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La Russie vient-elle de tester une nouvelle arme dans l'espace?
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THE DAILY BEAST

Le régime de Vladimir Poutine s'affirme sur terre dans le monde entier et veut maintenant s'imposer dans le ciel ?

David Axe

David Axe

David Axe est journaliste pour The Daily Beast.

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The Daily Beast par David Axe

La Russie n’en pas finit pas de marquer des points face aux États-Unis en 2016.

Le 16 décembre, l'armée russe aurait testé ce qui semble être une arme anti-satellite : une fusée qui peut tourner en orbite basse et détruire des engins spatiaux ennemis.

Le test pourrait être le dernier signe en date de l'intention de la Russie, et de sa capacité, de menacer les engins spatiaux américains publics et privés tout en contestant la suprématie militaire et commerciale des États-Unis dans l'espace.

Il pourrait aussi être la dernière provocation d'un régime russe qui nie toute responsabilité quant aux conséquences de ces interventions déstabilisatrices. C’est ainsi que Moscou se lave les mains face au piratage des élections aux États-Unis et dans d'autres pays occidentaux, ou face à l’invasion de l'Ukraine, entre autres attaques contre la stabilité de l’ordre mondial.

Le test d’une arme anti-satellite (ASAT) semble avoir largement échappé à l'attention du public. Le Washington Free Beacon a été le premier à faire un article sur l’essai de cette arme, le 21 décembre, en citant des sources anonymes du gouvernement américain. CNN a également évoqué ce test, en faisant aussi référence à des responsables anonymes américains .

Le capitaine Nicholas Mercurio, un porte-parole de la 14th US Air Force, qui supervise les systèmes spatiaux, a refusé de commenter spécifiquement le test russe. "Nous surveillons les lancements de missiles dans le monde entier" a déclaré Mercurio au Daily Beast « mais nous avons comme règle de ne pas diffuser d’informations sur ces lancements. »

Pour ce test anti-satellite, les Russes disent que cette fusée n’est pas réellement une arme anti-satellite, ou ASAT. L’engin serait destiné à abattre des missiles balistiques envoyés pour attaquer la Russie.

Autrement dit, la fusée que la Russie a testé le 16 décembre serait une arme défensive, pas un système d’attaque tueur de satellite. "Je pense que cela peut être l’un ou l’autre" estime Pavel Podvig, un expert indépendant des forces stratégiques russes, dans un email adressé au Daily Beast. "C’est difficile d’être précis à ce stade." Mais en fait, il n'y a pas de différence significative entre une arme anti-satellite et un missile défensif d'interception. Le même matériel de base peut servir aux deux missions

« La seule différence entre un intercepteur de défense antimissile et une arme ASAT à basse orbite se trouve dans le logiciel," explique Jeffrey Lewis, qui travaille sur les programmes de non-prolifération au Middlebury Institute of International Studies

En 2008, par exemple, l'US Navy a modifié le code de l'un de ses missiles intercepteurs SM-3 et ciblé avec succès, à partir d’un bateau, un vieux satellite américain en orbite basse.

La nature de l'essai russe souligne la probabilité que la fusée en question soit une arme anti-satellite. La fusée aurait décollé d'une base dans le centre de la Russie et volé en orbite basse. Il n'y a pas eu de débris, selon CNN, ce qui veut dire que le missile a probablement ciblé un point dans l'espace au lieu de viser, par exemple, un satellite russe hors service.

Mais le fait que la fusée cible des coordonnées fixes dans l'espace indique qu'elle est destinér à la destruction de vaisseaux spatiaux. "Tirer sur un point fixe dans l'espace est inutile pour la défense antimissile" ajoute Lewis.

En effet, les missiles balistiques entrants se déplacent rapidement. Un missile intercepteur doit pouvoir manœuvrer tout aussi rapidement pour s’adapter à la position en constante évolution de sa cible. Un satellite, au contraire, se déplace relativement lentement et de manière prévisible. "Vous ne savez pas où un missile va arriver", a déclaré Lewis, "mais vous savez où un satellite sera."

