Le couple franco-allemand, cette illusion à laquelle seule la France croit encore vraiment <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Emmanuel Macron et Angela Merkel lors du conseil des ministres franco-allemand le 31 mai 2021.
Emmanuel Macron et Angela Merkel lors du conseil des ministres franco-allemand le 31 mai 2021.
©Michael Sohn / POOL / AFP

Moteur (en panne) de l’Europe

Le dernier conseil des ministres franco-allemand de l’ère Merkel avait lieu ce lundi.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

Voir la bio »

Atlantico : Que retenir de ce conseil franco-allemand qui s'est tenu ce lundi en visioconférence, le dernier d'Angela Merkel ?

Edouard Husson : Poussons d'abord un franc éclat de rire ! Le dernier sommet franco-allemand de Madame Merkel a été perturbé par la question du rôle du Danemark dans le relais d'un espionnage des dirigeants européens par le gouvernement Obama, dont le vice-président s'appelait Joe Biden. Durant quatre ans, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont eu en Donald Trump un authentique allié, exigeant, disant en face ce qu'il avait à dire, demandant à chacun de payer sa part de la contribution à l'alliance occidentale et proposant, avant même la diffusion du COVID 19 depuis Wuhan une alliance des nations libres contre la Chine communiste. Mais la pâte humaine dont sont faits ces dirigeants est telle qu'ils préfèrent le faux ami, celui qui vous fait des sourires par devant et vous espionne de manière sournoise. Il est très significatif que ce soit ce que l'on retiendra de ce dernier sommet franco-allemand avec la participation de Madame Merkel. Je trouve non moins significatif que ce dernier sommet n'ait pas pu se dérouler en présence. Là encore, une question de pâte humaine: si cette "dernière" devait avoir une quelconque solennité, comment l'imaginer autrement qu'en face à face? Mais depuis dix-huit mois, nos dirigeants vivent et font vivre leurs peuples dans la peur. Les Etats-Unis d'un côté, et leur impérialisme sournois, la Chine, de l'autre, et son virus à l'effet psychologique disproportionné par rapport à son danger réel: était-ce un sommet Paris-Berlin ou un sommet Washington-Pékin par délégation?

Dans quel état sont aujourd'hui les relations entre les deux pays ? Comment ont-elles évolué depuis 2017 ?

À Lire Aussi

Brexit : et si les électeurs britanniques avaient obtenu une bonne partie de ce qu’ils souhaitaient ?
Dans la première moitié de son mandat, Emmanuel Macron, malgré ses envolées lyriques, s'est heurté à la réalité. La France, depuis Hollande, est trop mal gérée pour peser dans le dialogue franco-allemand. Laissons au président français une certaine lucidité: il imaginait que l'on saisisse le moment Trump pour faire émerger une vraie défense européenne. Il a plaidé pour une politique plus ouverte vis-à-vis de la Russie. Mais la Chancelière, qui n'a jamais eu au fond que détestation (Sarkozy) ou mépris (Hollande) pour les présidents français qu'elle a côtoyés - selon tous les témoignages que j'ai pu recueillir à Berlin - n'a jamais bougé sur une initiative française. Elle n'aurait jamais donné suite à l'idée d'un approfondissement de la zone euro ou d'un emprunt au niveau européen sans la nécessité, pour l'Allemagne de relancer le marché européen. Ce n'est pas pour Macron qu'elle l'a fait. Et ce dernier a été un obstacle pour la mise en place d'un Brexit pragmatique. Donc au total les relations franco-allemandes ne sont pas bonnes. L'Allemagne, depuis la fin de la période Schröder, garde un oeil attentif sur la relation pour contrôler Paris. Mais il n'y a plus que les Français pour croire qu'il faut passer par "Paris-Berlin" pour gagner un dossier européen. Cela fait longtemps que l'Allemagne constitue ses coalitions européennes pour faire passer ses mesures. Et le gouvernement allemand va intensifier la méthode puisque la Grande-Bretagne n'est plus là, qui était souvent un allié.

Avec le départ d’Angela Merkel, comment ces relations franco-allemandes pourraient-elles évoluer ? Peut-on s'attendre à une rupture ou à une continuité ?

À Lire Aussi

Conseil européen : l’Union (européenne) fait-elle vraiment la force en matière de politique étrangère ?
Angela Merkel est le dernier chancelier puissant. Son successeur, qu'il s'appelle Annalena Baerbock ou Armin Laschet, sera le chef d'une coalition fragile, éventuellement à trois partis.Les gouvernements allemands vont être de plus en plus faibles. Le jeu français sera de plus compliqué par l'activisme des Allemands de Bruxelles, un 17è Land, du point de vue de l'influence politique. Nos gouvernants ne savent pas faire du lobbying à Bruxelles; ils ne savent pas non plus réseauter dans les Länder allemands. L'Assemblée franco-allemande mise en place par le traité d'Aix-La-Chapelle, pourrait être un lieu d'activité et de réseautage français. Mais nos députés n'y sont pas plus assidus qu'au Parlement européen. Le prochain gouvernement allemand sera content des sommets franco-allemands pour une raison: ils lui permettront de peser un peu plus entre l'enclume des Länder et le marteau bruxellois. Mais cela veut dire aussi que Macron ou son successeur courront en permanence le risque d'être instrumentalisés.

À Lire Aussi

Quand l’Europe peine à maintenir le fragile équilibre entre ses valeurs et ses intérêts

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !