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Le coupable dans l’incendie de Notre-Dame : le progressisme
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXe siècle.

Disraeli Scanner

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Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Hughenden, 
Le Dimanche de Pâques 2019

Mon cher ami, 

15 avril 2019: quand la France est devenue conservatrice

L’émotion qu’a suscitée l’incendie de Notre-Dame est justifiée. La collection des cathédrales gothiques françaises est un joyau de la civilisation. Je suis étonné, franchement, que personne chez vous, n’ait posé la question de l’état et de la sécurité des autres cathédrales: Les autres “Notre-Dame”, celles d’Amiens, Chartres, Rouen sont-elles moins en danger que Notre-Dame de Paris? Personne ne peut dire encore quelle est la cause de l’incendie qui a ravagé la cathédrale de votre capitale; mais on est frappé, lorsqu’on s’extrait des commentaires de l’éphémère livrés par votre président de la République ou vos médias, de voir la négligence du Ministère de la Culture vis-à-vis de ce patrimoine. Ce n’est pas seulement le manque d’argent; ce sont des choix erronés. Il y a toujours des subventions pour le dernier scandale artistique à la mode, pour financer le Street Art, les tags, des sculptures obscènes ou la dernière obsession des relations du Ministre; en revanche, de moins en moins pour le patrimoine, en particulier pour “le blanc manteau d’églises” hérité de dix siècles de chrétienté. Ce n’est pas seulement l’Etat qui est en jeu. Cela faisait des années que les autorités ecclésiastiques à Paris n’arrivaient pas à lever d’argent privé pour compléter des budgets publiques maigrichons. A présent, les grandes fortunes industrielles françaises se livrent à une concurrence puérile, pour savoir qui donnera le plus. Mais elles sont largement responsables du désastre. 

En fait, c’est toute votre élite qui est devenue progressiste, ces quarante dernières années. Non seulement le passé n’avait plus d’importance mais il était même à reléguer aux oubliettes. C’est la culture occidentale qu’il s’agissait d’ignorer, à tout prix. Georges Pompidou vous a légué Beaubourg, qui défigure le centre de Paris. François Mitterrand, l’un des plus dissimulés de vos hommes politiques, a planté au milieu de la Cour du Louvre un hommage à la transparence en forme de pyramide et, à quelques encablures, il a laissé installer les zébrures de Buren dans la cour du Palais-Royal. Jacques Chirac ne se cachait pas de détester l’héritage architectural gréco-romain et chrétien et ne s’est intéressé qu’à la création d’un musée des arts appelés “premiers” par conformisme politique. On ne sait pas s’il faut féliciter les deux successeurs de ne pas avoir voulu laisser leur “marque” dans Paris; ou bien leur reprocher, amèrement, d’avoir laissé dériver la nébuleuse du Ministère de la Culture très loin de la préservation du patrimoine. 

Comme souvent, c’est à votre actuel président qu’il faut se référer quand on veut avoir un concentré de progressisme: loin de présenter les excuses de son gouvernement aux Français pour n’avoir pas du tout inversé les politiques précédentes - dans ce domaine comme dans d’autres - il a, au contraire atteint les sommets de l’absurdité en affirmant qu’il était possible de rebâtir la cathédrale en cinq ans; et qu’on la ferait “plus belle”. Sommet de l’indigence progressiste, votre président a proposé un concours international d’architectes pour rebâtir la flèche. 

Basculement conservateur 

Mon cher ami, avez-vous vu la vidéo où est interrogé l’aumônier des sapeurs-pompiers de Paris? Je ne connais rien de plus émouvant dans une semaine qui n’a pas manqué de témoignages propres à toucher la sensibilité. Ce prêtre explique simplement comment il s’est avancé dans la cathédrale pour sauver, non seulement, les reliques si précieuses de la Crucifixion, mais aussi les saintes espèces conservées dans le Tabernacle. En quelques phrases il rappelle que, pour vous autres catholiques, le “Saint-Sacrement” est vraiment le Corps du Christ. Même le protestant endurci que je suis n’a pu s’empêcher de percevoir la force de la foi de cet homme expliquant qu’au moment de ressortir de la cathédrale, voyant le beffroi nord menacé par l’incendie, il a brandi le Saint-Sacrement et appelé la protection du Christ sur cette partie de l’édifice. Cet homme, au fond, parlait la même langue que les premiers chrétiens qui ont évangélisé la Gaule ou que les hommes du XIIIe siècle qui ont construit la cathédrale qu’il s’agissait de sauver. 

On ne comprend rien au conservatisme si l’on ne voit pas qu’il y a toujours un noyau intact, qu’il s’agit de transmettre, fidèlement, de génération en génération. Dans l’histoire de la France, ce noyau ne se réduit pas au catholicisme; mais il n’existe pas sans la religion de vos ancêtres. Même un vieux mécréant comme Jean-Luc Mélenchon a trouvé des mots pour le dire. Au fond, il y a eu bien des miracles dans la soirée de lundi - mes ancêtres anglicans risquent de se retourner dans leur tombe s’ils me lisent mais je suis aussi un descendant d’Abraham selon la chair et les Juifs sont plus proches des catholiques ou des orthodoxes quand il s’agit d’évoquer l’intervention du surnaturel dans l’histoire. Il y a le sauvetage réalisé par l’aumônier des pompiers, la préservation du maître-autel, de la croix et du monument du vœu de Louis XIII, celle des rosaces, le fait que les murs et les fondations du bâtiment ont tenu. Il y a aussi ce que j’appelle le miracle conservateur: soudain votre peuple s’est rendu compte de ce à quoi il tenait vraiment. Les jeunes gens qui ont entouré Notre-Dame d’une couronne de prières et de cantiques toute la soirée de lundi pour supplier la Vierge de préserver le temple qui lui est dédié étaient l’avant-garde de tout un peuple saisi d’effroi et suppliant une puissance supérieure- beaucoup ne savent plus très bien à qui s’adresser - de mettre des bornes au désastre. 

On voit bien comment, dans le débat, malencontreusement lancé par votre président, sur les modalités de la reconstruction de la cathédrale, être conservateur, ce n’est pas seulement vouloir “reconstruire à l’identique”. La fidélité au patrimoine vient du désir de redécouvrir toute la sagesse qui se trouve dans ce monument. Comme au XIXe siècle, la redécouverte du Moyen-Age est aussi redécouverte des fondements de nos libertés. Les hommes et les femmes qui ont construit Notre-Dame étaient, à bien des égards, beaucoup plus libres que notre génération. Les rois de France contemporains de la construction des cathédrales étaient les garants des libertés féodales et communales; ils avaient un souci de la justice sociale qui fait apparaître notre époque comme particulièrement sinistre dans son abandon des individus qui ne réussissent pas. J’ai bien entendu, samedi, certains Gilets Jaunes, s’indigner que le patronat français ait débloqué aussi facilement de l’argent pour de “vieilles pierres” alors que des millions de Français vivent dans des conditions indécentes. On ne peut rien leur répondre, à moins de se souvenir que les pierres dont il s’agit furent assemblées par des générations éprises du souci du prochain. Reconstruire Notre-Dame, préserver les autres cathédrales, c’est retrouver la boussole des pères fondateurs de la nation française. 

Mon cher ami, je suis prêt à parier que, le 15 avril 2019, s’est produit définitivement le grand basculement conservateur que nous attendions. 

Bien fidèlement

Benjamin Disraëli

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