Le raid anti-Trump pourrait bien ébranler la démocratie américaine<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
La résidence de Donald Trump de Mar-a-Lago, en Floride, a été perquisitionnée par le FBI.
La résidence de Donald Trump de Mar-a-Lago, en Floride, a été perquisitionnée par le FBI.
©Brendan Smialowski / AFP

Perquisition du FBI

La demeure de Donald Trump à Mar-a-Lago, en Floride, a été perquisitionnée par le FBI. Les soutiens de l'ancien président des Etats-Unis dénoncent un acharnement judiciaire. Les enquêteurs du FBI soupçonnent Donald Trump d'avoir violé une loi américaine sur l'espionnage qui encadre très strictement la détention de documents confidentiels liés à la sécurité nationale.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

Voir la bio »

Atlantico : La résidence de Donald Trump de Mar-a-Lago, en Floride, a été perquisitionnée par le FBI ce lundi. C'est l’ancien président lui-même qui l'a annoncé, dénonçant "une persécution politique".  "Notre nation vit des jours sombres, ma belle demeure, Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride, est assiégée et a été perquisitionnée et occupée par de nombreux agents du FBI", a-t-il déclaré dans un communiqué. Donald Trump cherche-t-il à mobiliser son camp ?

Gérald Olivier : Le fait que le FBI mène une perquisition chez un ancien président, qui plus est pendant neuf heures, est un événement sans précédent, quelle que soit la nature des documents recherchés. A partir du moment où Donald Trump a lui-même été prévenu de ce raid sur sa résidence, il a communiqué la nouvelle au monde extérieur via les réseaux sociaux. Cette information a déclenché une tempête immédiate. C’est logique. Les supporters de Donald Trump sont ulcérés par la façon dont il est traité par la justice, par le FBI et par les médias. Donald Trump a bien compris qu’un tel événement allait attiser leur colère, les mobiliser encore plus et il en profite bien sûr. Ce raid provoque une colère justifiée chez les supporters de Trump, mais il suscite aussi des interrogations chez de nombreux citoyens américains qui ne sont pas forcément des supporters de Donald Trump. Parce que cette perquisition a toutes les apparences d’un abus de pouvoir majeur.      

On ne peut guère reprocher à Trump de se sentir persécuté. Il l’est. Rien de tout ce qui lui a été infligé depuis son élection n’est arrivé à un autre président.    

À Lire Aussi

6 Américains sur 10 considèrent que la démocratie est en danger aux Etats-Unis. Mais à quel point l’est-elle réellement ?

Le FBI cherchait, apparemment, des documents qui auraient été classifiés et qui n’auraient pas dû se trouver là. Si tel était le cas, comment aurait-il été possible de procéder autrement ?

Le FBI aurait pu tout simplement ordonner à Donald Trump de remettre les documents en question. Des discussions à cet effet étaient d’ailleurs en cours entre les Archives Nationales et les avocats de Donald Trump. Et Donald Trump lui-même coopérait à ces discussions. Au mois de juin, il y avait eu un entretien à Mar-a-Lago entre les représentants des archives nationales et les avocats de Donald Trump. Trump avait participé à l’entretien et instruit ses avocats de remettre  à leurs interlocuteurs « tout ce qu’ils demandent ». On ne peut pas être plus coopératif.

Pour l’instant, on ne sait toujours pas précisément ce que le FBI recherchait. Le mandat de perquisition présenté était scellé. Les avocats de Donald Trump avaient le droit de l’ouvrir mais son contenu devait rester secret. Le gouvernement pour l’instant n’en a pas dit plus, donc on ne sait toujours pourquoi un tel raid a été considéré comme justifié. Pourquoi il fallait quarante agents sous protection de la police et des services secrets, pour investir pendant toute une journée la résidence inoccupée d’un ancien président.

L’intervention du ministre de la Justice, Merrick Garland, qui a duré trois minutes jeudi soir n’a apporté aucun éclairage sérieux et nombreux sont les élus politiques, les journalistes et les citoyens qui demandent des comptes au gouvernement. Dans l’opinion, cette opération s’est déjà retournée contre ses responsables. Ce gouvernement fait peur.

