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La “nouvelle” génération de gamers est là : quand les jeux vidéos retapent les seniors
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Papi Mario et tata Croft

Après l'échec retentissant de l'utilisation de la Wii dans les maisons de retraite, c'est au tour de MediMoov de chercher à conquérir les seniors. Ce jeu a été développé dans l'idée de permettre la rééducation des personnes âgées et de présenter des caractéristiques thérapeutiques.

Antoine  Seilles

Antoine Seilles

Antoine Seilles, PDG de NaturalPad

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Christine Brinis

Christine Brinis

Christine Brinis est directrice Exploitation de la résidence Les Monts d'Aurelle à Montpellier,  groupe ORPEA.

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Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Dans le cadre d'une expérimentation en EHPAD, un jeu vidéo a été développé pour aider les patients à la ré-éducation. Quels sont les bénéfices que l'on peut retirer d'une telle pratique ? Dispose-t-on déjà de données chiffrables la concernant  ?

Christophe de Jaegger :  Je reçois les innovations, aussi bien en terme d'informatique que de jeu, de manière très positive. C'est une manière de mobiliser toute une partie de l'esprit des gens de façon ludique. Ils seront capables de mieux apréhender leurs corps, mais également de se donner des objectifs et de les suivre. Le tout, en restant ludique. Ce dernier aspect a une véritable action sur la plasticité neuronale du cerveau. Aujourd'hui, on peut considérer que tout ce qui est informatique peut représenter un vrain gain, une aide considérable, en matière de thérapie. Particulièrement pour les personnes âgées, qui continuent à jouer en dépit de leurs âges, restent sensibles à ce genre de chose. Ce genre de procédé permet, pour les personnes âgées, une approche différente de la spatialité, des efforts et contribuera à lui offrir des objectifs qu'elle cherchera à atteindre au travers du jeu. Par conséquent, l'idée en tant que telle présente de vrais avantages et des bénéfices réels. De façon générale, le jeu et l'informatique comme vecteur de jeu, peuvent être des innovations très favorables aux personnes âgées, sur le plan de la thérapie.

Il est important, cela étant, que les patients ne pratiquent pas seuls. Il faut qu'un personnel médical restent avec eux. Si les gens ne sont pas formés, si on ne leur explique pas les tenants et les aboutissants et qu'aucun professionnel de santé ne se trouve à leurs côtés, prêt à les guider, cela peut être dangereux (on l'a constaté avec la Wii, par exemple). Sur les procédures de sécurité exactes, il reste difficile de se prononcer avec précision : cela dépend aussi beaucoup de la pathologie, du patient...  Le principe n'en est pas moins très intéressant. On a beaucoup à attendre, dans l'avenir, du développement des systèmes informatisés et notamment sous forme de jeu.

Concernant d'éventuels retours et chiffres, il n'en existe pas encore à ma connaissance. Les expérimentations sont encore très récentes. Pour autant, on sait que le jeu peut être un moyen très étonnant pour permettre le rétablissement, la stimulation et la rééducation mémorielle. Il ne s'agit pas uniquement de rééducation physique : il existe des sites internets, sur lesquels les gens peuvent se connecter à volonté, peuvent réitérer les exercices quand ils le souhaitent, sont capables de comparer leurs scores... Ces interfaces permettent une vraie souplesse aux patients. Je pense que nous n'en sommes qu'au début de la mise en place et de la découverte de ce que ces procédés peuvent apporter en thérapie.

Quel est l'intérêt majeur de l'utilisation du jeu vidéo pour les patients ?

Christine Brinis :Nous parlons plus de "serious game" que de jeu vidéo. Le principal intérêt pour nous tient dans le fait qu'il s'agit d'une nouveauté et d'un outil que nos résidents n'ont pas l'habitude d'utiliser. C'est ludique : les patients n'ont pas l'impression de faire de la rééducation, mais bien de jouer.

Le deuxième intérêt c'est un jeu qui se fait de manière individuelle qui ne nécessite pas la présence d'un kiné, mais une aide-soignante ou un ergothérapeute. C'est innovant par rapport à une prise en charge standard. Lorsque nous avons testé le jeu, nous sélectionnons le niveau, le degré de difficulté en fonction des capacités motrices de chaque patient. Ici, le jeu testé faisant travailler les membres supérieurs, il revêtait donc un intérêt car il pouvait être utilisé par des personnes à mobilité réduite et même en fauteuil roulant.

Il faut être ouverts à des expériences nouvelles tant que cela apporte un plus à la rééducation de nos résidents. Nous avons été le premier site test. Il s'agit d'un outil sérieux puisqu'il a été conseillé après une étude scientifique réalisée en lien avec le CHU de Montpellier du Pr Hubert Blain.  

Medimoov dit augmenter les capacités physiques d'une personne via le jeu vidéo et la capture des mouvements. Quelles sont les conclusions sur le terrain ? Y a-t-il de vraies différences avec une séance de kiné "classique", lesquelles ?

