insister sur le fait que ces résultats sont relatifs, et sur le fait que ne pas bailler en réponse au bâillement d’autrui ne fait pas de vous obligatoirement une personnalité psychopathologique, loin de là. Il est même très fréquent que quelqu’un possède certains traits potentiellement pathologiques comme le fait d’être agressif ou égoïste sans que cela fasse de lui un psychopathe au sens où l’entend en français, c’est à dire un individu dangereux, un délinquant en puissance. L’empathie, comme tout caractère de notre comportement, dépend bien sûr de la façon dont nos gènes contribuent à construire notre cerveau et à le faire fonctionner. Mais l’apprentissage, l’éducation, l’expérience, contribuent très largement aussi à cette capacité d’empathie. Certaines personnes sont probablement plus enclines que d’autres à l’empathie, mais elles le doivent à l’interaction d’un certain patrimoine génétique avec les expériences vécues dans l’environnement qui est le nôtre.

Concrètement, comment l’empathie se traduit-elle d’un point de vue neurologique ? Quels sont les mécanismes qui s’actionnent dans le cerveau quand un individu éprouve de l’empathie pour un autre ?

Depuis une dizaine d’années les neurobiologistes et les psychologues étudient en détail les mécanismes cérébraux de l’empathie. Comme souvent, c’est un phénomène complexe et plusieurs processus non exclusifs peuvent conduire à ressentir de l’empathie. Il peut s’agir de voir, d’entendre, ce qu’un autre ressent, et cette perception de ce que l’autre vit va déclencher dans notre cerveau un processus similaire. Mais on peut aussi ressentir les émotions d’un autre à partie de la lecture d’un récit, d’une pensée, même en l’absence de la personne pour qui l’on ressent de l’empathie. Pour faire simple, il semble que le fait de ressentir par notre activité cérébrale ce que vit un autre que nous même dépende de la mise en jeu de mécanismes très proches de ceux qui sont à l’œuvre quand l’on vit soi-même cette expérience. Il s’agit donc d’une sorte de copie cérébrale de l’émotion ressentie par un autre.

Comme vous l'avez souligné, tous les gens souffrant de troubles de l’empathie ne sont pas pour autant des psychopathes. Quels sont les risques et, de façon plus mesurée, les inconvénients à souffrir de tels troubles ?

Le fait d’avoir peu d’empathie pour certaines émotions des autres peu constituer un handicap dans les interactions que nous avons en permanence avec nos proches, nos voisins, nos collègues de travail. C’est un trouble qui tend à isoler des autres, à rendre indifférent aux difficultés, problèmes et souffrances que peuvent ressentir nos contemporains. C’est bien sûr un trait qui prédispose  à une certaine forme de violence faite à autrui, à l’asocialité  et à la délinquance qui l’accompagne. Mais c’est aussi un trait de caractère qui est valorisé dans des situations de crise où il faut prendre des décisions qui nuiront à certaines personnes mais qui permettront d’obtenir un résultat considéré comme globalement positif. C’est par exemple le cas quand il s’agit de licencier du personnel pour sauver une entreprise, ou dans des situations de catastrophes naturelles ou de guerre. L’empathie et la morale sociale ne font pas toujours bon ménage non plus. La capacité d’empathie, c’est à dire de bien comprendre ce qu’un autre ressent peut aussi être utilisé pour nuire cette autre personne. Les querelles de famille ou de couple en sont une bonne démonstration.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !