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Pourquoi laisse-t-on les banques américaines verser autant de dividendes à leurs actionnaires ?
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Malgré plusieurs avertissements, la Réserve Fédérale américaine n'a écouté personne : elle a laissé les banques verser des milliards à leurs actionnaires. Pourtant, elles sont toujours en situation de faiblesse.

Gilles Klein

Gilles Klein

Gilles Klein,, amateur de phares et d'opéras, journaliste sur papier depuis 1977 et en ligne depuis 1995.

Débuts à Libération une demi-douzaine d’années, puis balade sur le globe, photojournaliste pour l’agence Sipa Press. Ensuite, responsable de la rubrique Multimedia de ELLE, avant d’écrire sur les médias à Arrêt sur Images et de collaborer avec Atlantico. Par ailleurs fut blogueur, avec Le Phare à partir de 2005 sur le site du Monde qui a fermé sa plateforme de blogs. Revue de presse quotidienne sur Twitter depuis 2007.

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Comme l'eplique Jesse Eisinger sur ProPublica, la Fed (Réserve fédérale américaine) commença à se demander au début de novembre 2010 si les plus puissants établissements financiers du pays étaient en assez bonne santé pour verser des dividendes à leurs actionnaires. Un des régulateurs prévint : il ne fallait pas les laisser faire.

"Nous sommes toujours inquiets sur leur capacité de résister à un environnement économique incertain", écrivit Sheila Blair, patronne de la Federal Deposit Insurance Corp, une agence fédérale dont la responsabilité est de garantir les dépôts bancaires. Son courrier, qui avant l'article de ProPublica n'avait pas été rendu public, arriva alors que la Fed lançait un stress test pour savoir si les plus grandes banques américaines pouvaient payer des dividendes et racheter leurs actions. "Nous encourageons fortement" la Fed "à remettre à plus tard toute augmentation de dividendes", jusqu'à ce que les banques puissent montrer que leurs revenus sont aussi solides que leurs actifs, préconisait Sheila Blair. Compte tenu de l'incertitude persistante pesant sur les marchés, "nous ne croyons pas que ce soit le bon moment d'autoriser des transactions qui vont affaiblir leur capital et leurs liquidités", poursuivait-elleQuatre mois plus tard, la Fed fit l'exact opposé de ses recommandations.

Fuite de liquidités

En mars 2011, la Réserve Fédérale a donné son feu vert à la plupart des 19 institutions financières les  plus importantes pour qu'elles versent des dizaines de milliards de dollars à leurs actionnaires, y compris à beaucoup de leurs grands patrons. Elles ont donc sorti 33 milliards de dollars au cours des neuf premiers mois de 2011, en dividendes et en réalisation de stock-options.

Ces 33 milliards, c'est de l'argent que les banques n'auront pas pour se protéger - elles-même, mais aussi l'ensemble du système financier - si la crise de la zone euro provoque une nouvelle récession, si les tensions avec l'Iran se transforment en guerre et perturbent l'approvisionnement en pétrole, ou si une autre crise émerge. 

C'est la première fois que l'on découvre en détail comment la Fed a pris cette décision, et les batailles internes que cela a provoqué ; même si la Réserve fédérale affirme qu'elle a évalué la santé des banques de manière rigoureuse et pris les bonnes décisions.

De 2006 à 2008, les 19 plus grandes banques américaines ont versé 131 milliards de dollars en dividendes à leurs actionnaires, selon SNL FinancialLorsque la crise financière a frappé, elles étaient affaiblies, principalement parce qu'elles n'avaient plus cet argent. En conséquence, à l'automne 2008, le gouvernement a dû leur injecter environ 160 milliards de dollars.

Aujourd'hui, la crise économique européenne et bancaire, qui était imminente lorsque la Fed a pris sa décision, continue de menacer l'économie. Le taux de chômage aux États-Unis reste durablement élevé et le marché immobilier a chuté de près de 5% l'an dernier, selon CoreLogic.

Les banques américaines souffrent encore des métastases générées par la crise des saisies de maisons à crédit impayés. Un récent accord avec les procureurs de presque tous les États n'a permis qu'une couverture partielle de ces coûts, laissant les banques continuer à se saigner en perdant du cash pour faire face aux conséquences du scandale des prêts accordés de manière automatique et aux problèmes de cette crise immobilière.

Quand les banques commencent à verser des dividendes, il est délicat pour un organisme de réglementation de les inciter à arrêter sans paniquer les investisseurs. Ainsi, regagner leur confiance était l'une des raisons qui ont poussé la Fed à autoriser le versement de ces dividendes. Mais cette stratégie a échoué : en novembre dernier, l'agence de notation Standard & Poor's a déclassé la plupart des grandes banques américaines et les valeurs financières de l'indice S & P 500 ont chuté de plus de 18% en 2011, même si elles ont depuis un peu rebondi.

De nombreuses banques se négocient en dessous de leur "valeur comptable", ce qui signifie leur valeur est inférieure à l'estimation faite de la valeur de leurs actifs. Cela fait particulièrement réfléchir, car ça veut dire que les investisseurs n'ont pas confiance dans la comptabilité des banques et sont sceptiques quant à leur rentabilité future.

Finalement, les banques devront lever des capitaux pour se conformer aux nouvelles normes internationales, qui deviendront totalement effectives en 2019.

"Les contribuables devraient se sentir concernés lorsque les banques  versent des dividendes tout en restant faiblement capitalisées", a prévenu Anat Admati, professeur d'économie à l'Université Stanford, en février 2011, dans une lettre au Financial Times signée par 15 autres économistes issus de tout le spectre politique, "car ce sont les contribuables qui finiront par payer pour les banques en cas de crise".

La Réserve fédérale procède à nouveau à des stress tests des plus grandes banques : elleteste les banques avec des scénarios plus catastrophiques qu'elle ne l'a fait il y a un an, ce qui pour certains analystes est un aveu implicite que les tests précédents n'étaient pas assez durs.

La Fed semble s'être elle-même engagée dans une impasse. Soit les banques ne passent pas les tests, ce qui pourrait doucher l'optimisme des investisseurs et donc la reprise économique fragile ; soit elles les réussissent, au risque de mettre en cause a crédibilité de la Fed s'il y a une autre crise.

Traduction partielle de l'article de Jesse Eisinger pour ProPublica

Note de l'auteur : Jesse Elsinger peut être rassuré. Pour l'instant, la situation n'empire pas. On commence même à parler de légère reprise et les banques américaines semblent capables de résister à de nouveaux problèmes, du moins officiellement. La Fed a, en effet, procédé à de nouveaux stress tests : parmi les dix-neuf plus grandes banques américaines, seules quatre (Metlife, Citigroup, Ally et SunTrust) ont échoué, comme l'indique le communiqué de la FED daté du 13 mars.

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