Le mythe de la voiture électrique : comment tuer une industrie<!-- --> | Atlantico.fr
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Des employés travaillent sur la chaîne de montage qui produit à la fois le véhicule électrique Renault Zoe et le véhicule hybride Nissan Micra, à Flins-sur-Seine, le plus grand site de production de Renault en France en mai 2020.
Des employés travaillent sur la chaîne de montage qui produit à la fois le véhicule électrique Renault Zoe et le véhicule hybride Nissan Micra, à Flins-sur-Seine, le plus grand site de production de Renault en France en mai 2020.
©MARTIN BUREAU / AFP

Bonnes feuilles

Christian Gerondeau publie « La religion écologiste. Climat, CO2, hydrogène : la réalité et la fiction » aux éditions de L’Artilleur. La température moyenne de la planète a augmenté d’environ 1°C depuis un siècle et demi. Selon le GIEC, la cause principale de cette hausse serait les émissions de CO d’origine humaine et, pour sauver notre terre d’une catastrophe imminente, il faudrait donc faire baisser nos émissions. Cessons de trembler et utilisons notre raison. Extrait 2/2.

Christian Gérondeau

Christian Gérondeau

Christian Gérondeau est polytechnicien et expert indépendant. Il travaille depuis plus de dix ans sur les questions environnementales.

Il est l'auteur du livre "Ecologie la fin" aux Editions du Toucan et "L'air est pur à Paris: mais personne ne le sait!" aux éditions de L'Artilleur.

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Dans l’esprit de la plupart de nos contemporains et sans doute de celui de nos dirigeants, un véhicule électrique n’émet pas de CO2 contrairement à ceux qui fonctionnent à l’essence ou au diesel. La vérité est bien différente.

Certes, aucun rejet de ce gaz n’apparaît lorsqu’un véhicule tout électrique circule puisque celui-ci n’a pas de pot d’échappement. Mais c’est ailleurs que les émissions prennent place, et ceci de deux manières différentes. Les unes surviennent pendant la construction du véhicule et de ses batteries. Les autres sont la conséquence de la production de l’électricité utilisée quand celui-ci roule.

Que le véhicule soit électrique ou non, sa phase de construction exige tout d’abord de multiples opérations pour que les matériaux utilisés soient extraits puis prennent forme et constituent progressivement les pièces qui, une fois assemblées, constitueront le produit fini. Et ces opérations, grosses consommatrices d’énergie, engendrent d’une manière ou d’une autre des émissions conséquentes de CO2, évaluée à neuf tonnes pour un véhicule classique à motorisation thermique.

Dans le cas d’une motorisation électrique, il faut en outre tenir compte de celles qu’implique la fabrication des batteries, d’autant plus que celles-ci sont très lourdes.

Il s’agit là d’un secret bien gardé. Pour disposer d’une autonomie raisonnable, les batteries des véhicules « tout électrique » sont très massives du fait d’une contrainte physique incontournable. La première pile a été inventée par l’Italien Alessandro Volta en 1800 mais, malgré 220 ans de recherche par des milliers d’ingénieurs de par le monde, la capacité énergétique des batteries reste très faible en regard de celle des hydrocarbures. Pour parcourir 300 kilomètres dans une voiture électrique, ce qui est le strict minimum acceptable, il faut que celle-ci dispose d’une batterie de 300 kilos au moins avec les techniques les plus modernes, et en ne roulant pas très vite. Pour le même parcours, une voiture traditionnelle moderne consommera de l’ordre de 18 litres de carburant pesant 15 kilos environ, soit 20 fois moins!

On découvre ici la faiblesse innée de la motorisation électrique, avec pour autre conséquence que celle-ci coûte nécessairement beaucoup plus cher que ses concurrents traditionnels, car ces très lourdes batteries nécessitent le recours à des métaux et à des «terres rares» qui sont à la fois peu abondants sur la planète et très onéreux à extraire et à transformer, ce qui explique que celles-ci représentent une part considérable du coût du véhicule, nécessairement importée aujourd’hui.

Lorsque la fabrication des batteries a lieu en Chine, ce qui est le cas dominant aujourd’hui, ce sont 26 tonnes de CO2 qui sont alors émises lors de la fabrication de chacune d’entre elles, car l’essentiel de l’électricité y provient de centrales à charbon.

Mais la fabrication des véhicules et de leurs batteries n’est pas la seule source potentielle d’émissions de CO2. Tout dépend ensuite de la provenance de l’électricité que ceux-ci utiliseront pendant leur durée de vie. Si cette dernière provient exclusivement de sources entièrement «décarbonées », telles que des barrages ou des centrales nucléaires, elle n’engendrera aucune émission de CO2 dans l’atmosphère. Mais il s’agit là de circonstances très minoritaires au niveau mondial.

Dans beaucoup de pays, comme la Chine, la grande majorité de l’électricité produite émane au contraire de centrales à charbon, et le résultat est sans appel : du fait de ces dernières un véhicule électrique rejette alors au total dans l’atmosphère pendant sa vie plus de CO2 que ceux qui fonctionnent à l’essence ou a fortiori avec un moteur diesel!

