Laïcité : 13% des lycéens ne savent pas ce que c'est que... Et si on en profitait pour leur expliquer pourquoi ça n'est pas nécessairement la panacée <!-- --> | Atlantico.fr
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La laïcité est une invention de l’Eglise Catholique pour s’émanciper de la tutelle, parfois violente de l’Etat, qu’il soit royal ou républicain.
La laïcité est une invention de l’Eglise Catholique pour s’émanciper de la tutelle, parfois violente de l’Etat, qu’il soit royal ou républicain.
©Reuters

Késako ?

A l'occasion de la journée de refus de l'échec scolaire et quelques mois après les attentats, l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville), qui lutte contre le décrochage et apporte du soutien scolaire à des milliers d’élèves des quartiers populaires, étudie le rapport des jeunes de quartiers populaires avec leur relation à la citoyenneté et au principe de la République. Les résultats sont édifiants.

Marc Dubief

Marc Dubief

Marc Dubief est conseiller municipal de Bron.

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La laïcité est en passe de devenir la quatrième devise de notre République. Les élites, socialistes mais pas seulement, posent la laïcité comme un rempart aux communautarismes et à la dérive extrémiste de l’Islam. Laïcité par-ci, laïcité par-là, la laïcité semble être la panacée universelle à tous nos maux. La laïcité a été remise en selle, dans les années 90, avec « l’affaire du voile ». Elle a pris peu à peu de l’importance, pour devenir dans la bouche des politiques, la vertu ultime du 21ème siècle en France, sans pour autant régler nos problèmes. Les événements de janvier, l’affaire de la « jupe », ou encore l’attentat manqué du Thalys en sont la preuve. Il convient donc de s’interroger, réflexion à contre courant, sur la pertinence de cette approche laïque et ce avant qu’elle n’apparaisse sur le fronton de nos mairies.

La laïcité est ressentie comme islamophobe

La laïcité est une invention de l’Eglise Catholique pour s’émanciper de la tutelle, parfois violente de l’Etat, qu’il soit royal ou républicain. Le pouvoir n’a eut en effet de cesse de, soit de tenter de mettre sous tutelle le clergé, soit d’essayer de l’éradiquer. Il faut le redire avec vigueur, la laïcité, c’est l’Eglise Catholique qui l’a souhaitée pour préserver sa liberté ! Ce qui vaut pour les chrétiens ne vaut pas, pour l’heure, pour l’Islam. L’Islam est à la fois une religion,  une voie politique, un code (au sens juridique), et un fait culturel. Le Coran faisant l’unité autour de ces quatre dimensions. Ainsi l’Islam se vit à l’extérieur comme à l’intérieur, sans distinction. Les prescriptions alimentaires et vestimentaires, morales, s’appliquent partout et à tous. C’est un choix de vie, une transcendance, qui ne peut que difficilement être segmenté. Il n’y a pas d’un côté les laïcs et de l’autre les religieux, tout le monde est religieux, tout le monde est musulman. Cet ordonnancement  est à opposer à l’ordre occidental où il y a ceux qui prient, ceux qui travaillent et ceux qui guerroient. La laïcité, vue du monde musulman, est un objet insensé, un objet par construction « islamophobe » puisqu’il empêche, partiellement, sur l’aspect religieux au moins, la mise en œuvre du projet musulman. Au total la laïcité n’est pas l’outil adapté, elle peut être, au contraire, un catalyseur pour l’Islam radical.

