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Les hommes politiques sont-ils utiles ?

L'éveil de l'Europe puissance

Prochaine élection ou prochaine génération ? La question du rapport Blanchard-Tirole aux candidats à la présidentielle de 2022

L'analyse d'un économiste

L'éveil de l'Europe puissance jean-paul betbeze

La France est une maison de rapports, un par semaine au moins, mais celui-ci para&icirc;t plus que les autres promis &agrave; l&rsquo;oubli, du fait de son extr&ecirc;me qualit&eacute;. Comment&nbsp;: oser ne pas parler des &eacute;lections &agrave; venir, mais plut&ocirc;t de ce qui les d&eacute;passe&nbsp;et les d&eacute;termine ! Comment oser nous poser ainsi des questions qui nous forcent &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir, pour choisir&nbsp;&agrave; moyen et long terme ! Ce rapport de 507 pages, remis le 23 juin au Pr&eacute;sident Macron sur &laquo;&nbsp;Les grands d&eacute;fis &eacute;conomiques&nbsp;&raquo; par un groupe d&rsquo;&eacute;conomistes internationaux (dont un tiers de Fran&ccedil;ais), sous la pr&eacute;sidence d&rsquo;Olivier Blanchard (ancien chef &eacute;conomiste du FMI &ndash; notamment) et de Jean Tirole, Nobel d&rsquo;&eacute;conomie est en effet une vraie provocation (polie).
Quelle audace que de s&rsquo;attaquer &agrave; ces &laquo;&nbsp;trois d&eacute;fis structurels &agrave; long terme : le changement climatique, les in&eacute;galit&eacute;s &eacute;conomiques et le d&eacute;fi d&eacute;mographique&nbsp;&raquo;&nbsp;! Ils vont, certes, peser sur plusieurs quinquennats si on commence &agrave; les relever, et plus si on les repousse&nbsp;: est-ce une raison pour soulever ces questions&nbsp;? Pire, ce rapport entend aborder ces trois sujets cruciaux sans leur donner de solution simple. En g&eacute;n&eacute;ral, on entend que &laquo;&nbsp;les riches doivent payer&nbsp;&raquo; ou mieux&nbsp;: que &laquo;&nbsp;c&rsquo;est la responsabilit&eacute; des entreprises&nbsp;&raquo;, pas ici. Pire encore, ce rapport ne r&eacute;unit que des &eacute;conomistes de taille mondiale. Il choisit une seule discipline, sachant &eacute;videmment qu&rsquo;il y a d&rsquo;autres approches. L&rsquo;id&eacute;e est de ne pas noyer les analyses pour noyer les d&eacute;cisions, comme nous le faisons toujours en France, dans le social, le psychologique ou encore le politiquement admissible. Bien s&ucirc;r, tout est complexe, de plus en plus m&ecirc;me, pour peser les pour et les contre avant de choisir une strat&eacute;gie, mais il faut le faire. Avec le prix &agrave; payer, &agrave; &eacute;tablir, &agrave; afficher, &agrave; r&eacute;partir.
Les &laquo;&nbsp;gilets jaunes&nbsp;&raquo; sont partout dans ce texte, hantise des politiques qui veulent les &eacute;viter, souci des &eacute;conomistes qui ne peuvent que les affronter, s&rsquo;ils veulent avancer des r&eacute;formes&hellip; ce qu&rsquo;ils font. En effet, il n&rsquo;y a pas de miracle en &eacute;conomie&nbsp;: tout changement fait, &agrave; court terme au moins, des gagnants et des perdants. Vouloir &laquo;&nbsp;tout compenser&nbsp;&raquo; implique qu&rsquo;il n&rsquo;y aura aucun int&eacute;r&ecirc;t &agrave; changer, au contraire. Aux co&ucirc;ts des compensations pour tous, s&rsquo;ajoutent ceux des changements qui ne serviront pas&nbsp;! Si l&rsquo;on peut comprendre la r&eacute;volte des &laquo;&nbsp;gilets jaunes&nbsp;&raquo; face &agrave; la hausse du prix de l&rsquo;essence qui suit la limitation de vitesse et la fermeture de l&rsquo;agence bancaire du village, pour qu&rsquo;il se rapproche de son lieu de travail, ou bien qu&rsquo;il paye le surco&ucirc;t li&eacute; &agrave; la pollution des moteurs &agrave; combustion, on comprend aussi que compenser la hausse conduit &agrave; ne faire changer aucun comportement. &nbsp;&laquo;&nbsp;Subventionner&nbsp;&raquo; un changement de v&eacute;hicule, autre piste, combine surco&ucirc;t pour l&rsquo;acheteur, d&eacute;ficit budg&eacute;taire, dette et d&eacute;ficit ext&eacute;rieur accrus&nbsp;! &laquo;&nbsp;Gagner au changement pour tous&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est toujours &agrave; long terme en fonction des bons choix et des bons nouveaux comportements.
V&eacute;rit&eacute; 1&nbsp;du rapport : subventionner l&rsquo;un, c&rsquo;est au moins taxer quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre, ici ou ailleurs. Il n&rsquo;y a pas de solution miracle, sans effet pervers. &nbsp;&laquo;&nbsp;Utiliser de l&rsquo;argent public pour financer de la R &amp; D en faveur du captage et de la s&eacute;questration du carbone, c&rsquo;est subventionner l&rsquo;Arabie saoudite et la Russie&nbsp;&raquo; lit-on&nbsp;dans ce texte : quel scandale que parler aussi &laquo;&nbsp;vertement&nbsp;&raquo;&nbsp;! &nbsp;Et ce n&rsquo;est pas fini&nbsp;! Car subventionner l&rsquo;&eacute;olienne, c&rsquo;est de la pollution visuelle, sonore ou maritime. Et pourquoi donc subventionner le panneau solaire sur le toit d&rsquo;une maison et pas un ensemble de panneaux, regroup&eacute;s, plus efficaces, mieux entretenus et reli&eacute;s au r&eacute;seau&nbsp;? Pour des effets d&rsquo;&eacute;mulation&nbsp;? Et comment avoir alors le courage d&rsquo;arr&ecirc;ter la subvention&nbsp;de ces &laquo;&nbsp;convertis&nbsp;&raquo; ?