Tout dépend donc du lieu où circule le véhicule concerné. Si l’on considère l’Union Européenne dans son ensemble, l’électricité produite y émane aujourd’hui à 40% de centrales thermiques classiques, à 25% de centrales nucléaires, à 10% de barrages hydroélectriques, et à 25% de sources d’énergies renouvelables intermittentes (éoliennes et panneaux photo[1]voltaïques). Il en découle qu’en moyenne, une voiture électrique circulant en Europe émet au cours de sa vie entière presqu’autant de CO2 qu’un véhicule à essence ou a fortiori diesel, comme l’a constaté l’Agence Européenne de l’Environnement peu suspecte de complaisance pour les carburants fossiles.

Encore ceci est-il une sous-estimation manifeste car un véhicule qui circule sur les routes européennes n’utilise pas l’électricité «moyenne », mais une électricité marginale provenant le plus souvent uniquement de centrales thermiques à gaz ou à charbon et non d’énergies renouvelables puisque celles-ci sont prioritaires sur le réseau et déjà consommées quoi qu’il arrive.

D’autres études arrivent également à la conclusion qu’en moyenne en Europe, les véhicules « tout électrique » émettent en réalité au long de leur vie plus de CO2 que ceux qui ont recours aux motorisations habituelles.

Certes, il est prévu que la production d’électricité sur le Vieux Continent fera de moins en moins appel aux centrales thermiques à charbon, à lignite ou au gaz naturel. Mais cette «prévision» appelle deux considérations.

La première, déjà explicitée, tient à ce que personne ne sait comment faire pour qu’elle se réalise, compte tenu du caractère intermittent des énergies éoliennes et photovoltaïques et des réticences existant dans de nombreux pays devant le nucléaire. Elle est donc irréaliste et l’Union Européenne aura encore besoin de centrales thermiques classiques dans tout avenir prévisible.

En outre, à supposer même qu’une solution soit trouvée, quel serait alors l’impact sur les émissions mondiales de CO2 si toute l’électricité du Vieux Continent était un jour décarbonée ? Aujourd’hui la totalité de la circulation routière européenne, poids lourds compris, engendre des rejets de 400 millions de tonnes de CO2 chaque année, soit 0,4 milliard. En regard des 3200 milliards de tonnes présentes actuellement dans l’atmosphère, la diminution serait donc de 0,4 milliard de tonne par an, soit de l’ordre de 8000 fois moins, c’est-à-dire qu’elle n’aurait pas le moindre effet. Et c’est là l’essentiel à prendre en compte. Comme dans tous les autres domaines, les efforts européens et les dépenses de centaines de milliards d’euros qu’ils impliquent pour réduire les émissions de CO2 ne servent à rien. Faut-il enfin préciser que passer d’un niveau moyen d’émission de 95 grammes par kilomètre à 59, ce qu’exige l’Union Européenne, serait encore moins utile si possible.

Et les efforts dans ce domaine sont d’autant plus nuisibles à l’industrie du Vieux Continent, à son économie et donc à ses emplois, que les autres parties du monde ne la suivent pas sur la voie des véhicules électriques pour plusieurs raisons de bon sens.

Le prix, tout d’abord, est dissuasif compte tenu du coût des batteries. Pourquoi dépenser 30 à 50% de plus pour acheter une voiture dont le rayon d’action est deux ou trois fois plus faible que celui de son homologue à essence ou diesel? À de rares exceptions près, seuls d’ailleurs acquièrent des voitures électriques des clients aisés pour lesquelles elles sont le plus souvent le deuxième ou troisième véhicule. Il est vrai qu’il existe une clientèle pour des montres de luxe qui donnent exactement la même heure que les autres, mais elle est limitée… Et les subventions dont bénéficient aujourd’hui les véhicules électriques le sont donc au profit des riches, avec l’argent des pauvres.

La rareté des ressources nécessaires pour la construction des batteries est un autre facteur qui s’oppose à la généralisation de la motorisation électrique, alors même que le pétrole est abondant pour longtemps et à un coût de revient exceptionnellement faible en regard de son utilité. Aujourd’hui seuls 1% à 2% des véhicules routiers construits sur la planète ont recours à l’électricité pour l’essentiel de leur motorisation, et le pourcentage ne s’accroît guère pour ces deux raisons cumulées.

Il faut ajouter enfin que l’on ne sait pas vraiment comment traiter à grande échelle les batteries usagées, sinon par des opérations complexes donnant à nouveau lieu à des émanations de CO2.

Pour l’ensemble de ces motifs de bon sens, la diffusion des motorisations électriques restera marginale au niveau plané[1]taire en regard des 100 millions de véhicules routiers assemblés d’ordinaire chaque année dans le monde, et ceci quelles que soient les déclarations fantaisistes qui assurent que les véhicules fonctionnant aux carburants classiques seront interdits de vente ou de circulation dans 10, 15, ou 20 ans. De telles perspectives n’ont pas la moindre chance de voir le jour et n’engagent que ceux qui y croient.

