Atlantico : Le président de la République Emmanuel Macron était en déplacement mercredi pour rendre hommage au père Hamel, mort en martyr dans son église assassiné par deux islamistes. Quel est, aujourd'hui, la position d'Emmanuel Macron envers l'électorat catholique?

Alexis Massart : Le déplacement du Président de la République, s’il s’adressait bien évidemment aux catholiques, avait avant tout pour objet de s’adresser à l’ensemble des français. Il a tenu à rappeler, un an après l’assassinat du Père Hamel, que la République devait garantir à chacun le droit de croire ou de ne pas croire dès lors que les principes de laïcité de l’Etat étaient respectés. Ceci étant, les catholiques ont du être davantage touchés par ce message car c’est bien un prêtre catholique qui a été assassiné. Emmanuel Macron adressait ainsi un message à une partie de l’électorat qui a largement contribué à sa victoire le 7 Mai dernier. Selon les enquêtes d’opinion, notamment celles du journal La Croix, il a obtenu 71% des voix des catholiques pratiquants réguliers. C’est donc un score supérieur à son score national toute catégorie confondue. Il est donc important pour lui de garder le lien avec ces électeurs en particulier. Sa présence à l’hommage au Père Hamel est à cet égard un signe très clair. Garant de la laïcité il n’en est pas moins proche des croyants. Comme tout Politique, il saisi les occasions qui lui sont offertes pour parler à son électorat.

Alors que le chef de l'Etat perd en popularité, que pourrait représenter l'électorat catholique pour lui? A-t-il une chance de le conquérir, et si oui, sur quel terrain?

La réponse n’est pas unique à cette question. Tout d’abord, il faut faire un distinguo au sein même de la population qualifiée de catholique. Chez ceux qui ont une approche relativement réactionnaire, ceux par exemple proches du mouvement Sens Commun et donc de la Manif pour tous, le courant ne passe pas forcement très bien. Une part non négligeable, après s’être tournée vers François Fillon, a ensuite suivi la présidente du Front National. De l’autre coté, chez ceux qui se déclarent catholique mais qui ne pratiquent que très rarement, le critère de la catholicité a une importance moindre que d’autres critères plutôt d’ordre économique ou social. Par contre, chez les pratiquants réguliers, le lien se fait davantage. L’explication tient d’abord au fait que cette catégorie a une tendance naturelle à repousser toute forme d’extrémisme et est davantage attirée par une approche plus centriste ou plus centrale de la vie politique. La Démocratie Chrétienne a à ce titre toujours cherché à se positionner entre le socialisme et le libéralisme. Dès lors, il y a une forme de rapprochement naturel entre cette approche du politique et le message délivré par le candidat, puis le Président Macron. C’est davantage donc sur la pratique politique, plus que sur le détail des mesures, qu’Emmanuel Macron peut séduire et conserver le soutien de cette part de l’électorat.

A l'inverse, quels sont les principaux reproches de cet électorat envers Emmanuel Macron?

La encore je plaide pour une distinction au sein de l’électorat qui se revendique catholique. Les questions de société, telles celles de la PMA et de la GPA, peuvent irriter une partie de ces électeurs. Une position trop marquée du Président Macron pourrait être contre-productive. Raison pour laquelle, il adopte la stratégie, non pas de l’annonce fortement personnalisée de sa position, mais du passage par les comités d’éthique. Sur la question des réfugiés, déplacer le curseur de l’approche humaniste chère aux catholiques vers une question davantage religieuse serait aussi un risque, pour le moment contenu par les propos d’Emmanuel Macron. Un autre sujet qui pourrait lui nuire tient davantage à sa vie privée. Sans basculer dans la pruderie, l’électorat catholique n’a pas forcement apprécié outre mesure celles des deux anciens Présidents. Ils trouvent chez l’actuel locataire de l’Elysée une version plus classique qui leur convient davantage. Sur ces trois sujets Emmanuel Macron tient la barre pour le moment. S’il était amené à changer de cap, le retour de bâton pourrait être assez important.