La révolution féministe a-t-elle permis de faire réellement progresser la cause des femmes malgré l’influence de l’idéologie néo-féministe ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean Gabard publie « Le néo-féminisme contre la famille » aux Editions de Paris Max Chaleil.
Jean Gabard publie « Le néo-féminisme contre la famille » aux Editions de Paris Max Chaleil.
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Bonnes feuilles

Jean Gabard publie « Le néo-féminisme contre la famille » aux Editions de Paris Max Chaleil. L'immense majorité de la population de nos pays est prête à mettre fin au sexisme subsistant dans la société patriarcale et soutient le mouvement de libération des femmes. Mais les néo-féministes veulent imposer leur nouvelle idéologie et avancent des revendications extrémistes. Extrait 1/2.

Jean Gabard

Jean Gabard

Après une jeunesse marquée par la culture libertaire soixante-huitarde, Jean Gabard a enseigné pendant 30 ans en collège et lycée. Passionné de voyages et de sciences humaines, il se consacre maintenant à l’écriture et à l’animation de conférences-débats en France, en Belgique, en Suisse… sur l’éducation des enfants, les relations hommes-femmes... A déjà publié aux Éditions de Paris : "Le féminisme et ses dérives / Rendre un père à l’enfant roi". 

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Dans la deuxième partie du XXe siècle, la réaction féministe et libertaire se répand sur un terreau favorable. Elle séduit une grande majorité de la population par sa dénonciation d’un autoritarisme de moins en moins accepté. Elle attire des femmes et des hommes, en premier des jeunes, qui aspirent à plus de paix, de liberté et de justice, qui ne supportent plus les hiérarchies et le sexisme de leurs ainés.

1. Succès et limites de la révolution féministe

Les revendications, qui paraissaient impossibles à satisfaire, quelques années plus tôt, vont trouver un écho et se concrétiser : l’autorité paternelle, à la base de la société patriarcale, est remplacée par l’autorité parentale, en 1970, sans que cela entraîne la moindre discussion ; la pilule contraceptive est autorisée en 1967 et remboursée par la Sécurité sociale en 1973 ; l’interruption volontaire de grossesse est finalement possible. Malgré l’opposition de milieux conservateurs, Simone Veil fait voter la loi qui porte son nom en 1975, et elle est aussi remboursée par la Sécurité sociale depuis 1982 : la non-discrimination sexuelle à l’embauche est établie en 1975 ; l’impossibilité de licencier une femme enceinte ou en congé de maternité est instaurée en 1980 ; l’égalité salariale est reconnue ; en juillet 1999, une réforme constitutionnelle prévoit l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ; des lois suivent pour favoriser la parité dans les conseils municipaux et régionaux, pour les conseils généraux, pour les listes européennes ; en quelques années, le PACS est créé, le mariage homosexuel et la PMA pour toutes les femmes sont légalisés ; la lutte contre le sexisme se précise avec des lois qui condamnent plus sévèrement le harcèlement sexuel sur les lieux de travail, le viol et les violences faites aux femmes. Le mouvement « Me Too », fait apparaître au grand jour l’étendue de drames jusque-là passés sous silence. En libérant la parole des femmes victimes, il enlève aux agresseurs, grossiers et violents, l’assurance de bénéficier de l’invisibilité et de l’impunité de leurs actes.

Les cinquante dernières années ont vu la cause des femmes, plus progresser que pendant les cinq siècles précédents. Celles-ci sont ainsi devenues de plus en plus présentes dans des rôles différents de ceux où elles étaient cantonnées. Elles sont même très majoritaires dans tous les secteurs en charge de l'éducation, de la justice, de la santé. Dans la famille, qui connaît un « grand remue-ménage », ce sont maintenant elles qui décident, si elles veulent un enfant ou pas et qui exercent le plus souvent l’autorité. « Elles ont le pouvoir sociétal », « et ce n'est pas rien », constate Michel Schneider. « Quand vous regardez la marche du féminisme depuis le tout début des années 70 à aujourd’hui, vous vous dites que les femmes ont fait des pas de géantes ! »