Christine Brinis : On ne peut évidemment pas dire que les améliorations ne sont dues qu'à l'utilisation du jeu, mais le "serious game" vient en complément des autres prises en charge, activités physiques adaptées, prise en charge par des aides-soignantes et l'ergothérapeute kiné. C'est l'addition de ces différentes prises en charge qui permet un bénéfice. L'étude a montré une amélioration pour la plupart des résidents test qui ont utilisé ce jeu par rapport aux autres qui ne l'ont pas utilisé.

Ces résidents test ont utilisé ce jeu trois fois par semaine à raison de séances de 20 minutes et comme pour toute activité physique, plus on pratique plus on s'améliore.

Quels sont les bienfaits du physio-gaming pour les seniors ?

Christine Brinis : Les bienfaits sont la prévention de la chute, une amélioration de l'équilibre. Le fait qu'il s'agisse d'une innovation et qu'elle soit ludique fait que les patients apprécient aussi de comparer les scores. Et cela créé un lien inter-générationnel. Lorsque le grand-père de 96 ans raconte à son petit-fils qu'il joue lui aussi aux jeux électroniques  pour sa rééducation, cela les rapproche.

Comment vous est venue l'idée de l'utilisation du physio-gaming en EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) ?

Antoine Seilles : Tout a commencé en 2009, lors de la commercialisation de la Wii, puis en 2011 lorsque des EHPAD se sont équipés de la console pour faire bouger les seniors. Mais, cette idée a vite été abandonnée et les Wii mises au placard car elles n'étaient pas conçues ni adaptées à cette cible précise et ne correpondaient pas à la demande. Il y avait des risques de se blesser. Cette console était plus orientée pour les joueurs de salon avec des habitudes de jeu. Ils partaient du principe que les gens avaient déjà l'habitude de jouer à des jeux vidéo, alors que les seniors, même aujourd'hui n'ont pas trop cette culture-là. 

Nous sommes quatre docteurs en informatique et un docteur en sciences du mouvement. Quand on a vu l'expérience ratée de la Wii dans ce milieu précis, nous en avons conclu qu'il y avait quelque chose à faire. Nous nous sommes intéressés au domaine avec une approche très conception participative. Nous passons beaucoup de temps avec les soignants à comprendre quels sont les bons gestes et ce qu'il faut faire faire aux résidents pour leur permettre d'améliorer leur capacité de mouvement sans prendre de risque de se blesser.

Nous nous sommes aussi intéressés aux nouvelles technologies de capture de mouvement et plus particulièrement Kinect de Microsoft. Légalement, on a la droit d'utiliser Kinect pour créer des applications sur ordinateur. Nous achetons donc des Kinect et développons nos jeux.

Au tout départ, nous faisons appel à des soignants pour pouvoir adapter nos jeux à la demande et aux besoins spécifiques des patients. Nous travaillons avec des ergothérapeutes et kinésithérapeutes notamment. Les jeux et les gestes sont testés par de premiers patients sur des cycles courts. Une fois que chacun est satisfait, nous passons dans une phase de validation clinique comme pour un médicament. Les patients testent et les résultats sont comparés avec une approche plus classique. Les statistiques nous disent ensuite si nous avons amélioré les capacités de mouvement de la personne et si on le fait plus vite et mieux qu'une autre solution. 

Medimoov permet d'augmenter les capacités physiques d'une personne via le jeu vidéo et la capture des mouvements. Comment cela se passe ?

Antoine Seilles : Medimoov est une plate-forme web qui va proposer en fonction des patients et résidents des jeux. En maison de retraite, on a divers jeux liés à des mouvements et les kinés et coaches vont proposer aux patients des jeux adaptés à leurs capacités de mouvement. Chaque soignant va proposer une séance de rééducation. Il y a des bateaux à faire déplacer entre des rochers, il y aussi des avions, un vaisseau spatial... Il y a une calibration de la capacité de mouvement et le soignant choisit la taille des objets et leur disposition en fonction des capacité du patient.

Quels sont les bienfaits du physio-gaming pour les seniors ?

Antoine Seilles : Le physio-gaming améliore la capacité de mouvement. Mais, contrairement à une rééducation classique, le senior est demandeur. En fait, il n'a pas l'impression de faire de l'exercice, mais a l'impression de faire une séance de jeu. C'est ludique, le senior a envie de joeur à un jeu video. Et en jouant, il se soigne. Cela rend l'exercice de kinésithérapie ludique, alors que la plupart du temps il est répétitif. Mais, le physio-gaming ne remplace pas le kiné, c'est un complément du kiné. Au niveau des EHPAD, les seniors sont demandeurs, ils veulent jouer, battre leurs records, alors que les kinés avouent avoir du mal d'habitude à leur faire faire leur séance classique. 

Le physio-gaming a-t-il d'autres vertus ?

Antoine Seilles : Le physio-gaming améliore aussi la cognition, la capacité de réflexion,  il faut avoir une stratégie dans un jeu. Mais, notre première attente est l'amélioration de la capacité de mouvement. 

Attention, les patients ne deviennent pas "accros" ni dépendants. On cherche à ce que les gens soient demandeurs.

Voici la vidéo de présentation de MediMoov :

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