La productivité, cette grande oubliée de la réforme des retraites <!-- --> | Atlantico.fr
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Le niveau de la productivité du travail a reculé en France de 2,8% depuis 2019.
Le niveau de la productivité du travail a reculé en France de 2,8% depuis 2019.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Elément-clé

La productivité est un élément-clé pour comprendre ce sur quoi le gouvernement aurait dû agir.

Patrick Artus

Patrick Artus

Patrick Artus est économiste.

Il est spécialisé en économie internationale et en politique monétaire.

Il est directeur de la Recherche et des Études de Natixis

Patrick Artus est le co-auteur, avec Isabelle Gravet, de La crise de l'euro: Comprendre les causes - En sortir par de nouvelles institutions (Armand Colin, 2012)

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Atlantico : Dans votre note de travail, vous mettez en avant la perte de productivité en France des trois dernières années. Quelles en sont les causes ?

Patrick Artus : Le niveau de la productivité du travail a reculé en France de 2,8% depuis 2019. A titre de comparaison, la productivité du travail par tête augmentait en moyenne de 1,25% par an de 2002 à 2007, et de 0,89% par an de 2010 à 2019. Cela s’explique par la baisse du temps du travail par salarié, qui est liée en partie à l’amélioration des conditions de travail. Pour le reste, il y a une cause transitoire - bon nombre d’entreprises ont des difficultés de recrutement, ce qui influe sur la productivité - et une cause permanente - le rapport des français au travail a changé. Ils ont moins goût au travail depuis la crise sanitaire.

Si à l'avenir, cette perte de productivité n’est pas seulement un mouvement tendanciel, mais une accélération du mouvement tendanciel, on va avoir un énorme problème au niveau de l’équilibre des finances publiques.

Il faut absolument mettre en place une sorte de clause de bilan de la réforme des retraites pour recaler tous les paramètres sur l’observation de la productivité.

Dans quelle mesure la réforme des retraites ignore ces enjeux-là ?

D'après le gouvernement, la réforme des retraites va faire monter de 6 points le taux d’emploi des plus de 60 ans, passant de 35% à 41%. Cela correspond à une hausse de 0,8 point du taux d’emploi de l’ensemble de la population. La productivité va alors augmenter de 0,8 point. Or la perte de productivité par rapport aux États-Unis est de 1 point sur un an. Donc la réforme des retraites ne corrige que sur un an le déficit de productivité par rapport aux États-Unis par exemple. Cela est insuffisant.

Qui du chômage des jeunes ? Les jeunes français ont un taux de chômage de 18% et 5,5% allemands de moins de 25 ans. Cela équivaut à trois réformes des retraites ! Allonger l’âge légal de la retraite ne s’accompagnera pas de gains de productivité permanents.

Quelles sont les moyens de faire remonter la productivité ?

Une partie de l’affaiblissement de la productivité est liée au vieillissement. Il reste du travail manuel pour lequel les salariés âgés sont moins productifs. Pour agir sur la productivité, on peut :

1) Améliorer les compétences, la formation des salariés. La France se classe dans les derniers pays de l’OCDE en termes de compétences de la population active. Or il y a un fort lien entre les compétences, les gains de productivité et le taux d’emploi.

2) Corriger le sous-investissement chronique de la France. Si on calcule le taux d’investissement net des entreprises (taux d’investissement duquel on déduit l’amortissement du capital), qui détermine la croissance du capital, la France a un handicap de 40% par rapport au taux d’investissement net des entreprises aux États-Unis, où il est de 4% là-bas et de 2,6% en France. Pour le moment, ce sous-investissement chronique implique une massive sous-accumulation de capital et donc un ralentissement de la productivité.

3) Dépenser davantage dans la R&D, qui représente 2,5% du PIB en France et 3,5% aux États-Unis.

Qu’aurait dû faire le gouvernement ?

Il faut augmenter les gains de productivité, et il y a trois solutions pour ça, que je viens d'énoncer.

Pour augmenter la production, on peut augmenter le taux d’emploi. Et cette réforme ne prend pas en compte la faiblesse du taux d’emploi en France, et a fortiori la faible employabilité des jeunes. Le taux d’emploi des adultes est également à prendre en compte, qui est aujourd’hui de trois points inférieur à son niveau en Allemagne. Puis il y a un déficit de 30 points concernant le taux d’emploi des plus de 60 ans, or la réforme ne va corriger que le quart de ce déficit.

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