Le projet Biden de renforcer les sanctions économiques impose aux entreprises occidentales une responsabilité géopolitique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président des Etats-Unis d'Amérique, Joe Biden, photo d'illustration AFP
Le président des Etats-Unis d'Amérique, Joe Biden, photo d'illustration AFP
©JOSEPH PREZIOSO / AFP

Atlantico-Business

Joe Biden rappelle à l'ordre les entreprises financières américaines pour qu'elles respectent les sanctions à l'encontre de la Russie. De manière générale, il va imposer aux occidentaux de boycotter les pays coupables de crimes de guerre, en Russie comme au Moyen-Orient.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le président américain ne mâche pas ses mots en rappelant à l'ordre les entreprises qui n'appliquent pas les sanctions économiques et financières contre les pays coupables d'actes de guerre ou de terrorisme. Il vise un certain nombre de banques et d'institutions financières qui, malgré les consignes, continuent d'assurer des transferts de fonds vers la Russie, finançant ainsi son effort de guerre. Cela concerne également toutes les entreprises et organisations occidentales qui, par leurs activités, permettent aux groupes terroristes de poursuivre leurs activités dans la bande de Gaza ou de collaborer avec des pays complices comme l'Iran.

Un certain nombre d'études montrent en effet que les sanctions prises n'ont pas eu d'effets très spectaculaires. La Russie a continué de vendre son pétrole et son gaz via des pays amis , chinois ou indiens. Bien que la Russie ait dû brader ses prix, permettant à ces intermédiaires de réaliser des marges substantielles, elle n'a finalement pas manqué d'argent pour transformer son économie intérieure en machine de guerre. L'administration américaine a découvert que la circulation d'argent entre la Russie, la diaspora des oligarques et les clients potentiels a été favorisée par l'imagination des professionnels de la finance, qui trouvent les moyens de contourner le blocage du système SWIFT, système qui gère habituellement les paiements internationaux et leur compensation et qui avait été gelé au lendemain de l’agression russe en Ukraine . 

Le système de sanctions contre l'économie à l’intérieur de  la bande de Gaza, contre les groupes terroristes et les pays qui les soutiennent n'a pas été jusqu'à présent très bien respecté, permettant à l'argent de continuer à circuler pour financer des armes, acheter des informations ou des complicités.

Ce type de situation n'est pas nouvelle. Depuis que le capitalisme existe, les acteurs ont très souvent fait des affaires en dépit des désordres et des conflits, à condition que les règles du droit commercial et les accords internationaux soient respectés. Le droit international de la guerre a toujours cherché à faire en sorte que les civils et leurs activités ne soient pas touchés par la guerre.

Il est évident que le comportement de la Russie en Ukraine, de l'Iran, et en général de tous les États voyous, a poussé les démocraties libérales à empêcher leurs entreprises privées de continuer à faire des affaires. Beaucoup de ces entreprises ont donc officiellement cessé leur activité, non pas seulement parce que les gouvernements le leur demandaient, mais aussi parce que leurs activités ne pouvaient matériellement pas se poursuivre. Les usines ou les entrepôts avaient été détruits.

Très rapidement après la guerre en Iran, et plus encore en Russie depuis l'Ukraine, la majorité des entreprises occidentales ont arrêté leur activité en essayant de préserver ou de vendre les actifs. Du côté français, on sait que Auchan, Veolia, Vinci, Bonduelle, Renault, Danone, LVMH, Air France, Airbus, L'Oréal, et d’autres  ont officiellement quitté la Russie. Certaines ont été fermées purement et simplement, d'autres se sont mises en jachère en attendant un retour au calme, et d'autres encore ont été nationalisées au profit de quelques oligarques restés fidèles au pouvoir du Kremlin, etc.

Au Moyen-Orient, on assiste au même phénomène. Des entreprises comme Carrefour, L'Oréal, Axa ont du mal à travailler parce que depuis le 7 octobre, jour de l'offensive épouvantable du Hamas, elles sont soupçonnées d'apporter leur soutien à Israël.

Ce qui est nouveau aujourd'hui, et depuis près de deux ans, c'est que les entreprises ne sont pas seulement soumises aux injonctions des gouvernements, mais elles sont aussi soumises à la pression de leur environnement. La clientèle peut décider de boycotter telle ou telle marque, les salariés peuvent aussi faire valoir leur avis, sans parler des actionnaires. En bref, la géopolitique interfère auprès des gouvernances pour leur rappeler qu'elles ont une responsabilité humanitaire et morale  à l'égard de leurs partenaires. Cette responsabilité morale à l'encontre d'un État terroriste, par exemple, ou d'un État en guerre, est du même ordre  que les responsabilités à respecter les contraintes écologiques ou sociales.

Cette responsabilité géopolitique n'est pas codée, elle est mal définie, et elle oblige les gouvernements à réglementer les comportements. L'entreprise ne fait pas de politique, ça n’est pas son métier … mais quand les circonstances débordent du champ humain supportable,  la politique de plus en plus s'impose à elle.

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