La REF : les patrons se cherchent une vision d’avenir mais les hommes politiques ne se précipitent pas pour les aider<!-- --> | Atlantico.fr
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Patrick Martin, le nouveau président du Medef (Mouvement des entreprises de France), à Meudon, le 6 juillet 2023.
Patrick Martin, le nouveau président du Medef (Mouvement des entreprises de France), à Meudon, le 6 juillet 2023.
©Ludovic MARIN / AFP

Atlantico Business

Pour les patrons d'entreprise, l'année 2023 restera très particulière. Ils ont élu un nouveau président, ils sortent du "quoi qu'il en coûte" et cherchent désespérément quelle sera la politique économique qu'on leur infligera et qui la conduira…

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il y a des années où les responsables politiques et syndicaux se bousculent pour participer aux travaux de l'université d'été du Medef, la REF. Il y a des années où il faut absolument être vu et entendu sur la pelouse de Longchamp.

Et puis il y a des années de sécheresse a Longchamp. 2023 en est une. Les adhérents des grandes fédérations professionnelles ont donné à leur mouvement un nouveau président. Patrick Martin avait toutes les qualités pour accéder à la fonction. Mais en réalité, personne ne sait s'il a celles qu'il faut pour exercer la fonction dans un climat bourré d'incertitudes. Donc, ils l'attendent. Ce sera sa première prestation officielle, celle qui peut donner le ton de son mandat. Il a toutes les clés en main parce qu'à priori peu de personnalités invitées sont en mesure de lui voler la vedette. Et surtout pas les responsables de la politique qui n'ont jamais été aussi peu nombreux à être invités ou à accepter une invitation.

Il n'y aura guère que deux poids lourds incontournables : Lundi, Élisabeth Borne, première ministre, qui ne pouvait pas ne pas être là. Elle a tellement de choses à se faire pardonner des patrons qu'elle ne doit pas s'attendre à être accueillie les bras ouverts. Si elle pouvait seulement rassurer le monde de l'entreprise qu'elle ne lui enverra pas les factures des travaux gouvernementaux, ce serait bien. Elle joue gros, elle cherche une majorité, car sans majorité, elle ne pourra pas tenir longtemps. Elle aura du mal à en trouver à Longchamp.

Mardi, aux environs de midi, Bruno Le Maire, ministre de l'économie… Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron, c'est lui qui tient les comptes de l'État, assez bousculé par la logique du "en même temps" initiée par le président de la République. Il est sorti de toutes les crises sans prendre trop de coups : les gilets jaunes, le Covid, les confinements, l'inflation, la retraite, la révolte des quartiers… Sur le plan économique, il en ressort avec des résultats bien meilleurs que ce que la classe politique prévoyait, meilleurs que ceux de nos principaux partenaires européens. Il est devenu incontournable. Les chefs d'entreprise lui font confiance parce qu'ils savent que la France vit à crédit et que l'endettement ne sera supportable que si et seulement si la signature de la France est respectée, ce qui est le cas actuellement en grande partie grâce à la présence de Bruno Le Maire dans la gouvernance du pays.

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Il n'a pas fait de miracle, mais il a évité les catastrophes économiques et financières. Incontournable pour les patrons, Bruno Le Maire joue gros, à titre personnel . il doit garder leur confiance tout en gagnant la sympathie des classes moyennes et populaires. À ses côtés à la REF, Olivia Grégoire, qui s'occupe des petites entreprises, des commerces et des artisans.

La gouvernance française ne sera pas plus représentée, la classe politique non plus, mis à part Xavier Bertrand, le président de la région nord, qui se vit en chef d'entreprise, et David Lisnard, le maire de Cannes, président des maires de France, qui parle lui aussi comme un patron d'entreprise.

Bizarrement, aucun de ceux à qui, dans le monde politique, on prête déjà des ambitions présidentielles ne sera là : ni Édouard Philippe, ni Éric Ciotti, pas un seul représentant de la gauche modérée ou extrême, ni de l'extrême gauche. Tous répondent qu'ils ne "boudent" pas, mais qu'ils travaillent à leur université d'été.

Cette absence politique va donner à la REF une couleur particulière dont la nouvelle présidence peut tirer parti. Après tout, les responsables politiques ne sont intéressants que s'ils ont des idées et des projets. Or actuellement, on ne peut pas dire qu'ils débordent de propositions et de programmes.

Pour les chefs d'entreprise, c'est peut-être une opportunité de s'affranchir du pouvoir central. Après tout, face aux crises majeures, les chefs d'entreprise s'adaptent et trouvent des solutions. Face au Covid, face au confinement, face à l'inflation, face aux contraintes écologiques et énergétiques, ils trouvent des solutions et même face aux ruptures d'approvisionnement dans leur chaîne de valeur, ils se débrouillent… C'est le métier du chef d'entreprise que de gérer des situations compliquées, c'est sa responsabilité. Et pour pouvoir exercer cette responsabilité, ils ont besoin d'un État, mais pas n'importe lequel.

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Un État régalien qui assure les fonctions régaliennes de dire la loi, de faire respecter l'ordre, la sécurité et la défense de la souveraineté.

Un État régulateur pour éviter les distorsions de concurrence et corriger les inégalités les plus fortes sans paralyser les potentiels de croissance des entreprises. Bref, protéger l'écosystème.

Un État investisseur pour engager des projets qui ne peuvent pas intéresser les marchés mais qui sont nécessaires au bien public, la santé, l’ecole, la recherche fondamentale…

Mais parallèlement, les chefs d'entreprise ont besoin d'entendre et d'écouter les contre-pouvoirs : les actionnaires, les banques, les salariés et surtout leurs clients. Les clients en général savent se faire entendre, les actionnaires aussi… mais les salariés ont plus de mal, faute de syndicats suffisamment forts et représentatifs. C'est le maillon faible du système français. Les syndicats auraient pourtant beaucoup de choses à dire et à suggérer sur l'énergie (nucléaire ou pas nucléaire), sur l'écologie (protection de l'environnement, mais à quel prix et à quel rythme), sur le modèle social français qui dérape dans tous les sens. Faut-il rappeler que le modèle social français est officiellement et juridiquement un modèle paritaire ? En réalité, le modèle social est géré par l'État, car les partenaires sociaux n'ont pas pris leurs responsabilités. Le moment est venu de récupérer ces pouvoirs. Mais ce n'est pas à l'État d'organiser la mutation, c'est aux partenaires sociaux de le faire. La faiblesse et l'absence des politiques, l'impossibilité de dégager des majorités de gestion, ouvrent des opportunités que tout le monde devrait saisir. Dans un an, il sera trop tard et tout le monde sera en campagne électorale.

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