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Le difficile quotidien des seniors qui vivent avec moins de 1.000 euros par mois
©GERARD JULIEN / AFP

Bonnes feuilles

Claire Lajeunie publie "Pauvres de nous" aux éditions Michalon. En France, 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Derrière ces chiffres, il y a des visages. Lorsqu'elle se lance dans le tournage du documentaire éponyme, Claire Lajeunie ne se doute pas qu'elle va prendre de plein fouet une réalité sociale insidieuse. Extrait 2/2.

Claire Lajeunie

Claire Lajeunie

Claire Lajeunie est réalisatrice et productrice. Elle a signé plusieurs documentaires autour de la question des marginaux et des laissés pour compte, parmi lesquels "Pauvres de nous", pour France 5. Son livre "Sur la route des invisibles" (Michalon, 2015) a été adapté au cinéma en 2019 par Louis-Julien Petit.

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En France, un million de seniors vivent avec moins de 1 000 euros par mois.

Marianne, 62 ans, cheveux raides et courts, visage jovial et regard rieur caché derrière sa paire de lunettes, connaît bien cette réalité. Malgré sa santé fragile, Marianne a passé sa vie à enchaîner des petits boulots pour nourrir ses enfants. 

Originaire de Roubaix, Marianne vit à Tourcoing depuis une vingtaine d’années avec Garcia, son mari depuis 42 ans. Elle a deux enfants et cinq petits-enfants. Marianne, pour moi, c’est la mamie que tout le monde rêve d’avoir. Elle est généreuse, bienveillante, coquette, drôle et attendrissante. En intégrant son portrait au film, je cherche à savoir si à 70 ans, on s’apaise un peu.

Marianne touche 672  euros de retraite pour 34 ans et demi de travail. Cela me terrifie de penser qu’on peut avoir travaillé toute son existence et continuer à vivre en mode survie quand sonne l’heure de la retraite. Cette période ne devrait pourtant pas être une souffrance, mais devrait être synonyme de repos, de voyages et de quiétude. J’ai donc ma réponse d’emblée. Malheureusement, ça ne va pas mieux. 

Avoir si peu, cela signifie qu’il faut compter chaque jour. C’est le principe du début du mois. Le premier jour, tout va bien, Marianne est contente de recevoir cette somme. Le deuxième jour, elle l’est un peu moins, et puis le troisième jour, elle se dit : « Putain, qu’est-ce que je vais bouffer ce soir ? » Cette remarque me renvoie évidemment à Isabelle qui reprenait la phrase de Coluche sur les débuts de mois difficiles qui durent 30 jours. 

Pour se faire couper et colorer les cheveux, elle n’a pas d’autre choix que de faire appel aux apprentis d’une école de coiffure belge : 20 euros le tout. Elle assume et n’a pas honte.

Je décide de la suivre en Belgique. Nous filmons ce moment de complicité avec la jeune coiffeuse.

Marianne m’explique qu’elle fait ce trajet parce qu’elle n’a pas les moyens de payer ce service dans un salon qui le lui facturerait entre 70 ou 75 euros. Elle ne pourrait pas se le permettre. Jamais. Je comprends que, comme Isabelle, Marianne a besoin de prendre soin d’elle et d’avoir ce rituel. Elle me dit qu’elle sera bien après sa coupe. Elle est chouchoutée et dorlotée, elle ne pense qu’à elle l’espace de cet instant. Elle entre dans l’école sans avoir le moral, déconfite, elle en ressort toute pimpante. « Qu’est-ce que tu veux de plus ? » me lance-t-elle. 

Quand on évoque les finances, Marianne estime qu’en reste-à-vivre, elle dispose de 200 euros par mois pour deux. Heureusement, les enfants sont là pour elle. Ils l’aident énormément financièrement. Et dès qu’elle le peut, forcément, elle le rend, mais jamais à la hauteur de ce qui a été distribué. Elle espère un jour ne plus rien avoir à demander.

Pourtant, Marianne a travaillé toute sa vie, même plus que sa vie. Elle a ainsi vécu à Paris plusieurs années. Elle y a gagné beaucoup d’argent. « Pas forcément des millions, mais énormément d’argent », me confie-t-elle. À l’époque, elle était vendeuse en chaussures de luxe. En même temps, elle était gardienne de plusieurs immeubles, ce qui fait qu’avec les étrennes et tout le reste, elle n’était pas à plaindre. Mais elle avait 20 ans… Un passé d’enfant battu, maltraité, qui a eu son premier morceau de beurre à 18 ans. Alors l’argent, « fallait que ça bouge », comme elle dit.

Extrait du livre de Claire Lajeunie, "Pauvres de nous", publié aux éditions Michalon.

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