Les chefs d’entreprise, pour qui la faillite de l'école publique est à la source du mal français, ont des idées pour redresser la barre<!-- --> | Atlantico.fr
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Gabriel Attal et Bruno Le Maire à l'issue du conseil des ministres en juillet 2023.
Gabriel Attal et Bruno Le Maire à l'issue du conseil des ministres en juillet 2023.
©Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Atlantico Business

Les chefs d’entreprise ne demandent qu’une chose : qu'on les écoute pour réformer l'Education nationale. Ils ont besoin non seulement d’expertise, mais aussi de qualifications qui permettraient à l'économie de relever les défis.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En ce début de semaine, le ministre de l’Éducation nationale a tapé du poing sur la table pour dénoncer la médiocrité de l'enseignement de base en France. "Enfin un ministre courageux pour dénoncer la faillite du système scolaire, notamment de l'enseignement primaire" disent beaucoup d’observateurs. Si plus d'un tiers des élèves ne lisent pas convenablement et si plus de la moitié ne savent pas résoudre les problèmes les plus simples de mathématiques et de géométrie, la situation est affligeante.

Cela fait des années que les observateurs dénoncent un tel désastre, mais cela fait des années que le personnel de l'Education nationale fait ce qu'il peut contre un système verrouillé par des syndicats aveugles et une administration préhistorique et pléthorique. Cela fait des années qu'on laisse les parents d'élèves se mêler de cet enseignement et protéger les idées reçues en s'abritant derrière le laxisme de leurs enfants.

Cela fait des années que tout le monde se couche. Pas de vagues sur les problèmes de harcèlement. Pas de vagues sur les devoirs qui ne sont pas faits, pas de vagues à propos d'une utilisation abusive des tablettes et de tous les réseaux sociaux.

Les familles qui en ont les moyens ou qui habitent dans de beaux quartiers de la région parisienne s'en sortent parce que le rectorat de Paris gère le système d'une main de fer, mais c'est une exception en France, une exception aussi dans les grandes métropoles. Mais la France profonde a perdu depuis longtemps l'école de Jules Ferry. Le ministre est courageux d’avoir dit haut et fort ce que beaucoup disaient sous le manteau et il a promis d’agir dès la rentrée prochaine. On saura en janvier ce qu'il va concocter pour remettre les principes au milieu de la classe.

Les chefs d’entreprise sont sur la même ligne que le ministre de l’Education et aussi le ministre de l’Economie. Pour Bruno Le Maire, l'éducation est au cœur du mal français, à la source de nos difficultés économiques d’ordre structurel. Pas seulement parce que l'économie n'est pas enseignée au collège, mais parce que les produits qui sortent du système, tous bacheliers qu'ils sont, ne sont pas employables par le système économique. Ils ne sont pas adaptés aux codes de la société moderne. Il leur faut, pour les meilleurs, encore 5 années pour acquérir cette employabilité.

On estime aujourd'hui que sur les 7% de chômeurs dans la population en âge de travailler, 5% sont totalement exclus du système. Ils n'ont ni job, ni formation, ni expérience, en général ni famille, ils sont donc no-where sans futur. C’est un drame pour le pays et pour l'activité.

Les chefs d’entreprise sont parfaitement conscients de cette situation et pour cause : une des raisons qui ont poussé la France à abandonner son industrie, c’est le manque de main-d'œuvre, pas pour des raisons de salaires, mais pour des raisons d’expertise. Pour des raisons de savoir-faire et souvent de savoir-vivre en société.

Les mouvements patronaux (syndicats professionnels comme les chambres de commerce, ont proposé beaucoup de réformes pour redresser le fonctionnement de l’Education nationale. Ils n’ont guère été écoutés. Ils préparent actuellement une sorte de cahier de propositions pour le ministre de l’Education nationale, en espérant qu'il s’en inspire. Cinq grandes propositions ou réflexions :

1er point : l’introduction de la concurrence dans le fonctionnement du système. Si la région parisienne est la moins abîmée, c'est parce que l'école publique est en concurrence avec le privé. Le privé fonctionne bien, et le privé pousse vers le haut à preuve ses meilleurs lycées. Le même phénomène existe en Bretagne, dans cette région du Grand Ouest qui est un bastion de l'école privée, catholique. Les résultats de l'école privée sont meilleurs que ceux du public, pourquoi ? Parce que les personnels sont challengés toute l'année. Le marché de l'école n’est pas protégé par la loi, il n’est pas captif. Les parents d'élèves ont la liberté de choisir le meilleur pour leurs enfants.

2e point : la privatisation. Le seul mot fera hurler la gauche laïque et bien-pensante, mais pourquoi pas libérer le système des établissements sous contrats mais autonomes. Ceux-là savent faire l'école, notamment la petite école. L'État a mille solutions pour aider les familles qui veulent choisir le privé et qui ne le pourraient pas. L'État en a les moyens, surtout s'il réduit le périmètre du public.

3e point : rapprocher l'école des entreprises régionales, d'abord pour familiariser les élèves à ce cadre de travail incontournable, ensuite pour que les entreprises contribuent au fonctionnement de l'enseignement, un peu comme dans les centres d'apprentissage autrefois. À la fin du Second Empire, au moment de la révolution industrielle, la plupart des grands groupes ouvraient des écoles, du primaire au supérieur. À Sochaux et Montbéliard, par exemple, le groupe Peugeot avait ses écoles de formation et d'ingénieurs. Aux États-Unis, tous les GAFAM ont chacun de leur côté développé des centres de formations et de recherche. Chaque entreprise a son campus qui est en réalité une institution où les élèves sont mélangés à l'entreprise.

4e point : prendre exemple sur l'enseignement agricole en France. Ce système d’éducation agricole produit des élèves qui sont employables dans l’agriculture, bien sûr, mais aussi dans l'agroalimentaire. Aujourd'hui, ils fournissent en expertises toutes les industries qui travaillent sur l'environnement et sur l'évolution du climat. Ce système fonctionne sous la tutelle du ministre de l'Agriculture et de l'Education nationale, avec des écoles d'apprentissage, des collèges agricoles, des lycées agricoles et des écoles d'ingénieurs dont la réputation dépasse de loin les frontières de l'hexagone.

5e point : prendre l'exemple des écoles de commerce qui sont toutes des bons exemples de réussite et d'expertise pour les entreprises de service, notamment le commerce, le marketing et l’informatique. Le secteur des services en France dépasse de loin le secteur industriel, en emplois, en exportations, etc. Le secteur des services fonctionne parce qu'il a derrière un appareil éducatif qui fonctionne. L'industrie pourrait parfaitement, à partir de ses écoles d'ingénieurs, développer un appareil éducatif spécifique. La France va se réindustrialiser en localisant des projets, mais les projets arriveront que s'il existe une structure d'éducation et de formation.

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