Le laïcisme anti-chrétien rend les musulmans encore plus réactionnaires

Le constat d’une laïcité dévoyée, on parlera de « laïcisme », est le second point de la réflexion. L’affaire de l’affiche du concert « les Prêtres » partiellement interdite par la RATP ou encore la décision de justice obligeant le retrait de la statut de Jean-Paul II à Ploërmel -celle d’un chef d’Etat tombeur du « rideau de fer »- disent l’actualité de cette réflexion. Le message induit par le laïcisme est, que le fait religieux et sa dérivée culturelle, pour le « grand frère chrétien » particulièrement, n’ont plus droit de citer dans la vie publique. Il n’a pas le droit de citer dans l’ensemble de ces acceptions : religieuses, culturelles, politiques. L’Islam, encore minoritaire, perçoit négativement ces attaques contre ce que j’appellerai le « para-religieux ». Cela provoque une réaction épidermique chez nos concitoyens de confession musulmane, un repli identitaire et culturel contraire à la tant attendue démarche d’assimilation.  Ainsi plus le fait culturel chrétien sera ignoré, vilipendé, plus l’Islam sera réactionnaire pour se défendre a priori d’un Etat qui vise à éradiquer le fait religieux. La révision de la loi de 1905, qui est sur toutes les lèvres, sera le dernier et ultime renoncement, preuve de la faiblesse et de l’illégitimité de la société fondée sur des valeurs judéo-chrétiennes. En effet l’« L’islamisation » est avant tout le symptôme de nos renoncements successifs, balayons devant notre porte, et plus particulièrement les renoncements culturels et identitaires... On mesure alors  combien la révision de loi de 1905, incarnation de la laïcité par et pour l’Eglise serait contre-productive. 

Une citoyenneté hors-sol

Enfin, le laïcisme, outre le fait de mettre les croyants musulmans dans une posture de défiance, créé un grand vide. La laïcité, associée aux « valeurs de la République » ayant pour mission de remplacer les valeurs de la Nation, héritage de 1500 ans de chrétienté en Europe. Je défie quiconque de citer ces fameuses, valeurs… Elles sont d’ailleurs curieusement absentes du texte du Ministre de l’éducation nationale « Grande mobilisation de l'École pour les valeurs de la République », texte censé organiser la défense de celles-ci. Citons la « liberté d’expression » : que de divisions autour de cette soi-disant « valeur », qui devrait être universelle et naturelle… La laïcité mal entendue génère un vide culturel et une vacuité des valeurs sans précédent, voire des fractures irrémédiables. Le phénomène est accentué dans nos banlieues par l’insuffisante maîtrise du français. Nous sommes en train de créer, pour cause de laïcité et d’antiracisme, de « phobie » quelque chose, des générations de citoyens hors sol, sans repères. L’Islam, elle, ne peut se satisfaire de ce vide, révélateur de mollesse et de lâcheté. Cette perception est renforcée par le fait que pour un citoyen de confession musulmane tout lui rappelle qu’il vit dans une société chrétienne : les prénoms, les noms des rues, les églises, la charcuterie, l’alcool, etc...

La Nation plus forte que l’Oumma ?

Alors comment sortir de l’ornière, de ce pernicieux faux ami, de l’universalité présupposée de la laïcité… D’abord s’assumer : être ferme sur ce qui fonde notre identité, notre unité forte de 1500 ans d’infusion dans le christianisme. Ensuite, s’aimer pour être aimé, se respecter pour ne pas être méprisé. La déclaration de Manuel Valls « Vouloir s'en prendre à une église, c'est s'en prendre à un symbole de la France, c'est l'essence même de la France  qu’on a sans doute visé », suite aux attentats déjoués contre les églises de Villejuif est en soi positive et répond à cette ambition. Puis travailler à séculariser l’Islam, c'est-à-dire privatiser le fait religieux, en s’appuyant sur les citoyens de confession musulmane réformistes, car il y en a ! C’est uniquement la sécularisation de l’Islam, avec une lecture interprétative –obligatoire ?- du Coran qui permettra de faire de nouveau Nation. Nous avons la responsabilité de rendre la Nation, pour les citoyens de confession musulmane, plus attractive que l’Oumma, la communauté des croyants qui transcende les frontières. Nous avons la responsabilité politique de rendre la Nation attractive pour tous les citoyens, la responsabilité de rassembler plutôt que de diviser.  Cela passera par l’affirmation du fait culturel français, la fermeté à l’endroit de ceux qui ne respectent pas la Nation, et la bienveillance envers chaque personne et sa propre transcendance. 

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