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Le Pen/Mélenchon : Europe, entreprises, impôts... le match des programmes de rupture
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Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont chacun un programme pour la France. Quelles sont leurs différences, ou points communs, sur les questions économiques?

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico: Quelle est pour chacun d'eux la place de l'entreprise dans la France qu'ils envisagent? 

Gilles Saint-Paul: Les deux programmes ont une philosophie assez différente. Pour Jean-Luc Mélenchon, l’ennemi c’est l’entreprise et les « riches ». Pour Marine Le Pen, l’ennemi c’est l’étranger. Ainsi, le premier envisage un durcissement de la réglementation du travail et de la fiscalité sur le capital, tandis que la seconde promeut le nationalisme économique : préférence nationale pour les appels d’offres, remise en cause de la directive sur les travailleurs détachés, etc.

Après avoir soutenu la ligne de Philippot pour un état fort pendant des années, Le Pen évoque de plus en plus les PME dans ses interventions; reviendrait-elle à une ligne économique libérale comme son père par le passé?

La stratégie de conquête du pouvoir de Marine le Pen tente de ménager la chèvre et le chou afin de constituer une coalition suffisamment vaste lui permettant de l’emporter. Elle s’adresse aussi bien à des salariés modestes qu’à des petits patrons brimés par les réglementations et la fiscalité. Ainsi, elle ne revient pas sur les 35 heures mais propose de réintroduire la défiscalisation des heures supplémentaires. Elle s’engage à retirer la loi El Khomri tout en proposant des allégements de charges et un taux d’IS réduit pour les PME. Cette ligne économique n’est pas libérale au sens où elle ne se traduit ni par une hausse de la concurrence et des libertés économiques, ni par une réduction des dépenses publiques. A long terme, la pression fiscale ne baissera pas et les mesures protectionnistes pèseront sur la compétitivité. 

Les deux candidats sont résolument anti-européens, mais peuvent-ils mettre en pratique leurs propositions: renégocier les traités européens, sortir de la zone Euro?

Tout dépendra de la volonté de nos partenaires européens de renégocier les traités. La France est au cœur de l’UE et peut menacer crédiblement de la faire imploser. Les exigences de la France seront donc prises au sérieux.

Prenons par exemple les objectifs de M. Mélenchon. Il est probable qu’il parvienne à négocier des clauses d’exception pour la France en ce qui concerne la libéralisation des services publics et la directive sur les travailleurs détachés. En ce qui concerne l’assouplissement du pacte de stabilité, il aurait mauvaise grâce à jouer les don Quichotte, parce qu’en réalité la France s’est toujours débrouillée pour le violer et remettre à plus tard la mise en œuvre d’un programme d’ajustement fiscal. En ce qui concerne la modification des statuts de la BCE, en revanche, il se heurtera à une fin de non-recevoir de la part de Berlin, d’autant que les Allemands ont avalé assez de couleuvres avec les entorses de Mario Draghi aux principes qui régissent la BCE (OMT, etc). Quant aux mesures qu’il propose comme représailles au cas où l’UE refuserait ses exigences (plan « B ») elles sont illégales au regard des traités et ne pourraient être mises en œuvre que si la France quittait l’Union Europeénne. Il est plus probable que M. Mélenchon se satisferait du compromis esquissé plus haut, d’autant que le Front de Gauche n’a aucune chance d’obtenir une majorité absolue au Parlement.

En ce qui concerne les propositions de Marine le Pen sur la place de la France dans l’Europe, elles sont étonnamment vagues et se bornent à «  une négociation » suivie d’un « référendum sur notre appartenance à l’Union européenne. » «  L’objectif est de parvenir à un projet européen respectueux de l’indépendance de la France ». La possibilité de sortir de l’UE, ou même de la zone Euro, n’est donc pas mentionnée explicitement, bien que le but de « restituer à la France sa souveraineté monétaire » le soit. On ne peut que s’étonner du contraste entre ce langage ambigu et l’insistance de Mme Le Pen à parler d’une possible sortie de l’Europe au cours des débats, au risque d’effrayer une partie de son électorat naturel : petits patrons, épargnants… Dans ces conditions, on ne peut que spéculer sur la suite des évenements si Marine Le Pen était élue. Il y aurait sans doute un référendum à l’automne, mais sur quelle base ? Une sortie brutale de l’UE, ou un traitement de faveur comme celui qu’ont connu les Britanniques ?  En tout état de cause, si elle est élue, les marchés s’agiteront et elle devra prendre des décisions extrêmement rapides, afin d’éviter une envolée des spreads et une dynamique explosive de la dette comme celle que les Grecs ont connu.

Leurs politiques auraient-elles les mêmes effets selon vous dans ce domaine? 

Les politiques sur l’Europe ne peuvent pas être analysées indépendamment des autres propositions. Le programme du FN repose, pour faire court, sur un capitalisme d’Etat à la Poutine. Il n’est pas très favorable à la croissance ni à la réduction des déficits mais n’est pas dénué de viabilité économique. Dans ce contexte ce sont les propositions sur l’Europe qui inquiètent, parce qu’elles pourraient conduire à une fuite des capitaux, les détenteurs de dette craignant que leurs avoirs libellés en euros soient dépréciés du jour au lendemain suite à une redénomination en francs. Le programme du Front de Gauche, lui, est plus réaliste sur l’Europe mais devrait conduire à un arrêt brutal de l’activité économique et à un exil des riches et des entrepreneurs. Ce sera donc la politique structurelle du gouvernement, plutôt que sa posture sur l’Europe, qui conduira dans ce cas à une fuite des capitaux. Cette dernière mènera sans doute le gouvernement à imposer rapidement des contrôles de capitaux en violation des traités européens, et donc à se radicaliser par rapport à nos partenaires au-delà de ce qui était prévu initialement dans le volet correspondant de son programme.

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