Part de) mondialisation heureuse
Les inégalités mondiales en matière de bien-être ont diminué dans de nombreux domaines. Merci qui…?
Le monde a connu des progrès humains spectaculaires sur un large éventail d'indicateurs au cours des dernières décennies. L'Indice d'inégalité du progrès humain (IHPI) montre que ces avancées ont été partagées par la plupart des pays et que le monde est moins inégal aujourd'hui que dans les années 1990.
Vincent Geloso
Vincent Geloso est professeur adjoint d’économie à George Mason University. Auparavant, il était chercheur postdoctoral à la Texas Tech University. Vincent Geloso est titulaire d’un doctorat en histoire économique de la London School of Economics and Political Science et d’une maîtrise en histoire économique du même établissement. Ses articles scientifiques ont été publiés dans Economic Inquiry, Public Choice, Health Policy & Planning, la Revue canadienne d’économie (CJE), Economics & Human Biology, Southern Economic Journal, Research Policy, European Journal of Law & Economics, International Review of Law & Economics et The Journal of Economic History. Il est également l’auteur du livre Du Grand Rattrapage au Déclin Tranquille, sur l’histoire économique du Québec depuis 1900, publié en 2013.
Atlantico : Vous avez créé un indice d'inégalité du progrès humain. Quels sont les paramètres que vous utilisez pour mesurer l'évolution des inégalités et du bien-être ? Au regard de quels paramètres la situation s'est-elle améliorée ?
Vincent Geloso : Depuis plus de trente ans, il y a un discours catastrophiste qui s'est dessiné en réponse à la mondialisation. Celui-ci cherche à avancer l'idée que les bienfaits des progrès observés depuis la fin du bloc soviétique ont été largement vers les pays plus riches. En somme, le monde serait plus inégalitaire. Normalement, les économistes répondent en utilisant les données sur le produit intérieur brut. Cependant, nous avons voulu créer un indice plus large qui englobe l'espérance de vie, la mortalité infantile, la vulnérabilité à l'environnement (via les décès liés à la pollution atmosphérique), l'accès à l'information, la nutrition, les libertés politiques, le niveau d'éducation et, bien sûr, le revenu. Tous ces indicateurs démontrent des progrès pour tous et la vaste majorité d'entre eux montrent des progrès plus importants dans les sociétés les plus pauvres. Ainsi, le monde est moins inégalitaire aujourd'hui qu'en 1990.
Comment expliquer cette amélioration de la situation mondiale ? Quels sont les principaux facteurs ?
Plusieurs facteurs contribuent à cette grande égalisation. On peut en nommer plusieurs sans se commettre à quantifier lequel domine : a) la mondialisation ; b) la libre circulation des capitaux ; c) la plus grande liberté de circulation des individus ; d) la démocratisation grandissante (malgré les reculs de la dernière décennie) ; e) le déclin des conflits inter- et intra-nationaux ; f) des nouvelles technologies largement développées dans des économies libres et adoptées ensuite ailleurs.
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Y-a-t-il des domaines dans lesquels la situation ne s'améliore pas ?
Non ! Tous les indicateurs démontrent des progrès pour tous ! Six des huit indicateurs que nous avons utilisés montrent davantage de progrès chez les plus pauvres (i.e., le monde s'est égalisé). Les deux seuls indicateurs dans lesquels les améliorations ont été plus rapides pour une minorité sont ceux de la mortalité infantile et ceux des décès liés à la qualité de l'air.
L'Occident suit-il la même tendance que le monde ?
Généralement, l'Occident - étant déjà très riche et développé - s'améliore moins vite que le reste du monde. Ceci dit, cela ne constitue pas une accusation contre celui-ci puisqu'il s'agit tout simplement d'un processus du rattrapage de la part du reste du monde.
Votre index montre clairement que le monde est mieux loti que ne le pensent de nombreuses personnes et qu'il est aussi beaucoup plus égalitaire Pourtant, l'utilisation du mot "inégalité" dans les sources imprimées a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années. Pourquoi ? Et pourquoi, dans ce cas, avons-nous tendance à croire que l'inégalité augmente ?
Certains -- notamment Thomas Piketty -- aiment souligner que les inégalités à l'intérieur des pays occidentaux augmentent. Cependant, cette augmentation se produit largement sur le plan des inégalités de revenu et de richesse. Les inégalités de santé et d'éducation sont à des fractions des niveaux observés vers 1850 ou 1900. En sus, l'augmentation des inégalités économiques est largement surestimée. Depuis dix à vingt ans maintenant, plusieurs chercheurs ont montré que les catastrophistes des inégalités se trompent. En effet, celles-ci semblent s'être stabilisées depuis les années 1990 et elles sont généralement plus basses lorsqu'on tient compte de la redistribution effectuée par les États occidentaux. Donc, d'une modeste augmentation qui se limite aux années 1970-1990, plusieurs aiment nous tisser une catastrophe socio-économique qui aurait des échos dans les inégalités entre pays alors que ce n'est tout simplement pas le cas. En somme, il s'agit de "sloppy thinking" (pour emprunter un anglicisme).
Si le discours global sur l'inégalité n'est pas cohérent avec les données en la matière, quels sont les risques ? Comment pouvons-nous nous attaquer à ce problème ?
Malheureusement, je ne connais pas d'autres solutions que celles qui consistent à expliquer les faits. Pour ce faire, il faut trouver des manières de les simplifier et de les expliquer clairement et calmement. Dans le long-terme, les têtes froides gagnent toujours si elles font preuve de pédagogie.
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