La révolution du pétrole de schiste est-elle déjà terminée aux États-Unis ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Andrew John Hall alerte sur une fin rapide du boom des hydrocarbures de schiste (en illustration, une exploitation).
Andrew John Hall alerte sur une fin rapide du boom des hydrocarbures de schiste (en illustration, une exploitation).
©Reuters

Fin d'un mythe

C'est peut-être la fin du fameux boom des hydrocarbures de schiste : c'est en tout cas ce que prédit l'un des maîtres de l'énergie de Wall Street, Andrew John Hall. Les spécialistes auraient fait des erreurs sur les spécificités des hydrocarbures de schiste, notamment sur leur durée de vie et le fonctionnement des marchés du gaz et du pétrole.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : L'un des traders sur l'énergie les plus connus de Wall Street, Andrew John Hall, fait la prédiction d'une fin rapide du boom des hydrocarbures de schiste (et donc d'un retour du pétrole conventionnel). Pourquoi ce que l'on annonçait il y a un an encore comme une révolution de rupture, commence à voir d'influents spécialistes se détourner ?

Thomas Porcher : Pour ma part, je n’ai jamais cru que les hydrocarbures de schiste étaient une révolution et je me suis attaché à le démontrer dans mon dernier ouvrage [Le mirage du gaz de schiste (éd. Max Milo)], mais il est vrai que beaucoup de spécialistes reviennent sur leurs premières analyses. Je pense que leurs erreurs proviennent principalement du fait qu’ils n’aient pas pris en compte d’une part les spécificités des hydrocarbures de schiste et d’autre part, le fonctionnement des marchés gaziers et pétroliers. Par exemple, beaucoup ont oublié de mentionner que la durée de vie des gisements de schiste est beaucoup plus faible que celle des gisements conventionnels. Alors qu’un gisement conventionnel peut produire pendant 25 ans, un gisement de pétrole de schiste ne produit pas plus de 5 ans avec une baisse de la production à partir de la deuxième année. Pour maintenir une production constante, la condition est donc de sans cesse forer. Vous avez donc d’un côté, les Etats-Unis qui produisent à pleine capacité des hydrocarbures de schiste ayant une durée de vie de cinq ans et de l’autre, les pays de l’OPEP qui détiennent la majorité des gisements qualifiés de super-géants (réserves supérieures à 700 millions de tonnes) et qui eux produisent par quotas et donc épuisent moins vite leurs réserves. Dans ces conditions, on ne peut qu’avoir un retour du pétrole conventionnel dans les prochaines années.

Selon Andrew John Hall, si les pétroles de schiste causent la baisse du baril du pétrole, celui-ci atteindra un plancher (estimé par le spécialiste à 75$) à partir duquel il ralliera de nouveaux tous les suffrages par rapport au schiste. Le pétrole de schiste était-il donc seulement un substitut au pétrole conventionnel quand celui-ci était considéré comme trop cher ? N'a-t-il pas d'autres avantages ?

Le coût d’extraction du pétrole de schiste est estimé à 75 $, ce qui veut dire que pour le produire, il faut que le prix du marché soit supérieur à 75 $ sinon il n’y a aucun intérêt pour le producteur. Dans ces conditions, une hausse de l’offre grâce au pétrole de schiste ne pourra pas faire baisser le prix plus bas que le coût d’extraction de ces pétroles, faute de quoi ils ne seraient plus rentables et leur production s’arrêterait. En fait, plus le cours du pétrole s’éloigne de 75$, plus les compagnies sont incitées à produire du pétrole de schiste et inversement. Le pétrole de schiste n’est donc pas un substitut au pétrole conventionnel, il s’ajoute seulement à la production de conventionnel quand le prix du pétrole le rend suffisamment rentable.

L'expert estime même que d'ici 5 ans le baril de pétrole pourrait remonter à 150$. Mais est-ce crédible de penser que le pétrole puisse remonter à ce niveau sans que le pétrole de schiste ne revienne en force ? Pourquoi ce qui s'est déjà passé une fois ne pourrait-il pas perdurer dans le temps ?

Concernant le prix à 150 $ d’ici 5 ans, c’est un scénario possible, car il risque d’y avoir une double compression de l’offre : la première sera due à l’épuisement des réserves de pétrole de schiste à cause de la durée de vie des gisements qui est plus faible, et la deuxième sera due à la baisse des investissements d’exploration des compagnies à cause de la baisse des cours du pétrole. Or, si les investissements des compagnies en exploration diminuent, l’offre future de pétrole diminue ce qui, à demande constante, fait augmenter les prix. Concernant la question du retour en force du pétrole de schiste, ce ne sera pas aux Etats-Unis car les réserves seront probablement beaucoup plus faibles, peut-être d’en d’autres pays… En tout cas, tout le monde aura compris que l’histoire du pétrole de schiste est éphémère.

Même si le pétrole conventionnel peut redevenir à court terme plus profitable que le pétrole de schiste, les réserves de pétrole ne sont pas intarissables. Cela ne confère-t-il pas un avantage au pétrole de schiste ? Est-il vraiment mort à long terme ?

Comme je l’ai dit dans la première question, 72% des réserves prouvées de pétrole sont entre les mains de l’OPEP. Or, ces pays produisent par quotas, ce qui allonge la durée de vie de leurs réserves qui est par nature plus longue que celle du pétrole de schiste. De l’autre côté, les Etats-Unis produisent à pleine capacité du pétrole de schiste qui a une durée de vie largement inférieure. Dans ces conditions, sur le long terme, le pétrole conventionnel, et plus particulièrement l’OPEP, risque de revenir en force...

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