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Le show Billard-Boutih-Plenel-Reynié dans Mots croisés : quand les défenseurs de la démocratie font le jeu du FN
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Balles à blanc

Yves Calvi a reçu lundi dans son émission "Mots croisés" Malek Boutih, Jérôme Chartier, Florian Philippot, Martine Billard, Edwy Plenel et Dominique Reynié pour débattre du thème "Front national : la conquête ?".

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Pas de doute : il est des émissions qu’il faut littéralement lire entre les images et au-delà des mots. Le très expert ministre de la Propagande allemande Joseph Goebbels disait : « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ». A « Mots croisés », lundi, le sujet était le Front national, sa percée, son futur, ses grandes pompes et ses basses œuvres. Dès qu’ils entendent dire le sigle honni, la quasi-totalité des participants ont sorti leurs flingues. Malheureusement et comme d’habitude, en retard d’une guerre ou même de deux, les balles tirées à blanc rataient leur cible, représentée en l’occurrence par Florian Philippot, ex-chevènementiste rallié au Rassemblement Bleu Marine.

Voir l'émission Mots croisés en cliquant ici

Ce qui fait problème dans ce type d’émission – est-ce par le choix des participants ou par la seule présence du FN qui est devenu l’auberge espagnole des fantasmes politiques français – c’est que tout sonnait faux. Quatre-vingts minutes passées à discuter sur tout sauf sur ce qui compte, à savoir une véritable et utile controverse avec une formation toujours considérée par certains comme anti-républicaine,  sur notre système politique à bout de souffle ou non, les avantages et les inconvénients de l’Europe et de la mondialisation, le chômage, les incivilités, la sécurité, les impôts et autres sujets de mécontentement et de division prégnants dans le pays. Las ! nous vîmes des politiques et des experts embarqués dans une étrange machine à remonter le temps, uniquement préoccupés, en l’occurrence, de savoir si le sexe des anges FN était en forme de croix gammée pur jus.

Qu’est-il arrivé à Malek Boutih, ordinairement lucide et modéré, pour l’entendre sur le plateau entrer littéralement en résistance contre la dictature immonde de Philippot qu’il voyait déjà en ministre de l’Intérieur ?  Et le socialiste de citer pêle-mêle le 8 mai 1945, Primo Levi, la peste brune et autres références « aux années les plus noires de notre pays ». D’un côté il appelait au front républicain face à un UMP plus que sceptique ; de l’autre, il affirmait que si le verdict des urnes, par malheur, amenait Marine Le Pen au pouvoir, il prendrait le maquis. Nous étions avancés.

Quant au député UMP Jérôme Chartier, bras droit de François Fillon, il répétait comme un mantra qu’il fallait parler aux électeurs du Front national tout en combattant à mort celui-ci, parti, selon lui, sectaire et dangereux. Fort bien : mais il ne prit pas le temps d’expliquer en quoi. Intégration ? Assimilation ? Connaissance du français ? Ces problèmes n’existent pas, pour lui comme pour les autres. Les évoquer simplement était faire preuve d’un racisme exacerbé.

Martine Billard, déléguée du Front de Gauche, à toutes les questions à elle posées par Yves Calvi, répondit systématiquement à côté. Sans doute parce qu’il y avait de la place. Nous ne saurons donc jamais pourquoi la majorité du vote ouvrier va aujourd’hui vers le FN. Elle ne manqua pas, en revanche, d’évoquer le pétainisme. Modernité oblige.

Le politologue Dominique Reynié n’y alla pas, lui non plus, par le dos de la cuillère. « A Brignoles, les électeurs républicains et démocrates se sont abstenus ». Ce qui signifie que tous ceux qui sont allés voter pour le candidat FN ou le dissident d’extrême droite - c’est-à-dire 50% des votants – étaient soit racistes, soit fachos et probablement les deux. Il ajouta que le programme de ce parti était nationaliste et socialiste, ce qui amena Yves Calvi, pourtant peu suspect de droitisme exacerbé, de lui rappeler qu’on n’accole pas impunément ces deux mots. Ce qui conduisit à 20 minutes de discussion pour définir l’extrême droite. Fascinant.

Enfin, Edwy Plenel, qui fut le seul à évoquer quelques problèmes de fond, comme la Vème République, le cumul des mandats et les promesses hollandaises trahies, ne manqua pas ce qui pour lui est l’essentiel dans toutes les émissions auxquelles il participe : vendre son journal Mediapart à toutes les sauces. La méthode Plenel devrait être enseignée dans toutes les écoles de commerce. Plus habile VRP que lui, tu meurs.

Du coup, Philippot, qui gardait un calme quasi olympien, passa pour un modéré humble et put sortir ses énormités sur la mondialisation, l’Europe, l’Euro, et l’économie sans que personne ne relève le défi sur ce qui aurait dû être l’essentiel de l’émission, à savoir la mise en question de ce que propose, au fond, le parti de Marine Le Pen. Ce sera pour une autre fois, ou jamais. Le nombre des abstentionnistes aux futures élections a dû incontestablement augmenter de façon exponentielle après ces mots jamais croisés. 

A lire, de l'auteur de l'article :  "Moi, Président", André Bercoff, (First édition), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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