Le reste du monde ne suit pas. La voiture électrique reste un phénomène de mode en Amérique du Nord où les distances à parcourir sont considérables, et même si celui-ci permet aux actions des firmes qui les fabriquent d’atteindre en bourse des niveaux aussi élevés qu’ils seront éphémères. Quant à la Chine, après des incitations massives qui ont permis un démarrage rapide de ce type de motorisation, elle vient de les restreindre et le marché s’effondre puisqu’il est artificiel.

Il est enfin impossible de passer sous silence le triple impact des véhicules électriques sur les finances publiques, car il est gigantesque.

Chacun sait tout d’abord que les carburants – essence et diesel – sont lourdement imposés en Europe. En France, il s’agit notamment d’une taxe autrefois intitulée TIPP et désormais baptisée TICPE qui, avec la TVA correspondante, rapporte chaque année 45 milliards d’euros aux finances publiques. La disparition des carburants traditionnels priverait donc le budget français, comme celui des autres pays européens, d’une de ses ressources majeures qu’il faudrait bien remplacer par d’autres qui restent à définir, à moins que l’électricité utilisée pour les véhicules électriques ne soit un jour massivement taxée selon des modalités qu’il est difficile de percevoir.

Pour les véhicules électriques, c’est aujourd’hui l’inverse. Ceux-ci n’ont pour l’instant un marché, au demeurant très limité, que parce qu’ils bénéficient de subventions massives sans lesquelles ils seraient encore plus difficile à vendre. Celles-ci s’établissent actuellement en France à plus de 6000 euros par véhicule, et l’on imagine sans difficulté leur coût global si les 2 millions de voitures neuves habituellement vendues chaque année dans l’Hexagone devaient en bénéficier!

Enfin, ce n’est pas tout. Pour pousser à son terme la logique de la décarbonisation, on a vu qu’il fallait subventionner dans des proportions considérables la production de l’électricité correspondante, par le biais d’une hausse des tarifs acquittés par les utilisateurs. Les consommateurs allemands sont ainsi déjà confrontés à des tarifs deux fois plus élevés qu’ailleurs, avec pour conséquence un surcoût annuel de 25 milliards d’euros qui constitue pour l’essentiel une subvention déguisée aux énergies renouvelables intermittentes. La consommation qu’impliquent les véhicules électriques pousserait ce surcoût vers de nouveaux sommets si ceux-ci devaient se multiplier.

En définitive il est difficile d’imaginer scénario plus catastrophique pour les finances publiques.

S’agissant de notre pays, celui-ci serait privé de l’une de ses ressources publiques fiables et plus ou moins acceptée par la population lorsqu’elle n’est pas augmentée pour de fallacieux motifs comme l’a montré l’épisode des gilets jaunes. Il devrait continuer à subventionner la vente des véhicules électriques à concurrence de 12 milliards d’euros par an au rythme des subventions actuelles pour l’ensemble du parc. Enfin, à supposer qu’il poursuive sur sa lancée actuelle de développement des énergies renouvelables intermittentes, ce qui est malheureusement le cas aujourd’hui, c’est un autre montant supplémentaire de l’ordre d’une vingtaine de milliards que devraient acquitter les budgets des individus et des entreprises par le biais des factures d’électricité pour aller au bout de la logique.

On comprend sans mal la réaction du président de la firme PSA, Carlos Tavares, lorsqu’il déclara en 2018: «Le monde est fou. Le fait que les autorités nous ordonnent d’aller dans une seule direction, celle du véhicule électrique, est un tournant majeur. Je ne voudrais pas que dans 30 ans, on découvre que ce n’est pas aussi beau que cela en a l’air, sur le recyclage des batteries et l’utilisation des matières rares de la planète. Et comment allons-nous produire plus d’énergie électrique propre? Comment faire pour que l’empreinte carbone de la fabrication d’une batterie et son recyclage ne soient pas des désastres écologiques…? »

Mais pourquoi les autres constructeurs et acteurs majeurs de la vie économique du pays se taisent-ils, si ce n’est pas par manque de conviction et de courage, et surtout parce qu’ils ont été convaincus par la doxa omniprésente qu’ils étaient « le mal », alors que les automobiles et les camions sont au contraire d’extraordinaires outils de productivité et de qualité de vie. Ils ont le meilleur des dossiers, mais ils ne le savent pas car ils sont persuadés «qu’ils polluent la planète », vision sans fondement comme l’ont montré les pages précédentes de cet ouvrage.

Mais il faut obéir aux dictats de l’Union Européenne, alors même que ceux-ci ne servent rigoureusement à rien. La suppression totale des émissions de la circulation routière européenne réduirait la température terrestre de 0,004 degré en 2050 d’après les hypothèses du GIEC elles-mêmes…

A lire aussi : Environnement : l’utopie de la "neutralité carbone" 

Extrait du livre de Christian Gerondeau, « La religion écologiste. Climat, CO2, hydrogène : la réalité et la fiction », publié aux éditions de L’Artilleur.

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