Mais pourquoi François Hollande et les socialistes éprouvent-ils le besoin de faire des quasi-déclarations de guerre aux religions ? <!-- --> | Atlantico.fr
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"En transformant une laïcité largement acceptée en un laïcisme de combat, les socialistes rallument la "guerre religieuse".
"En transformant une laïcité largement acceptée en un laïcisme de combat, les socialistes rallument la "guerre religieuse".
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Sectarisme

La laïcité positive de Nicolas Sarkozy avait été fort critiquée, celle défendue par le candidat socialiste risque de provoquer encore plus de remous et de rouvrir des guerres religieuses oubliées en France. Sans parler de la proposition de loi totalement liberticide des socialistes au Sénat sur la laïcité des nounous.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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La "laïcité positive" de Nicolas Sarkozy suscitait la critique, son "instituteur qui ne remplacera pas le curé" étonnait même les catholiques, son insistance à évoquer minarets et burqas provoquait une vigilance légitime. Mais le parti et le candidat socialistes sont en passe de faire pire. En transformant une laïcité largement acceptée en un laïcisme de combat, ils rallument la "guerre religieuse". Cela fait beaucoup pour un candidat au poste de "président rassembleur".

A peine installés au Sénat, les socialistes n'ont rien trouvé de plus pressé que de sortir une proposition de loi sur la laïcité des nounous. Le texte prévoit ceci :

« Art. L. 423-23 A – A défaut de stipulation contraire inscrite dans le contrat qui le lie au particulier employeur, l’assistant maternel est soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse dans le cours de son activité d’accueil d’enfants »

Ils disaient que la loi sur la burqa était inutile, que ce n'était pas un sujet, que le nombre de cas était dérisoire. Le cas des nounous voilés justifierait-il donc une loi ? Combien de nounous portent-elles un voile à leur domicile ? Quelqu’un s’en est-il jamais plaint ? Les parents qui ont confié leur enfant à une femme voilée et qui auraient par mégarde omis de voir ledit voile sur leur tête ? Les socialistes poussent plus loin encore les travers qu'ils dénonçaient chez Nicolas Sarkozy.

Au-delà même de l'opportunité de la loi, les socialistes mettent en place une vision de la laïcité liberticide. Alors que le gouvernement et l’UMP ne visaient « qu’à » règlementer le port de la burqa dans l’espace public, la majorité socialiste vient régir la tenue vestimentaire de la nounou et son espace privé ! 

L'Etat vient donc se mêler de ce que les nounous portent dans leur propre salon, s'immiscer dans le rapport libre entre parents et nounous, dans une démonstration inégalée d'"islamophobie d'Etat", au point que même la Ligue des Droits de l'Homme dénonce la proposition. Bien évidemment, les musulmans ne sont pas les seuls concernés. Toutes les religions sont concernées, et  les assistants maternels chrétiens devront ôter de leurs propres salons croix, icône, ou crèche à Noël.

Pour sa part, dans ce qui dessine un tableau cohérent hostile à la religion, François Hollande a décidé de marquer les esprits, au Bourget, avec une proposition inutile, inappropriée et incorrecte.

Ainsi est-il allé célébrer « la démocratie plus forte que les marchés, plus forte que l'argent, plus forte que les croyances, plus forte que les religions ». Les religions se trouvent ainsi au même rang que la finance, dont on sait qu'il est l'ennemi désigné du candidat Hollande... Le candidat socialiste ne se contente d'ailleurs même plus d’invoquer la République. Au-delà la République, c'est la démocratie elle-même que la religion menacerait ! La démocratie et la liberté connaissent pourtant des menaces plus directes, dans les propositions de lois socialistes au Sénat.

Et François Hollande a cette idée splendide : inscrire la laïcité dans la Constitution. Pas n’importe où : à l’article 1er. Ca, c'est de la proposition.

« Article 1er – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.»

Le problème, c'est que ceci n'est pas le projet de François Hollande, c'est le texte actuel de la Constitution. Vous l'avez compris : la laïcité est déjà inscrite dans la Constitution. Et à l’article 1er.

S'il y avait le moindre doute  - pour qui ne lirait pas la Constitution - le Conseil d’Etat a reconnu la laïcité comme un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » dans une décision SNES du 6 avril 2011, c'est-à-dire un principe qui a valeur constitutionnelle.

Alors, voilà la proposition n°46 :

« Je proposerai d’inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution en insérant, à l’article 1er, un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l’État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle. »

La proposition de François Hollande n’est donc pas seulement inopportune, elle est totalement inutile et elle fleure fort l’impuissance des politiques : pour montrer sa volonté politique, on ne se contente plus d'une loi, on révise la Constitution. Et François Hollande, si laïc, sacralise tant la loi de 1905 qu’il la vise dans la Constitution. C’est bien la première fois qu’une loi sera visée dans la Constitution ! Pour les non-juristes, il y a en droit un principe qui est la hiérarchie des normes : la Constitution a une valeur supérieure à la loi, qui a une valeur supérieure à un décret qui, lui-même, et tout ça. Ecrire dans la Constitution qu’elle est conforme à une loi est donc une aberration juridique sans nom. On se demande ce qu’on leur apprend à l’ENA.

François Hollande joue-t-il, l’inconséquent, avec la laïcité et les religions, comme avec un hochet ? Les socialistes instrumentalisent-ils l’Islam comme le pire des apprentis-sorciers qu’ils dénonçaient hier ? Ou les quelques monômes de Civitas les auront-ils convaincus d’un péril imminent que notre Constitution ne permettait pas de gérer ? Le changement, c’est maintenant : ce n’est plus « un fait divers, une loi » mais « un fait divers, une révision constitutionnelle » !

Pour faire bonne mesure, on notera que François Hollande réussit la performance de sanctuariser l'exception concordataire d'Alsace et Moselle  par sa mention dans la Constitution, mais en ignorant les exceptions de Guyane, Mayotte et autres DOM-TOM : devront-elles disparaître ?



François Hollande fait ici un choix stratégique surprenant : alors que les sondages indiquent que Nicolas Sarkozy est en perte de vitesse chez les catholiques, notamment pratiquants, François Hollande semble vouloir s’assurer qu’on ne lui trouve pas de beaux yeux, au point de fâcher même les plus pondérés (tels, ci-contre, le Père Matthieu Rougé et Antoine d'Abbundo, rédacteur en chef de Pèlerin). Pire, lui qui aime à se dépeindre en président rassembleur, il clive sur notre dos. Le nôtre, et celui des musulmans. Pourquoi ? Pour quelle urgence, pour quel enjeu ? Aucun.

"J'essaye de résoudre les conflits, je ne les recherche pas, je ne les suscite pas" (François Hollande, 26 janvier 2012)

Ca reste à prouver.

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