À Lire Aussi

Moins 75% sur l’immigration aux États-Unis depuis l’élection de Donald Trump : radioscopie d’un tournant historique

Lorsque le contenu détaillé du mandat de perquisition sera révélé, il sera possible de connaître plus précisément les justifications du FBI et les documents recherchés. S’il s’agit de documents qui ont été emmenés de la Maison Blanche à tort, il n’y a pas besoin d’une perquisition armée pour les obtenir.  Les litiges entre les Archives Nationales et des hauts fonctionnaires américains sont légions. Hillary Clinton, Barack Obama et d’autres ont été par le passé rappelés à l’ordre. Tout cela est mineur.

Le Washington Post a indiqué que certains documents pouvaient être liés à des secrets nucléaires… Ce qui aurait engendré la précipitation du FBI et de la justice. Nous verrons.

Si les éléments de preuve rassemblés pour justifier le mandat de perquisition sont également communiqués alors nous en saurons vraiment plus. Ils permettront de justifier du lieu et du moment. Comme de savoir quels sont les éléments laissant croire que les éléments recherchés sont bien à Mar-a-Lago, qu’ils n’y sont pas en sécurité, ou que Donald Trump cherche lui-même à les détruire ou à les dissimuler à la Justice.. Il sera alors possible de voir s’il y avait de réels motifs pour ce raid ait eu lieu.

Les anti-Trump estiment que si le gouvernement a procédé à une manœuvre aussi radicale c’est que cela cache un crime grave. Mais justement ce « crime » n’a pas été communiqué. Peut-être à Trump, mais pas aux Américains. Et bien sûr il n’y a eu aucune mise en examen. Les soutiens de Trump souhaitent que ce qui est reproché à l’ancien président soit clairement explicité.

À Lire Aussi

Droit à l’avortement : la Cour suprême lance une bombe symbolique et politique beaucoup plus qu’elle ne changera la vie des Américaines

Cette perquisition, et la réponse qu'y a fait Donald Trump, risque-t-elle de renforcer la polarisation aux USA ?

Cela ne va pas arranger les choses. Le juge Garland et le directeur du FBI, Christopher Wray, disent agir de bonne foi et dans le respect du droit. Mais lorsque l’on regarde les activités récentes du FBI ou du ministère de la Justice, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a aux Etats-Unis désormais un deux poids, deux mesures en fonction de votre couleur politique.

Hillary Clinton a commis des délits lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat, comme de faire disparaître des milliers e-mails, de détruire des téléphones afin que l’on ne puisse pas récupérer la mémoire stockée et d’utiliser des serveurs privés, non contrôlés et protégés  par le gouvernement pour ses communications officielles. Elle n’a jamais été sanctionnée. Il n’y a eu aucune poursuite.

Trump au contraire a fait l’objet de fausses accusations, sa présidence a été déstabilisée de l’intérieur dès le premier jour, ses associés et avocats Rudy Giuliani, Michael Cohen, et Roger Stone, un activiste du parti Républicain, ont tous fait l’objet de perquisitions violentes. Comme s’il s’agissait de manœuvres d’intimidations.

Pour le camp politique adverse, il n’y a aucun équivalent. Hunter Biden, le fils de l’actuel président des Etats-Unis, a commis de multiples délits – comme de posséder une arme à feu  acquise illégalement – il s’est enrichi en monnayant l’accès à son père vice-président puis président et il n’a jamais été poursuivi. Son père président des Etats-Unis a menti sur ses relations avec les associés d’affaire de son fils et aucune menace de destitution ne pèse sur lui…

Ce deux poids, deux mesures s’applique en haut de l’échelle comme en bas. Les pillards, les vandales et autres antifas qui ont brûlé des dizaines de centres-villes et attaqué les commissariats en 2020, à la suite de la mort de George Floyd, ont bénéficié de la clémence de tous les juges. Certains ont eu leurs frais de justice remboursés par le parti Démocrate. Au contraire, les manifestants du 6 janvier qui ont pénétré dans le Capitole ont du se défendre tout seuls et ont reçu des peines de prison ferme allant jusqu’à sept ans !

Sans, au passage, que le rôle précis du FBI dans cette manifestation qui a dégénéré, n’ait été explicité.

Quand des parents d’élèves de Virginie ont protesté contre une commission scolaire qui voulait enseigner la théorie critique des races et les théories transgenres à leurs enfants, il a suffi d’une lettre du syndicat des enseignants au ministère de la Justice pour qu’une enquête soit ouverte contre ces parents d’élèves et qu’ils soient désignés « terroristes de l’intérieur ». Situation totalement invraisemblable.

