Les dirigeants chinois en conclave pour retrouver les secrets de la croissance, échapper au déclin et à la guerre<!-- --> | Atlantico.fr
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Les dirigeants chinois sont en séminaire à Pékin.
Les dirigeants chinois sont en séminaire à Pékin.
©Anthony WALLACE / AFP

Atlantico Business

Le pouvoir chinois est en séminaire depuis hier à Pékin pour retrouver la potion magique de la croissance. Le pays est en panne depuis 5 ans, la situation économique est donc devenue la priorité de Xi Jinping. Sinon, c’est l'unité du pays qui est en jeu et son pouvoir est en risque.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Depuis hier lundi, les dirigeants chinois se sont donc enfermés en conclave, pour une semaine .  Plus de 3000 délégués ont ainsi été convoqués dans le cadre des assises parlementaires annuelles qui représentent et exercent le pouvoir suprême incarné par Xi Jinping.

Alors bien sûr, on parlera de Taiwan, de la Russie, des routes de la soie, mais l’essentiel des discussions, et des injonctions, portera sur la situation économique et sociale. Pour tous les observateurs occidentaux, la question est de savoir si les dirigeants chinois feront le bon diagnostic. C’est peu probable parce que les mauvais résultats de l'économie sont directement imputables à la nature du régime et à son management. Il faudrait que les dirigeants chinois reconnaissent qu’ils se sont trompes . En dictature , c’est impensable .

On connaîtra aujourd'hui mardi le chiffre de la croissance 2023 sur lequel le pouvoir chinois va construire son plan stratégique, mais ce chiffre ne devrait pas dépasser les 5%. Les Occidentaux s’en contenteraient bien sûr, mais pour les Chinois, c’est catastrophique. La croissance de la Chine est au plus bas depuis trente ans et ce déclin que les autorités chinoises cherchent à occulter n'a échappé à aucune organisation internationale : le FMI, l’OMC et la Banque mondiale ont repéré depuis presque 5 ans un ralentissement très net dans un pays qui, pour tenir en équilibre, a besoin de pratiquer une croissance à deux chiffres. Ce changement de braquet est évidemment lié au durcissement de la concurrence avec les États-Unis, mais il est renforcé par une crise interne sur l'immobilier et l'endettement local. Conséquences directes, le chômage bat des records historiques et bloque la majorité des Chinois qui n'ont qu'une envie, descendre de leurs campagnes pour rejoindre la ville et ses lumières. Mais pour l'instant, la vie dans les villes est paralysée. En fait, tous les moteurs de la croissance sont grippés :

  • Les exportations sont ralenties parce qu'après la Covid, les Occidentaux ont changé de fournisseurs en se tournant vers les autres pays asiatiques, vers l'Inde, mais surtout en amorçant un mouvement de relocalisations industrielles. Cette situation a plongé le commerce extérieur qui est devenu la première source d'inquiétude.

  • Les investissements directs en Chine se sont raréfiés parce que la confiance dans les partenaires chinois s'est cassée, faute de loyauté et de respect des contrats passés.

  • La consommation intérieure est restée atone. D'abord, les Chinois se sont mis à épargner parce que leur avenir paraissait sombre d'autant que le logement est devenu inaccessible et qu'il y a très peu d'assistance sociale ensuite parce que l'État chinois n'a rien fait pour encourager la liberté de consommer. D’un coté, la Chine a perdu son statut d'usine du monde qui permettait au plus grand nombre de sortir de la misère sans pour autant introduire un modèle de consommation interne plus haut de gamme pour une classe moyenne en émergence et qui aspirait à une consommation de confort.

Les effets de ce ralentissement se font évidemment sentir aux quatre coins de la planète. Les Occidentaux peuvent beaucoup moins qu'avant compter sur les produits courants à bas prix, les pays très industrialisés comme l'Allemagne ont perdu leur premier client sur l'automobile par exemple. Mais les conséquences les plus lourdes pèsent sur l'équilibre interne à la Chine où tous les secteurs souffrent. D'où le manque de travail, d'où les mouvements sociaux qu'il faut réprimer le plus souvent. Le gouvernement a été tenté d'organiser des plans de relance d'inspiration keynésienne, mais faute de moyens, ces plans de relance alimentent localement l'inflation et, faute de relais de production, ils ne déclenchent pas de cercle vertueux.

En fait, le système autoritaire et très dur voulu par Xi Jinping a découragé beaucoup d'entrepreneurs qui ont ou baissé les bras ou alors ont réussi à s'expatrier. Pourquoi investir, innover, inventer dans un pays où l'économie de marché ne fonctionne pas et où les entrepreneurs ne peuvent pas garder pour eux le fruit de leur intelligence et de leur travail? Plus grave, les étudiants qu'on avait envoyés par charters entiers dans les universités américaines hésitent beaucoup à revenir au pays, puisqu'ils savent qu'au pays, ils ne seront pas libres d'entreprendre.

La situation est donc très compliquée pour le pouvoir en place qui refuse toujours toute ouverture de la concurrence et tout fonctionnement normal de l'économie de marché.

Le problème de Xi Jinping est celui de tous les dictateurs qui, pour légitimer leur pouvoir, promettent au peuple la prospérité économique. Quand le peuple s’aperçoit que la promesse ne sera pas délivrée, il a tendance à s’énerver, d'où la répression policière qui ne participe pas à un retour de confiance. Comme tous les dictateurs, Xi Jinping va essayer d’offrir autre chose que la prospérité économique, un destin, une perspective de gloire et de puissance... d’où le projet qu'il agite de mettre la main sur Taiwan. Mais mettre la main sur Taiwan, c’est de renforcer la Chine, c’est-à-dire de renforcer le budget de la défense, ce qui veut dire rationner les investissements économiques, publics et sociaux. La Russie de Vladimir Poutine est un peu dans la même situation, c’est la raison pour laquelle Xi Jinping ne fait pas d'excès de zèle pour aider la Russie dans ses "opérations spéciales" sur l'Ukraine.

En général , les pays autoritaires aspirent à bénéficier des avantages de l'économie de marché. Ils ont besoin de créer de la richesse et de commercer avec le reste du monde, mais ils se refusent à appliquer toutes les règles de l’économie de marché, c’est-à-dire respecter les contrats, respecter aussi la liberté individuelle et d'entreprendre, respecter la propriété privée, etc. Alors l’économie de marché peut évidemment fonctionner dans des régimes qui ignorent la démocratie… sauf que la démocratie libérale et politique aide quand même beaucoup l'économie de l’offre, l’expression de la demande dans la mesure où la responsabilité individuelle est aussi un des moteurs de la création de richesse. Et la création de richesse, ce n’est rien d’autre que la croissance.

Xi Jinping s’est fait nommer président à vie, il a donc un pouvoir total à vie. Les Chinois n’ont pas d’alternative au changement, du moins pacifique. La situation chinoise n'inquiète pas particulièrement les Occidentaux, ce qui les inquiète ce sont les désordres. Les régimes autoritaires ne savent pas résoudre les accès de désordre donc ça finit mal. C’est bien pourquoi, les dirigeants chinois recherchent aujourd'hui la potion magique de la croissance pour échapper au désordre, au déclin et à la tentation de se jeter dans la guerre avec l’Occident.

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