Les choses les plus sales que vous touchez dans la journée ne sont pas celles que vous croyez <!-- --> | Atlantico.fr
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Des lycéens placent leurs téléphones dans une boîte de rangement avant un examen.
Des lycéens placent leurs téléphones dans une boîte de rangement avant un examen.
©Greg Baker / AFP

Nids à bactéries

Les objets du quotidien abritent un grand nombre de bactéries.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : L’hygiène est une donnée essentielle de la bonne santé de tout un chacun. Pour autant, cela ne signifie pas que tous les objets avec lesquels nous interagissons au quotidien sont propres. Certains d’entre eux peuvent s’avérer plus sales que des lunettes de toilettes. De quels objets parle-t-on, exactement ?

Antoine Flahault : Il faut se rendre compte que nous hébergeons dans notre bouche plus de dix milliards de bactéries, vous avez bien lu, dix milliards, de 700 espèces différentes. Notre propre salive est un véritable bouillon de culture, puisque chaque millilitre contient 750 millions de bactéries. Alors vous imaginez notre environnement direct, il est évidemment entièrement contaminé par nos propres bactéries et celles de ceux qui vivent avec nous. On sait tous qu’il faut se laver les mains après être allés aux toilettes ou avant de prendre ses repas. Il est recommandé de laver la salade et les fruits et légumes avant de les consommer. Mais on doit se rendre compte que les bactéries sont partout. Nous ne vivons pas en environnement stérile, donc tous les objets que nous touchons, à commencer par nos smartphones, nos télécommandes TV, les poignées de nos portes, les rampes, les caddies et paniers des supermarchés, tous sont les refuges de très nombreuses bactéries déposées par nos mains et celles de ceux qui vivent avec nous, contaminées par notre salive, riche des millions de bactéries évoquées plus haut. Il y a une pathologie psychiatrique qui s’appelle le trouble obsessionnel compulsif. Elle peut être très grave et consiste en un comportement répété que l’on ne peut pas éviter de reproduire au risque sinon de développer des crises d’angoisse selon un cercle vicieux duquel on devient prisonnier. Pour certains c’est la manie de vérification que la porte d’entrée a bien été fermée. Pour d'autres, ça peut être le lavage compulsif des mains. Eh bien, ce type d’articles pourrait favoriser ce dernier. Des phobies pourraient être favorisées par ce genre de lecture. La phobie des microbes peut tirer son origine de ce genre de lecture. 

Quels sont les risques auxquels nous nous exposons quand nous interagissons avec des objets sales ? Faut-il craindre des pathologies en particulier ? La presse anglo-saxonne évoque des infections respiratoires, par exemple…

Nous nous définissons comme des êtres humains, n’est-ce pas ? Au risque de provoquer un peu ici le lecteur, je dirais que nous le sommes effectivement mais seulement pour moitié si notre critère de définition est le nombre de cellules humaines dans notre corps. On estime en effet que nous sommes constitués, en moyenne, de 30 mille milliards de cellules humaines. Mais dans le même temps, nous hébergeons 38 mille milliards de bactéries dans notre corps humain ! Davantage donc que de cellules humaines. Certes, nos bactéries ne font pas le poids face à nos propres cellules, puisqu’elles pèsent 1 à 2 kg sur les 65 à 75 kg de nos cellules humaines, mais arrêtons au moins de voir le monde des bactéries comme une menace. Nous avons besoin de bactéries, nous avons besoin d’un univers septique. Les bactéries sont objectivement nos meilleures alliées. C’est grâce à elles que nous digérons nos repas, ce sont-elles qui protègent notre peau, nos yeux et notre arbre respiratoire des agressions extérieures. Nos équilibres formidablement complexes de la machine humaine fonctionnent grâce aux bactéries que nous hébergeons et nourrissons en retour.

Il peut arriver que certaines de nos propres cellules se retournent contre nous, nous rendent malades et même nous tuent. Il peut arriver aussi que certaines bactéries que nous hébergeons soient pathogènes et parfois nous tuent. Ces rares espèces de bactéries dangereuses sont bien répertoriées et l’on doit s’en méfier. On doit chercher à s’en prévenir, être capables de les détecter précocement et si elles nous contaminent, savoir les contrôler et parfois même les détruire. C’est le rôle des vaccins et des antibiotiques vis-à-vis des infections causées par des bactéries pathogènes. En revanche, il ne faut certainement pas s’obséder vis-à-vis de la plupart des bactéries, qui représentent la moitié de nos cellules, car nous avons besoin de cette moitié, comme il nous faut nos deux jambes pour marcher. Nous ne pouvons pas survivre longtemps dans un univers stérile. 

Comment faire pour limiter son exposition à de tels produits ou au moins aux bactéries qu’ils comportent ?

Les règles d’hygiène, les vaccins et les traitements visent à nous prémunir du risque des bactéries pathogènes dangereuses. Par exemple, le bacille du choléra est issu de l’eau contaminée, les salmonelles et les shigelles viennent de l’alimentation souillée, le bacille de la tuberculose de l’air intérieur, les légionelles de l’eau de nos canalisations ou de nos climatiseurs. Contre ces risques, nous avons su instituer des réponses efficaces, comme l’assainissement de l’eau, la chaîne du froid dans l’agroalimentaire, les campagnes de vaccination ou l’isolement et le traitement des malades, ou encore l’hygiène des mains dans les hôpitaux avant d’opérer les patients. Mais désinfecter les caddies des supermarchés ou les télécommandes de son salon sont des mythes hygiénistes qui relèvent plutôt de la pathologie psychiatrique.

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