Les prix de l’huile d’olive continuent de s’envoler et voici pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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Une raréfaction sans précédent du produit est constatée, contribuant à une envolée du prix de vente, surtout en France où l’huile est massivement importée.
Une raréfaction sans précédent du produit est constatée, contribuant à une envolée du prix de vente, surtout en France où l’huile est massivement importée.
©DENIS CHARLET / AFP

Hausse multifactorielle

Plusieurs facteurs ont contribué à une hausse des prix de l'huile d'olive, augmentation qui est l'une des plus importantes concernant les produits alimentaires.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : L’Espagne, premier producteur d'huile d’olive au monde, est confrontée à une sécheresse exceptionnelle qui a eu un effet catastrophique sur les arbres. Les prix sont passés de 3,60 à 6,48 euros le kilo en un an selon Ycharts, une augmentation de près de 80%. Comment expliquer ce phénomène, ce « choc pétrolier » sur l’huile d’olive ? Pourquoi les prix de l’huile en Espagne flambent et les stocks s’amenuisent ? Est-ce un problème lié à des hausses de la part des marques ou des grandes enseignes de la distribution ou l’explication concerne-t-elle les matières premières ou le réchauffement climatique ?

Michel Ruimy : L’Espagne est le premier producteur d’huile d’olive de l’Union européenne (65%), largement devant l’Italie (14%) et la Grèce (10%). Outre les aléas climatiques, le prix de ce produit agricole est impacté par divers facteurs, notamment par l’explosion des coûts de production.

Tout d’abord, la production de la dernière campagne a chuté en raison des chaleurs caniculaires qui ont frappé les oliveraies pendant la période de floraison. Des températures dépassant 35°C, ont été observées en particulier en Andalousie et en Catalogne, deux des régions les plus oléicoles d’Espagne. De plus, les faibles pluies n’ont pas suffi à remplir les nappes phréatiques. Ces conditions climatiques ont, en conséquence, affecté les rendements.

Ensuite, le secteur de l’huile d’olive a subi d’importants changements ces dernières années, avec une augmentation significative des coûts de production dans de nombreux pays. Comme pour d’autres secteurs économiques, les hausses de coûts sont principalement liées à l’énergie et au transport ainsi qu’au coût des matières premières et des bouteilles. De surcroît, le tarif de la main-d’œuvre est un facteur important dans la production d’huile d’olive. Les augmentations du salaire minimum et la rareté de la main-d’œuvre qualifiée ont entraîné un accroissement des coûts pour les producteurs et les mouliniers.

Tous ces facteurs ont contribué à une hausse des prix de l’huile d’olive. Mais, si la hausse des prix de l’huile d’olive est multifactorielle, l’une des raisons peut être aussi liée à la spéculation de certains acteurs. En effet, certains produits de la récolte 2021-2022 ont connu une hausse considérable en grande distribution, alors que les coûts de production de ces huiles n’ont pas été impactés par des hausses récentes de l’énergie, des matières premières ou par une mauvaise récolte.

Cela suggère que l’augmentation du prix de l’huile d'olive ne résulte pas toujours de raisons objectives, mais peut être due à des augmentations opportunistes de certains acteurs.

Quelles sont les conséquences d’une telle hausse sur l’inflation et sur le pouvoir d’achat des Espagnols ? Sont-ils contraints de changer leurs habitudes de consommation ? La hausse des bouteilles d’huile a-t-elle été très importante ?

Les huiles font partie des produits alimentaires qui ont le plus augmenté ces dernières années. Pour les Espagnols, il s’agit d’une véritable crise dans la mesure où l’huile d’olive est autant une culture qu’un aliment, un mode de vie autour de coutumes partagées sur les rives de la mer Méditerranée.