Les mouvements féministes, qui ont maintenant pignon sur rue, ont fait progresser la démocratie dans de nombreux domaines mais si un état des lieux donne à voir les avancées féministes importantes, il pointe aussi les limites : les stéréotypes et les clichés ont la vie dure : le sexisme est encore prégnant dans les publicités ; certains acquis sur le plan législatif sont uniquement formels ; l’égalité femmes-hommes reste encore très souvent un vœu ; la parité est encore faiblement respectée dans le champ politique et celui du travail ; les discriminations sont encore trop présentes : les agressions, les viols sont toujours très nombreux (la vague Me Too en a révélé l'ampleur) ; le nombre des féminicides est révoltant… Ces constatations diverses font dire à de nombreux féministes et particulièrement aux plus extrémistes que leurs luttes n’ont pas abouti, que les mentalités sexistes n’ont pas beaucoup changé et que la domination patriarcale perdure. Ils parlent même de « backlash », d’un « retour en arrière », d’un mouvement de balancier qui menace de régression la condition féminine. Qu’en est-il exactement ? Alors qu’avec le mouvement MeToo, on croit voir s’effondrer un système patriarcal qui maintenait les victimes d’abus sexuels dans le silence, on assiste, dans de nombreux pays, à l’accès à la magistrature suprême, d’hommes politiques ouvertement réactionnaires et même aux États Unis, pourtant pays symbole de la démocratie occidentale, à la révocation du droit constitutionnel à l’IVG… Comment expliquer ce paradoxe ? Les deux mouvements opposés et de plus en plus extrêmes ne s’alimenteraient-ils pas l’un l’autre ?

2. Une idéologie néo-féministe dominante

Plus que les succès, qui paraissent encore bien incomplets et même si le danger réactionnaire n’est pas absent, nous assistons aujourd’hui au triomphe de la vision du monde féministe.

La contre-culture des années soixante a mis à mal tout ce qui restait de l’idéologie patriarcale. Alors que la société de consommation leur propose plus de tentations, les nouvelles générations n’adhèrent plus aux normes qui entravent leur « Moi Je ». Elles veulent plus de responsabilités, moins de limites, plus de fantaisie. L’individu entend s’affirmer et choisir sa voie. Alors que les églises se vident et que Dieu lui-même est contesté, les interdits dictés en son nom perdent leur sens. Respecter des limites devient ringard et si les transgresser a d’abord été une fierté, on les contourne aujourd’hui sans y faire attention, et même de plus en plus, sans les connaître. La libération des mœurs, qui a d’abord été un acte de résistance à l’autorité des pères et à la famille bourgeoise, est aujourd’hui acquise. Elle ne fait plus scandale. Ce qui était provocation est même devenu la norme.

Le refus de la société patriarcale est aussi un refus des inégalités et surtout des inégalités femmes-hommes. Il y a certes encore un immense travail à réaliser mais les combats continuent et deviennent plus visibles. Ils sont soutenus par une majorité de plus en plus forte et agissante. On reconnaît maintenant que les humains, femmes et hommes, naissent libres et égaux en dignité et en droits. Cette égalité en droits tant attendue n’est plus seulement proclamée, elle est, certes depuis peu, dans la loi, mais maintenant approuvée par le plus grand nombre. Qui oserait se déclarer contre « l’égalité femmes-hommes » ? Elle est même devenue la grande cause du quinquennat Emmanuel Macron, en 2017, celle qui a fait l’unanimité. Les mouvements politiques les plus extrêmes, eux-mêmes, ne se placent pas sur ce terrain ou ne remettent en cause que certains points, comme l’écriture inclusive ou la GPA. Qui aujourd’hui oserait demander un retour à la société patriarcale traditionnelle ? Qui oserait demander le retour à l’autorité paternelle ? Qui oserait dire que les femmes ne sont destinées qu’à faire la cuisine, la vaisselle, le ménage, à s’occuper des enfants et que les hommes leur sont supérieurs ? Qui oserait se prononcer contre la recherche de davantage de parité ? Il existe peut-être quelques nostalgiques en mal d’adaptation, mais même ceux-là n’osent pas affirmer leurs positions sexistes en public tellement celles-ci sont minoritaires et ringardisées. Celles-ci rebutent les personnes ayant adopté la vision du monde féministe égalitariste, certaines par conviction, d’autres comme la seule évolution possible et acceptable, mais toujours comme une évidence. Aujourd’hui le macho n’a plus la cote !

Après des siècles de domination masculine et d’infériorisation de la femme, la contestation de la société patriarcale a conduit à une féminisation inévitable qui transforme la société occidentale. Aujourd’hui, c’est en effet la très grande majorité de la population qui rejette le sexisme et les contraintes imposées par l’idéologie traditionnelle. Celles-ci paraissent tellement dépassées que le refus de celles qui restent n’est plus une provocation mais un droit. Pour Françoise Bonardel, « la modernité a fait du dépassement permanent des limites (plus ultra !) une sorte de charte de bonne conduite ». Un demi-siècle après « 68 », on ne bafoue plus les traditions contraignantes, on les ignore ! Aujourd’hui, la vision du monde féministe du milieu du XXe siècle est même dépassée par une idéologie néo-féministe plus radicale, synonyme de spontanéité, de modernité et de jeunesse.

Extrait du livre de Jean Gabard, « Le néo-féminisme contre la famille », publié aux Editions de Paris Max Chaleil

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