La polarisation est inévitable quand le gouvernement agit de manière aussi partiale. Une partie de l’Amérique peut s’inquiéter à juste titre d’une instrumentalisation de la Justice à ses dépens. 

Comment les Etats-Unis peuvent trouver le bon équilibre entre le fait d’éviter d'augmenter la polarisation du pays et le respect de l'Etat de droit ?

La priorité est de rétablir l’intégrité et la crédibilité du processus électoral. Car au-delà des discriminations que je viens de décrire il y a chez certains Américains le sentiment que les élections sont truquées. Truquées par les Démocrates en l’occurrence qui font en sorte de devenir le parti unique. Et que donc ils ne peuvent plus rien faire. Sauf à se radicaliser…Pour éviter cela il est essentiel de rétablir la confiance des électeurs dans le système. Les élections de mi-mandat du 8 novembre vont en être le premier test.

Ces élections sont capitales car il s’agit de renouveler la Chambre des Représentants, un tiers du Sénat, une trentaine de gouverneurs et de nombreux fonctionnaires locaux. Si le processus est à nouveau troublé par des retards dans le dépouillement, ou des bulletins reçus par la poste trois semaines après le scrutin, ou d’autres irrégularités flagrantes, la réaction de l’opinion publique américaine risque d’être très très négative.

Mais les Etats-Unis étant une fédération de cinquante Etats, il y a en fait cinquante lois électorales différentes. Garantir l’intégrité du scrutin ne peut se faire qu’au niveau local.

La liberté d’expression doit aussi retrouver toute sa signification dans la vie américaine. Certains réseaux sociaux devront être réglementés comme Twitter et Facebook. Eux aussi appliquent un deux poids, deux mesures sur ce qu’il est possible de dire sur Internet. Le discours politiquement correct est porté aux nues – sur tous les sujets, de la vaccination à l’urgence climatique en passant par l’immigration-  alors que le point de vue conservateur est systématiquement sanctionné.   Non cela seulement fausse le débat mais c’est un outil d’endoctrinement redoutable.

Enfin les ailes modérées des partis Républicain et Démocrate doivent retrouver leur rayonnement d’antan. Aujourd’hui ces deux partis sont dominés par leurs extrêmes. Le phénomène est comparable à la situation de la France, ainsi qu’on l’a observé lors des élections législatives. Le parti Les Républicains et le Parti Socialiste ont totalement implosé. Le premier parti à droite est aujourd’hui le Rassemblement National. A gauche, il s’agit de La France insoumise. Ce sont tous les deux des partis des extrêmes.

Aux Etats-Unis, le même développement peut être observé. L’influence des radicaux, des extrémistes au sein du parti Démocrate est beaucoup plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été. Le parti Démocrate n’est plus le parti ouvrier des années 1930, c’est le parti des « bobos » écolos, des gens totalement déconnectés des réalités. Au cœur du parti Républicain, Trump a exploité et étendu l’aile populiste et provinciale, née  avec le Tea Parti en 2010, aux dépens de l’establishment urbain et modéré.

Le grand parti du centre, qui rassemble les démocrates modérés et les Républicains modérés et qui passe par les Indépendants, aux Etats-Unis, est devenu inaudible. La réconciliation ne peut se faire que si ce parti-là retrouve toute sa place et si une sérénité au sein du milieu politique s’installe à nouveau.

Donald Trump est très souvent blâmé pour avoir divisé l’Amérique mais c’est faux. Les Etats-Unis étaient divisés bien avant l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Il a en revanche exacerbé cette situation. En 2016, lorsqu’il a été élu, un certain nombre de personnes chez les Démocrates, parmi les élus du Congrès, dans les médias, à Hollywood ont contesté sa victoire, ont indiqué qu’ils ne considéraient pas que Donald Trump était « leur » président, qu’il était indigne de la fonction. Ces personnes se sont dès lors attelées à déstabiliser son administration et à détruire sa personne et sa famille. Elles s’y attèlent encore aujourd’hui.

Il a été beaucoup reproché à Donald Trump de ne pas avoir accepté le résultat de l’élection présidentielle de 2020 mais les personnes qui lui reprochent cela pourraient être pointées du doigt pour ne jamais avoir accepté, non plus, le résultat de 2016, favorable à Trump.   

[Cet entretien a été réalisé avant que le mandat de perquisition du domicile de Donald Trump, qui avait été placé sous scellé, soit rendu public par un juge fédéral de Floride, Ndlr]

Le sujet vous intéresse ?

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !