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Le discours d’Emmanuel Macron sur le Brexit : portrait de Johnson en "supermenteur" ?
©JOHANNA GERON / AFP / POOL

Diplomatie

Emmanuel Macron a prononcé un discours vendredi à quelques heures de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le président de la République a qualifié le Brexit de "choc" et de "signal d'alarme historique" pour "l'Europe toute entière".

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Y aura-t-il quelqu’un pour oser dire à Emmanuel Macron qu’un chef d’Etat est quelquefois plus influent à ne rien dire? Allons même plus loin à propos de l’allocution de sept minutes que le président français a prononcée cet après-midi du 31 janvier 2020, à quelques heures de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union Européenne: il aurait mieux valu qu’elle n’existe pas, pour les intérêts de notre pays et pour le président lui-même. 

1. Emmanuel Macron manque singulièrement de tact à prendre ainsi la parole avant que le Premier ministre britannique se soit exprimé ce soir. Ce vendredi 31 janvier est un jour de célébration pour la majorité des Britanniques mais aussi de déception pour certains Remainers. Il faut laisser au Premier Ministre britannique l’espace nécessaire et le temps pour réconcilier ses concitoyens entre eux. 

2. Or loin de se contenter d’être seulement un goujat bien peu au fait des usages diplomatiques, le président français en a rajouté ! Il s’est fait provocateur. Il a expliqué que « la campagne du Brexit en 2016 a été faite de mensonges, d’exagérations et de simplifications ». Il a également assuré à ses compatriotes que les chèques promis durant la campagne du Brexit ne seraient jamais honorés par ceux qui les avaient promis. Ces propos sont proprement stupéfiants ! Quelle arrogance au coeur de la haute fonction publique française ! Non, Monsieur le Président, Boris Johnson n’est pas  un nouveau Supermenteur. Il est inouï que vous preniez le risque de détériorer à ce point votre relation avec lui. 

Emmanuel Macron se rend-il compte qu’il vient de rendre proprement impossible tant qu’il sera président toute coopération sérieuse entre Paris et Londres? N’entend-il pas, quoi qu’il assure par ailleurs, qu’il répète les erreurs commises depuis son arrivée à la présidence, en n’utilisant pas l’occasion extraordinaire que procurait le Brexit pour replacer la France en médiatrice entre l’UE et la puissance qui en sort? Non, Emmanuel Macron, tel ces émigrés de l’Ancien Régime qui, revenant en France après vingt-cinq ans de révolution et de guerre n’avaient « rien compris ni rien oublié », semble vouloir absolument maintenir qu’il a eu raison, qu’il a raison sur le Brexit. 

3. On comprend bien l’angoisse qui saisit celui qui avait tant misé sur l’Union Européenne. Cette dernière pourrait-elle progressivement se désintégrer, sous l’effet de la sortie britannique. Le président français, là encore, est prêt à commettre à nouveau les erreurs de la phase 2016-2019: il n’y aura, nous explique-t-il, qu’un seul négociateur représentant l’UE, parlant au nom de tous les pays. C’est à nouveau l’échec assuré. « En même temps », le président assure à ses compatriotes qu’il veillera jalousement sur leurs intérêts: mais comment fera-t-il s’il s’agit de trouver un plus petit dénominateur commun avec les vingt-six autres? Mais en quoi une telle attitude maintiendra-t-elle le dynamisme de l’Union? 

4. Comme d’habitude, le président français ne se rend pas compte combien il se dessert à faire aussi long. N’est-ce pas un comble que le chef de l’Etat ait fait à 18h à ses compatriotes, sur le Brexit, un discours deux fois plus long que celui tenu par Boris Johnson aux Britanniques à 22h, heures de Londres? 

Nous voilà arrivés à un point sans équivalent dans l’histoire de la Vè République, d’usure de la parole présidentielle. A l’intérieur, Emmanuel Macron inonde régulièrement ses compatriotes de messages contradictoires (le « en même temps »), le plus souvent, absurdes quelquefois: ainsi lorsqu’il a comparé, en revenant d’Israël, les enjeux mémoriels de la guerre d’Algérie et ceux de la Shoah; où lorsqu’il a expliqué à une interlocutrice qu’elle se trompait si elle croyait qu’un père était « forcément un mâle » pour motiver son opposition aux lois sociétales du gouvernement. La disposition à traiter les Brexiteers de menteurs n’est pas, chez Macron, un dérapage isolé. Depuis qu’il est à l’Elysée, notre président a largement distribué mépris et leçons, vis-à-vis de la Russie, de l’Italie, de la Hongrie etc... Or, à l’étranger, le président français ne semble pas percevoir que l’on est passé, à son égard, en deux ans et demi, de la curiosité à l’agacement; de l’agacement à la détestation; et, enfin, plus récemment - le discours d’aujourd’hui sur les mensonges de la campagne du Brexit ne fera que renforcer la tendance - de la détestation au mépris. 

Un citoyen français hésitera entre le désarroi de voir son pays ainsi déconsidéré par celui qui est censé le représenter dignement; et l’humour d’un souhait, très pressant, de voir un Cetautomatix surgir qui empêche notre Assurancemanix, pardon Assurancetourix, de chanter à tort et à travers. 

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