La marque la plus populaire en Espagne se vend aujourd’hui aux alentours de la barrière psychologique des 10 EUR, soit plus du double du niveau auquel elle était vendue il y a un an et environ 3 fois plus que ce que beaucoup considèrent comme le tarif normal. La consommation annuelle moyenne étant d’environ 8 litres, la somme dépensée pour un ménage de 4 personnes se monte, aux prix actuels, à plus de 300 EUR par an ! Pour de nombreuses familles, le prix de cet emblème de la cuisine méditerranéenne en est venu à symboliser la lutte contre l’inflation d’autant que les perspectives d’approvisionnement sont critiques. La prochaine récolte commencera fin septembre et s’achève, en général, au début du mois de février : une pénurie d’huile d’ici le début de cette récolte est donc envisageable. Certains se sont déjà précipités dans les grandes surfaces alimentaires afin de constituer des réserves

Une tonne métrique coûte désormais plus de 10 fois une tonne métrique de pétrole brut. En 2019, avant la pandémie, ce ratio était inférieur à 5 fois. Récemment, le prix de gros de référence de l'huile d'olive extra vierge a atteint un niveau record de 8 500 USD la tonne métrique en Espagne, soit environ 125% de plus que la moyenne 2000-2020. Assiste-t-on à une guerre des huiles en Espagne ? Les Espagnols peuvent-ils se rabattre sur des huiles moins chères venues d’autres pays européens ou les produits venant de l’UE sont-ils encore plus chers que les huiles espagnoles ? La situation peut-elle s’améliorer dans les mois à venir ? Va-t-il y avoir un rationnement de la demande ?

L’huile d’olive est une denrée alimentaire qui se raréfie et de plus en plus demandée à l’échelle mondiale, notamment en Asie, où la consommation est en hausse constante (Elle est devenue un aliment de base dans de nombreuses cuisines en raison de son goût unique et de ses propriétés bénéfiques pour la santé). Mais les pays producteurs d’huile d’olive (Espagne, Italie, Grèce…) ont du mal à répondre à cette demande croissante, ce qui favorise une augmentation des prix.

De plus, les chiffres provisoires relatifs à la récolte 2022-2023 sont catastrophiques : la production s’est effondrée, plus fortement en Espagne qu’en Italie. Seule la Grèce a enregistré une hausse mais insuffisante pour compenser les pertes subies par les autres principaux pays producteurs. Une situation inédite. De fait, les stocks européens pour l’année en cours devraient être quasiment réduits de moitié, ce qui, pour le consommateur final, risque d’accroître la facture.

Enfin, dans un marché déjà étroit avec des produits substituables les uns aux autres, la variation du prix d’une huile peut affecter toutes les autres.

Le rationnement de la demande risque donc d’être inévitable.

Avec le réchauffement climatique, la France pourrait-elle connaître une situation similaire à l’Espagne ?

En termes de prix, selon les données les plus récentes d’Eurostat, le niveau des stocks européens d’huile d’olive devraient diminuer, cette année, de plus de 40% par rapport à ceux de l’an passé en raison de la récolte désastreuse. D’où une raréfaction sans précédent du produit et une envolée du prix de vente, surtout en France où l’huile est massivement importée.

En termes de volume production, l’olivier a beau être traditionnellement inféodé aux terres sèches, la situation actuelle est dramatique. Nous sommes en présence d’un déficit pluviométrique hors norme. Le manque d’eau dans le Gard, dans le Var ou encore dans les Pyrénées Orientales est si important que l’enjeu n’est plus de minimiser les pertes, mais bien de sauver les arbres. Les récoltes pourraient donc s’amenuiser d’années en années, si le déficit hydrique perdure. Le changement climatique provoque une « septentrionalisation » des climats. D’ici la fin du siècle, Nîmes aura le climat le Cordoue ! C’est pourquoi de nouveaux territoires pourraient devenir des terres oléicoles, notamment le Sud-Ouest et l’amont de la vallée du Rhône.

Face à la hausse progressive des températures et à la raréfaction conjointe des précipitations, les pratiques agricoles sont contraintes de s’adapter. Une solution pourrait être de planter des variétés d’oliviers plus résistantes comme en Tunisie. Mais ceci empêcherait de bénéficier des Appellations d’Origine Protégée française, qui valorisent la qualité à la quantité. Une autre serait de développer la technique des greffes, comme le font les Italiens, afin de renforcer les variétés existantes en France, sans pour autant devoir les replanter.

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