Les hommes qui gagnent moins que leur femme participent moins aux tâches ménagères… Et autres obstacles sur le chemin du paradis artificiel de l’effacement des rôles traditionnels<!-- --> | Atlantico.fr
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L'évolution des rôles au sein du foyer n’est pas générationnelle : elle a été apportée par les classes moyennes quand les milieux plus populaires et bourgeois étaient fixés sur un modèle traditionnel.
L'évolution des rôles au sein du foyer n’est pas générationnelle : elle a été apportée par les classes moyennes quand les milieux plus populaires et bourgeois étaient fixés sur un modèle traditionnel.
©Luc Roux

Gagner plus pour faire le ménage plus

D'après une étude, les hommes dont les salaires sont inférieurs à ceux de leurs femmes refusent de faire le ménage. Un constat qui montre qu'en dépit de certaines avancées, les rôles au sein du couple n'ont pas autant évolué que ce que nous imaginions.

Gérard  Neyrand

Gérard Neyrand

Gérard Neyrand est sociologue, est professeur à l’université de Toulouse), directeur du Centre interdisciplinaire méditerranéen d’études et recherches en sciences sociales (CIMERSS, laboratoire associatif) à Bouc-Bel-Air. 

Il a publié de nombreux ouvrages dont Corps sexué de l’enfant et normes sociales. La normativité corporelle en société néolibérale  (avec  Sahra Mekboul, érès, 2014) et, Père, mère, des fonctions incertaines. Les parents changent, les normes restent ?  (avec Michel Tort et Marie-Dominique Wilpert, érès, 2013).
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Pascal Anger

Pascal Anger

Pascal Anger est psychologue, psychanalyste, psychothérapeute, sexothérapeute, systémicien et médiateur familial.

Il est également chargé de cours à Paris VII. 

Il est l'auteur de Le couple et l'autre, livre publié aux éditions l'Harmattan.

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Atlantico : D’après une étude de chercheurs des universités Montclair et Fairleigh Dickinson, les hommes sont moins disposée à gérer les tâches domestiques lorsque leurs femmes gagnent plus d’argent qu’eux. Néanmoins, dans quelle mesure assiste-t-on à une inversion des rôles traditionnels au sein des foyers ? Existe-t-il, dans le domaine du partage des tâches domestiques, des écarts générationnels ?

Gérard Neyrand : Traditionnellement, les femmes s’occupaient de tout ce qui concerne l’intérieur, c’est-à-dire les enfants, le foyer, les tâches domestiques. L’homme quant à lui se chargeait du travail afin de faire vivre la famille. Il était le lien entre la famille et l’espace public quand la mère se réservait à l’espace privé. Avant, lorsque la femme travaillait, il s’agissait d'un salaire d’appoint. En 1960 le taux d’activité des femmes était de 40% et celui des hommes de 86%, aujourd’hui les deux chiffres se rejoignent et sont équivalent. L'émancipation des femmes et leur désir de travailler, l’accès à la contraception, aux études supérieures permis par les révolutions de mai 68 ont fait évoluer les rôles.

L'évolution des rôles au sein du foyer n’est pas générationnelle : elle a été apportée par les classes moyennes quand les milieux plus populaires et bourgeois étaient fixés sur un modèle traditionnel. Ces changements dépendent plus des classes sociales que des générations. Aujourd’hui la relation que nous avons avec nos enfants est revalorisée, ce qui encourage les deux parents à plus s’occuper de leurs enfants. Les rôles du père, qui représente l’autorité et de la mère, qui représente l’affection n’ont quant à eux pas particulièrement changé. Néanmoins, chaque couple a ses références et un changement au sein du foyer peut modifier la façon de voir les rôles, les recompositions sont désormais un fait commun.

Pascal Anger : Il me semble que l’évolution des tâches ménagères du côté des hommes est beaucoup moins importante que ce que nous pouvons imaginer. Malgré les différentes évolutions, les femmes font toujours beaucoup de tâches domestiques et s’occupent plus des enfants que les hommes. Les rôles au sein du foyer ont tendance à évoluer mais pas de manière aussi radicale que nous l’imaginons. Nous restons relativement dans les mêmes fonctions. Même si la société évolue malgré tout au niveau éducatif nous avons toujours les mêmes modèles. Ceux qui veulent faire évoluer les modèles sont souvent catalogués comme étant trop féminins.  

Qui sont ces femmes qui préfèrent les rôles traditionnels ? Qu’est-ce que cela révèle de la société ? A partir de quand pouvons nous observer ce phénomène ?

Pascal Anger : On constate un retour aux traditions, à une certaine volonté de ne pas être dans une course après l’argent et tout ce qui représente une forme de pouvoir. Il existe, chez certaines femmes, un désir de sagesse et de rester au foyer. A partir du moment où ce n’est pas une contrainte mais un choix personnel c’est positif. Ce phénomène est assez négativement perçu dans notre société : le fait qu'une femme souhaite rester au foyer serait archaïque ou représentatif des valeurs du Front national. Les femmes qui font ce choix sont jugées par leurs proches et par leurs collègues. Pourtant, le plaisir et la reconnaissance de la femme peuvent être autres que ceux acceptés par la société. Une mère au foyer c’est aussi beaucoup de travail. Certaines personnes revisitent leur choix vers la trentaine-quarantaine ou après des moments clés de la vie. Parfois les femmes osent faire ce choix qu’elles n'avaient jamais pleinement assumé et prennent la décision de changer de vie. Par ailleurs, les femmes ne sont pas obligées d’être mère au foyer à vie. Bien sûr après il est difficile de retrouver du travail. Parfois les femmes font ce choix pour des raisons économique et découvrent un nouveau sens à leur vie qu’elles n’imaginaient pas.

Comment expliquer que les hommes dont les femmes gagnent plus d'argent qu'eux soient moins enclins à s'occuper des tâches domestiques ?

Pascal Anger : Les tâches ménagères sont dans ce cas dévalorisées par les hommes et les femmes et aucun des deux ne veut y participer. Ils veulent du temps pour s’occuper de leur loisir, rester ensemble, avoir des activités valorisantes. Lorsques les femmes travaillent plus ou au moins gagnent plus, les hommes font moins et laissent un personnel faire les tâches pour eux. Il ne faut pas oublier que peu importe notre classe sociale, les tâches ménagères sont dévalorisantes et personnes ne veut réellement s’y atteler. Lorsqu'un couple à les moyens, ils embauchent une personne pour s’en occuper à leur place.

De toutes les tâches domestiques, la plus acceptée par les hommes est la cuisine. Pourquoi selon-vous les hommes acceptent-ils davantage de s'occuper de la cuisine que du repassage ? De façon générale peut-on considérer que les hommes préfèrent s'occuper des tâches les moins ingrates et les plus valorisables socialement ?

Pascal Anger : La cuisine est un moment de convivialité, de partage familial, c’est presque romantique, c’est une forme de créativité. L’homme peut chercher à faire plaisir ou à se faire plaisir via la cuisine. Par ailleurs, en société c’est assez bien perçu d'être un homme doué en cuisine, plus qu’un homme qui passe l’aspirateur. Pour certains, faire les carreaux ou la vaisselle n’est pas gênant. Chacun a des prédispositions et il est important que le couple communique pour éviter les frustrations. Bien sûr et heureusement des femmes veulent rester à la maison et s’occuper de leurs enfants et de leur foyer. L’important est que cela reste un choix et pas une contrainte. Si c’est une décision assumée avec laquelle la personne est heureuse alors c’est très bien.

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