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La transition vers une mobilité durable, un défi majeur pour les régions.
La transition vers une mobilité durable, un défi majeur pour les régions.
©PHILIPPE MERLE / AFP

Double enjeu

Pour réussir la transition vers une mobilité durable, les deux prochaines mandatures régionales seront cruciales. Les régions vont devoir réduire l’empreinte environnementale des mobilités tout en veillant à maintenir des savoir-faire industriels et des emplois locaux.

Dorian Bouveresse

Dorian Bouveresse

Dorian Bouveresse est Manager, Monitor Deloitte.

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Les dix prochaines années seront décisives pour juguler les effets du changement climatique. Or, pour les transports terrestres, l’alignement sur une « trajectoire bas-carbone » représente un défi particulier. En effet, si les émissions unitaires par véhicule (kg CO2/km-véh) ont baissé ces dernières années, la circulation globale a augmenté[1] : nous nous déplaçons toujours plus et plus loin[2] et les gains de performance énergétique ne permettent pas de compenser cet accroissement de notre mobilité.

Du fait de leurs compétences accrues en matière de mobilité, de développement économique, d’environnement, d’aménagement du territoire et d’emploi, les régions seront en première ligne pour transformer notre mobilité, en s’appuyant sur trois leviers :

  • Accélérer l’essor des nouvelles motorisations (ex. électrique, hydrogène, BioGNV)[3]. Si ces technologies permettent de réduire l’impact écologique sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules, elles ne constituent qu’une partie de la solution et ont toutes des limites intrinsèques. Une conversion totale du parc automobile à l’électrique, par exemple, reste illusoire du fait des matières premières nécessaires (lithium, cuivre, cobalt), dont l’extraction et la transformation demeurent très polluantes[4].
  • Faire évoluer le mix modal. Il s’agit de réduire le nombre de trajets parcourus en voiture individuelle en développant le covoiturage et l’autopartage ainsi que les transports alternatifs à la voiture. Les régions peuvent agir en développant des hubs intermodaux et des aménagements cyclables (piste, parking sécurisé, ateliers, etc.)
  • Réduire le nombre total de kilomètres parcourus en faisant évoluer l’organisation du travail et l’aménagement du territoire. Ce dernier levier est essentiel pour diminuer la demande de transport, en limitant l’étalement urbain et en redensifiant les centres urbains.

Elles devront cependant éviter trois écueils :

  • Manquer d’ambition en matière environnementale. Pour le transport routier, l’ambition est de baisser les émissions de GES chaque année jusqu’en 2030 alors qu’elles ont augmenté ces trente dernières années. Cela exige des conseils régionaux le courage de questionner les investissements dans les infrastructures dites « grises » (routier, aérien) au prisme des enjeux écologiques et de trouver un équilibre entre préservation de l’environnement, développement économique et désenclavement des territoires. Cela implique également de former les élus et fonctionnaires territoriaux afin de développer leur aptitude à concevoir et organiser cette transition.
  • Sous-estimer les problématiques d’inégalités d’accès à la mobilité. Pour une partie des Français, la voiture individuelle constitue l’unique moyen de transport mais représente aussi une part importante de leur budget (10% des ménages en France sont en situation de vulnérabilité énergétique pour leurs déplacements, et 30% hors aire urbaine[5]). Les politiques de mobilité durable doivent prendre en compte les enjeux sociaux des territoires et proposer des solutions aux populations les plus précaires.
  • Penser le développement économique et l’emploi sans stratégies industrielles de long terme. La transformation de notre mobilité va avoir des conséquences économiques et sociales notables. L’emploi dans l’industrie automobile en France, qui a déjà baissé d’un tiers en 15 ans (~210 000 emplois en 2019 contre 330 000 en 2004[6]), va continuer à diminuer en raison de la baisse de la demande et de l’électrification des véhicules : un véhicule électrique est moins complexe à produire et nécessite moins de maintenance qu’un véhicule thermique[7]. Les régions devront accompagner cette mutation de la filière et la reconversion des salariés. La transition vers des systèmes de transport plus durables peut être créateur net d’emploi[8]. Le transport public, par exemple, est en effet un secteur intensif en main d’œuvre, tant dans l’exploitation des services – les entreprises de transport public comptent parmi les premiers employeurs en Europe – que dans la fabrication et la maintenance des matériels roulants. Ainsi un doublement de l’investissement dans les transports publics génèrerait 1,7 millions d’emplois net en Europe[9].

Pour réussir cette transition, les deux prochaines mandatures régionales seront cruciales. Les régions vont devoir répondre à un double objectif : réduire l’empreinte environnementale des mobilités tout en veillant à maintenir des savoir-faire industriels et des emplois locaux. Elles auront à faire des arbitrages difficiles – les politiques publiques actuelles sont encore peu articulées avec l’objectif de neutralité carbone et sont souvent destinées à favoriser le développement économique, induisant de facto un essor des mobilités. Cette transition constitue cependant une opportunité de réinventer notre rapport à la mobilité et de développer des emplois plus pérennes.


[1] Moyenne de 0,211Kg de CO2 par km-véhicule en 2017 contre 275 en 1990 et circulation annuelle en France de 606 milliards de km-véhicules contre 410 milliards en 1990 (SDES, « Les comptes des transports en 2018 », 56ème rapport de la Commission des comptes des transports de la nation)

[2] L’une des causes est l’allongement des distances des trajets domicile-travail depuis 30 ans qui s’explique notamment par la métropolisation

[3] D’autres technologies devront être étudiées en complément de l’électrique, notamment l’hydrogène pour les trains, les camions et les bus

[4] “Leading scientists set out resource challenge of meeting net zero emissions in the UK by 2050”, 5 juin 2019, Natural History Museum,

[5] « Vulnérabilité énergétique, Loin des pôles urbains, chauffage et carburant pèsent fortement dans le budget », INSEE première n°1530, Janvier 2015

[6]  « La grande glissade de l'emploi automobile en France, 23 août 2019, Julien Dupont-Calbo, LesEchos.fr

[7] Selon les calculs de FTI Consulting, les fournisseurs et constructeurs européens devraient produire respectivement 38 % et 17 % de pièces en moins. En cause, le fait que la voiture électrique est plus simple que son équivalent thermique. Elle nécessite six fois moins de pièces et compte 60 % de composants en moins (« Un boom de la voiture électrique pourrait détruire de nombreux emplois, principalement chez les petits sous-traitants, 17 septembre 2018, Novethic.fr)

[8] Gouldson et al., 2018

[9] “Jobs in green and healthy transport”, Making the green shift, United Nations, Mai 2020

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