V&eacute;rit&eacute; 2&nbsp;: les in&eacute;galit&eacute;s en France sont plus un ph&eacute;nom&egrave;ne de perception et de crainte sur le futur qu&rsquo;une r&eacute;alit&eacute; statistique. Lutter contre les in&eacute;galit&eacute;s implique donc, surtout, de former plus et mieux &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, et en permanence en entreprise pour avoir et garder un&nbsp;&laquo;&nbsp;bon emploi&nbsp;&raquo; que taxer. &laquo;&nbsp;Dans les comparaisons internationales, les donn&eacute;es statistiques de la France en mati&egrave;re d&rsquo;in&eacute;galit&eacute;s de revenus, d&rsquo;in&eacute;galit&eacute;s de patrimoine et d&rsquo;in&eacute;galit&eacute;s r&eacute;gionales ne sont pas mauvaises. De plus, &agrave; la diff&eacute;rence de ce qui s&rsquo;est produit dans beaucoup d&rsquo;autres pays, elles ne se sont pas d&eacute;grad&eacute;es au cours de la p&eacute;riode r&eacute;cente. Cependant&hellip; les Fran&ccedil;ais ne croient pas &agrave; l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des chances dans l&rsquo;&eacute;ducation et l&rsquo;emploi, et sont sceptiques quant &agrave; la mobilit&eacute; sociale, ce qui concorde largement avec la r&eacute;alit&eacute;.&nbsp;&raquo; Certes, le rapport propose d&rsquo;am&eacute;liorer la collecte fiscale en recourant plus &agrave; l&rsquo;intelligence artificielle (&agrave; un meilleur &laquo;&nbsp;d&eacute;pistage&nbsp;&raquo; en fait) et &agrave; une refonte des droits de succession (taxer les h&eacute;ritiers, pas les donateurs), une perc&eacute;e qui para&icirc;t surtout conceptuelle, &agrave; ce stade. Mais au-del&agrave; du buzz de cette r&eacute;forme de l&rsquo;h&eacute;ritage, l&rsquo;essentiel reste la formation et l&rsquo;innovation.&nbsp;
V&eacute;rit&eacute; 3&nbsp;: la retraite, il faut former plus et mieux (encore&nbsp;!) pour travailler plus&nbsp;! &laquo;&nbsp;Pour que le syst&egrave;me de retraite reste &agrave; l&rsquo;&eacute;quilibre, l&rsquo;allongement de l&rsquo;esp&eacute;rance de vie impose soit de r&eacute;duire les prestations, soit d&rsquo;augmenter les cotisations, soit de relever l&rsquo;&acirc;ge de la retraite. Les d&eacute;penses publiques de retraite sont &eacute;lev&eacute;es en France, principalement en raison d&rsquo;un taux d&rsquo;activit&eacute; des personnes de 55 &agrave; 64 ans et d&rsquo;un &acirc;ge effectif de d&eacute;part &agrave; la retraite tr&egrave;s faible par rapport aux autres pays. Le syst&egrave;me de retraite devrait &ecirc;tre unifi&eacute;, devenir plus transparent et plus juste&nbsp;&raquo;&nbsp;! D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une retraite par points, graduellement appliqu&eacute;e dans le priv&eacute; puis dans le public. On retrouve l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;unifier les syst&egrave;mes, pour les &eacute;quilibrer dans leur ensemble, avec des souplesses pour l&rsquo;attribution des points, travaux p&eacute;nibles, enfants, avec l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;&eacute;viter les trop petites retraites.
Solution 1&nbsp;: transparence, c&rsquo;est le mot clef du rapport. Aux &eacute;lus d&rsquo;expliquer de choisir comment avoir plus de croissance, dans une Europe et une France qui perdent pied dans la concurrence mondiale entre &Eacute;tats-Unis et Chine, &agrave; proximit&eacute; de la Russie et de la Turquie notamment, sans oublier les probl&egrave;mes d&rsquo;&eacute;migration que l&rsquo;Afrique pourrait poser.
Solution 2&nbsp;: ind&eacute;pendance vis-&agrave;-vis des politiques. Ils peuvent se laisser influencer ou &laquo;&nbsp;capturer&nbsp;&raquo; par les lobbies et autres groupes de pression. C&rsquo;est pourquoi le Rapport propose la cr&eacute;ation de nombre d&rsquo;agences de mesures et de suivi ind&eacute;pendantes, notamment une sur le mod&egrave;le de la BCE, qui baliserait l&rsquo;&eacute;volution du prix du carbone et une autre, pour les retraites, qui d&eacute;terminerait le prix du point.
Demander aux politiques de traiter des probl&egrave;mes complexes pour en confier ensuite la gestion &agrave; des entit&eacute;s ind&eacute;pendantes d&rsquo;eux, pour obtenir un bon r&eacute;sultat dans la dur&eacute;e : quelle provocation&nbsp;! Il faut donc oublier le rapport Blanchard-Tirole&nbsp;!

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