La semaine de toutes les absurdités : sur l’économie, les analystes se sont lourdement trompés et sur la vaccination, ceux qui attendent les effets à long terme seront morts avant<!-- --> | Atlantico.fr
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Une infirmière administre une injection du vaccin Pfizer-BioNTech contre la Covid-19 à un patient dans un centre de vaccination à Béziers, le 17 mars 2021.
Une infirmière administre une injection du vaccin Pfizer-BioNTech contre la Covid-19 à un patient dans un centre de vaccination à Béziers, le 17 mars 2021.
©PASCAL GUYOT / AFP

Atlantico Business

Mais quel pays ! Pendant que la situation économique retrouve un niveau presque normal, le débat s’emballe autour de la vaccination qui serait pourtant le seul moyen de s’affranchir complètement de ce virus.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Des erreurs et des mensonges, de l’incompétence et de la bêtise. Mais quel pays de fous sommes-nous, nous qui en arrivons à faire n’importe quoi et surtout pas ce que le simple bon sens nous commanderait, si seulement nous en avions encore.

Une fois de plus, la semaine nous a administré la preuve que la classe politique, fortement aidée par une partie des médias, poursuivait lentement mais surement son entreprise d’autodestruction, en tournant en boucle sur les seuls faits et gestes qu‘elle estime importants, non pas pour la collectivité mais pour sa survie personnelle et professionnelle. Et comble de l’histoire, elle s’étonne que les électeurs lui tournent le dos. Cerise sur le gâteau, cette classe politique entretient l’opinion dans l’idée que tout va mal, que l’économie est au bord du drame social, sans parler des absurdités qu’on continue de distiller sur les pseudo-conséquences d’une vaccination qui n’aurait pas fait ses preuves à long terme.

L’analyse de la situation économique et sociale d’un côté et le débat sur la vaccination nous offrent deux exemples du hiatus qui existe désormais dans notre pays.

Sur la situation économique, on attend le mea culpa des économistes du Cercle réunis à Aix-en-Provence comme chaque année. La majorité des Français s’est convaincue que la situation était et serait catastrophique, parce qu’on n’a pas cessé de le lui expliquer. La classe politique et médiatique nous a inondés de prédictions apocalyptiques depuis 18 mois sur les vagues de faillite et de chômage qui vont nous submerger.

Or, la réalité est toute différente. Elle évolue exactement selon un schéma que quelques économistes avaient tenté de décrire au début, mais qui a été rapidement marginalisé et rendu complètement inaudible. (J’en étais mais peu importe...).

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La crise économique ne pouvait pas être une vraie crise. Endogène. Elle était la conséquence de mesures de confinement qui avaient été prises dans le monde entier (parce qu’il n’y avait pas d’autres solutions).

La France (et d’autres) a installé des mesures de protection de tous les actifs de production. Et quoi qu’on dise, très peu d’actifs (usines, camions, bateaux, commerces... et contrats de travail) ont été détruits. Le résultat de ce pari fait par Emmanuel Macron, Édouard Philippe à l’époque et Bruno Le Maire était de penser que, dès que la pandémie aurait reculé, la confiance générale pourrait revenir et du coup, l’économie pourrait repartir. Très peu d’observateurs ont cru à ce pari. Beaucoup ont vu dans ce « quoi qu’il en coute », une mesure démagogique et anesthésiante des colères sociales éventuelles.

La réalité est que la mécanique mise en place fonctionne. L’économie est repartie.

L’Insee (après la Banque de France, les organisations européennes et le FMI) a revu toutes ses prévisions de croissance à la hausse. On fera plus de 6% sur l’année 2021 et du coup, on retrouvera le niveau d’activité d’avant la crise à fin 2019. C’est-à-dire encore plus tôt que ce qu’avait annoncé Bruno Le Maire et que personne ne croyait. La reprise pourrait être euphorique et nous porter encore pour de longues années.

Faut-il être incompétent pour ne pas avoir cru à la reprise forte (et continuer d’en douter) ? Tous les moteurs se sont rallumés : celui du commerce extérieur, de l’investissement et de la consommation. Et les raisons sont très simples :

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- Parce qu‘il y a des besoins énormes à satisfaire,

- Parce qu’il y a des innovations avec la digitalisation qui vont opérer une révolution de même ampleur que celle de la machine à vapeur ou de l’électricité au début du 20e siècle.

- Parce qu‘il y a de l’argent et de l’épargne accumulée, parce qu’il y a eu des hausses de pouvoir d’achat historiques, parce que tout cela se traduit par des hausses d’emplois…

Cette situation ne relève ni de la science-fiction, ni de la méthode Coué. Cette situation relève de la réalité que les chefs d’entreprise et le ministre de l’économie sont bien les seuls à avoir sentie et évaluée. L’époque qui s’ouvre va être euphorique et si nous sommes intelligents, nous remettrons en jeu les dividendes de cette euphorie pour traiter nos problèmes structurels.

Parce qu’il ne faut pas être naïf. Il y a des risques de dérapage.