Sous Vladimir Poutine, la Russie est devenue le leader mondial de la guerre « asymétrique », frappant ses ennemis discrètement et de manière à éviter une confrontation directe. Après l'envoi de "petits hommes verts" – des troupes sans uniformes officiels pour envahir la Crimée en Ukraine, les forces russes ont matraqué les troupes ukrainiennes avec leur artillerie qui tirait depuis le côté russe de la frontière avec l'Ukraine ... et nié tout bombardement.

De même, la Russie a ciblé l'Ukraine et les petits Etats situés le long de la frontière orientale de l'OTAN avec des cyberattaques incessantes. À la fin de 2015, les pirates russes ont perturbé le réseau électrique de l'Ukraine. Et plus récemment une sous-station près de Kiev, mais on ignore qui est vraiment derrière cette dernière attaque. Le Kremlin se dissimule, lors de ses cyberattaques, derrière d’obscurs groupes, non étatiques ou des pirates individuels comme le fameux Guccifer 2.0. Il dit être le "roumain" qui prétend avoir attaqué le Democratic National Committee américain pendant l’élection présidentielle.

Si ces tests ASAT sont couronnés de succès et que la Russie déploie l'arme, ses missions potentielles pourraient inclure la destruction des satellites de communications, de surveillance, de positionnement du système GPS sur lesquels les États-Unis s’appuieraient en cas de guerre, sans oublier qu’ils sont utilisés par l'économie américaine pour la navigation, la télévision, et même les jeux sur mobiles.

Les États-Unis possèdent près de la moitié des (environ) 1 000 satellites opérationnels dans le monde, beaucoup plus que n’importe quel autre pays. La Russie et la Chine essaient depuis quelques années de contrer cet avantage numérique.

Dans un test d’ASAT en 2007, la Chine a lancé une fusée sur un satellite météorologique désaffecté, le réduisant en morceaux, dont beaucoup restent en orbite ce qui met en danger les vaisseaux spatiaux habités ou non, qui rsiquent une collision.

La Russie et la Chine ont déployé des petits satellites de surveillance qui, officiellement, ne servent qu’à surveiller les autres engins spatiaux, mais qui, pourraient facilement être télécommandés pour entrer en collision avec des satellites américains pour les endommager ou les détruire. Pour mémoire, le Pentagone fait de même, il déploie également des satellites d'inspection qui pourraient menacer d'autres engins spatiaux.

Parallèlement à son développement de satellites potentiellement tueurs, la Russie travaille sur son système de fusée Nudol, qui est officiellement un missile intercepteur conçu pour protéger les villes russes d’un bombardement nucléaire. Moscou veut que Nudol remplace les Gazelle et Gorgon, des missiles de défense vieux de plusieurs décennies.

Les capacités de Nudol restent un mystère. Si le Kremlin entend que Nudol remplace Gazelle, alors Nudol pourrait ne pas pouvoir intervenir dans l'espace. Mais si Nudol est censé remplacer le beaucoup plus puissant Gorgon, alors Nudol pourrait avoir une double mission : intercepteur de missile et tueur de satellite.

"Gazelle n’était pas une menace ASAT, sa portée étant trop faible » selon Brian Weeden, un expert de la Secure World Foundation basée dans le Colorado. "Gorgon, par contre, est probablement une menace ASAT parce qu'il pourrait atteindre une orbite basse autour de la Terre."

Si Nudol correspond aux capacités de Gorgon, alors il est possible que le nouveau missile intercepteur soit à la base de la fusée utilisée dans ce qui ressemble à un test antisatellite qui a lieu le 16 décembre.

Adapter Nudol pour détruire un vaisseau spatial est logique. Au lieu de concevoir une nouvelle arme antisatellite à partir de zéro - un processus long et compliqué – la Russie pourrait simplement modifier une fusée, sur laquelle a travaillé pendant des années.

L'accélération du rythme de l'évolution des systèmes ASAT russes et chinois dont le test du 16 décembre est l’exemple le plus récent, empêche de dormir certains responsables américains. Le général John Hyten, commandant de l'US Strategic Command, a déclaré au Congrès en septembre que la Russie et la Chine développent des armes spatiales offensives plus rapidement que les États-Unis ne développent des contre-mesures.

«Nous allons beaucoup plus lentement que nos adversaires dans certains domaines Nous avons besoin d'aller plus vite et que notre processus d’apprentissage soit plus rapide. »

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