D’abord, il reste des entreprises malades, mais elles étaient en difficulté avant. Ensuite, il y a des risques de pénurie dans la chaine de valeur. Risque de pénurie d’approvisionnement, on sait qu’on va manquer de puces électroniques ou de batteries, mais il y a bien d’autres sources de pénuries que les entreprises essaient de gérer.

Risque de pénurie de main d’œuvre aussi. Dès maintenant, on sait que plus de 500 000 emplois ne sont pas pourvus dans les services, le bâtiment et dans le digital.

Alors, c’est peut-être de la faute de l’Etat, mais c’est aussi du fait de l’éducation, de la formation et des chefs d’entreprise qui sont évidemment prêts à revoir les salaires. Mais ça n’est pas en doublant le salaire d’un ouvrier qualifié que vous en ferez immédiatement un excellent codeur informatique. Vous ferez de l’inflation.

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Enfin, il peut y avoir des risques liés à l’endettement excessif des Etats, c’est l’angoisse des responsables politiques qui n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise ou sur les marchés financiers. Il faudrait être idiot pour ne pas emprunter à taux zéro et toxique pour penser que les taux vont exploser à la hausse. Cela dit, il suffit d’avoir fait un an d’études en comptabilité pour savoir que le stock de dettes diminue mécaniquement à partir du moment où le différentiel est positif entre la croissance et le prix de l’argent.  Si la croissance est effectivement de 6% cette année alors que le prix moyen de la dette publique est inférieur à zéro, l’endettement diminue de plus de 6%. Jean Tirole (prix Nobel) et Olivier Blanchard (l’ex chef économiste du FMI) l’ont expliqué très clairement dans leur rapport sur la sortie de crise. Mais qui a lu ce rapport, en dehors de l’Élysée et de Bercy ? Ni Tirole, ni Blanchard ne sont pourtant des économistes excités ou atterrés. Ils sont simplement des scientifiques qui respectent les faits et travaillent à expliquer la cohérence de ces faits et de leur évolution. Bizarre qu‘ils n’aient pas étés reçus et entendus ce week-end à Aix-en-Provence lors des Rencontres Economiques.

Tous ces risques existent certes, mais si on est intelligent, ils sont gérables. Et jusqu'à maintenant, dans cette crise, le ministère des Finances est un des seuls qui au gouvernement a fait preuve d’intelligence.

Cela dit, cette situation économique est complètement dépendante de la situation sanitaire parce que la vraie et seule crise est sanitaire ou pandémique. Et il faut reconnaître que le volet sanitaire a été mal géré, que nos gouvernants ont eu du mal à caler un discours rassurant et qu’ils ont aussi entretenu la peur par leur communication incertaine. Mais pouvaient-ils faire autrement ?  Il y avait peu de propositions alternatives venant des politiques. Les seules solutions crédibles et efficaces sont venues une fois de plus des entreprises. Lesquelles ont trouvé les masques, les tests et les vaccins. La vaccination est évidemment la seule solution pour protéger la population. On pouvait certes tenir un discours prudent alors qu’il y avait pas ou peu de vaccins. Ça permettait de dissimuler les retards ou les défauts d’approvisionnement, mais maintenant qu‘en Europe, nous disposons de tous les vaccins possibles, les populations n’ont plus aucune raison de ne pas accepter la vaccination qui protègera d’abord les plus vulnérables et plus pauvres, mais au-delà, l’ensemble du système socio-économique.

Les gouvernants n’ont aucune raison d’hésiter à rendre cette vaccination obligatoire. Sauf par lâcheté politicienne.

C’est une question de santé publique et une condition nécessaire pour que la vie reprenne normalement. Tous les débats auxquels on assiste actuellement sont nullissimes, et indignes. Toute l’histoire de la médecine, depuis Pasteur, nous prouve que les vaccins ont sauvé l’humanité. Il y en a d’ailleurs encore 13 qui en France sont obligatoires.

Les opposants à la vaccination ouvrent la porte à la 4e vague de l’épidémie et au risque du confinement. Ce jour-là, les personnes vaccinées descendront dans la rue pour réclamer qu’on enferme ceux qui ne l’auront pas été, afin de protéger la société. C’est tellement banal et évident que la situation en devient honteuse et désespérante.

Est-ce qu’on imaginerait aujourd‘hui dispenser les automobilistes de permis de conduire ? Est-ce qu’on se souvient que la décision de rendre la ceinture de sécurité obligatoire a donné lieu à des psycho drames politiques, c’était en 1973 ?

Est-ce qu’on se souvient de la violence des tribunes publiées dans les journaux ( de droite comme de gauche ) pour s’opposer à l’interdiction de fumer dans les espaces publics, ou même en voiture, dans les trains et les avions ? A chaque fois, les avocats de la liberté individuelle montaient au créneau et acceptaient de sacrifier le respect de la santé d’autrui, pour protéger la liberté de gens qui intoxiquaient les autres en s’intoxiquant eux-mêmes.

Le débat sur la vaccination et le refus de la rendre obligatoire est loin d’être un facteur de progrès. C’est plutôt un marqueur de régression. Mais dans pays sommes-nous ?

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